Le silence des rails, de Franck Balandier (Flammarion)

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Le silence des rails, de Franck Balandier

Éditions Flammarion, février 2014

 

Briser le silence

« Terrible de naître après une guerre ». Novembre 1918, sur le quai d’une gare parisienne, le petit Étienne voit le jour, tandis que les soldats rentrent chez eux. Commence alors pour lui un autre combat, survivre à l’abandon par sa mère, à la solitude affective, aux dures lois des orphelinats, aux attouchements sexuels. A l’école de guerre qu’est la vie, Étienne devra attendre dix huit ans et sa rencontre avec Jules, son premier amour, pour connaître clandestinement une forme de paix. L’armistice ne sera cependant que de courte durée. En juillet 1942, parce qu’il est homosexuel, il sera déporté dans l’unique camp de la mort installé en territoire français annexé, en Alsace : le camp de Natzweiler-Struthof. Sur son bras, tatoué à l’encre bleue, un numéro : 19852. Sur son pyjama de prisonnier, un triangle rose, pointe vers le bas, signe distinctif des homosexuels.

 

Dès lors, il doit mener la plus âpre des batailles : survivre dans l’enfer innommable du quotidien, de la peur, de la faim, de la terreur, de la mort. Affecté aux latrines, chaque matin ressemble au précédent, chaque jour est une nuit sans fin, au milieu des cris, des corps décharnés, de la fumée échappée du baraquement du bas. Pourtant, dans ce chaos, des sursauts de vie, des rayons de soleil percent en la personne de Ernst, gardien du camp qui lui donne de temps à autre une cigarette et lui prête vie dans son regard. C’est aussi cette fillette d’un haut gradé qui se hasarde de l’autre côté du barbelé et lui offre tantôt son sourire craintif, tantôt son ballon à rattraper. Des bonheurs bien fugaces cependant. Des signes de vie vite évaporés.

 

S’il sort vivant et libre de cet enfer, personne ne le croira, c’est sûr…

 

Dans un style remarquablement maitrisé, Franck Balandier mêle avec brio roman et écriture éminemment poétique, fiction et faits historiques, sans jamais accabler le lecteur malgré la gravité du propos, faisant de lui le témoin de la barbarie des hommes. Les phrases claquent, les mots giflent, l’écriture cingle, touchant le lecteur en plein cœur.

 

Un roman fort, pour ne pas oublier combien l’homme peut être un loup pour l’homme…

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