Le voyage en argentique, texte et photos de Christine Spadaccini
Éditions Laura Mare, 2010
Alzheimer, ardoise maléfique
Le verdict tombe, implacable, inacceptable: Alzheimer. Une maladie qui grignote la mémoire chaque jour un peu plus, plonge le malade dans le marécage de l’oubli. Oubli de soi, des proches, des gestes du quotidien. Oubli de tout. Jusqu’à l’engloutissement total dans ce trou noir.
Mais sa petite fille ne veut pas accepter cette cruelle réalité. Non, elle ne laissera pas sa grand-mère s’engluer dans le néant. Non, elle ne restera pas spectatrice de sa déchéance. Non, non, non, elle ne laissera pas cette sournoise maladie la couper de celle qu’elle chérit.
L’amour plus fort que la mort. Plus fort que la maladie.
Installée dans la demeure de son aïeule, elle entreprend alors de reconstituer le puzzle de sa mémoire à travers les photographies qui jalonnent sa vie. Dans la vieille demeure, elle découvre nichées dans des endroits improbables une multitude de clichés. Et avec eux, les souvenirs d’enfance de remonter à la surface, tandis qu’ils s’enfoncent dans la mémoire de sa m’amie. Et si elle lui montrait ces photos ? Et si elle l’emmenait faire un voyage argentique ? Chaque jour, elle se rendra ainsi à son chevet, prête à l’embarquer dans la croisière du passé, animée du fol espoir de la ramener sur les rives du présent, auprès des siens, auprès d’elle. Et de guetter dans ses prunelles éteintes l’étincelle du souvenir, prélude à l’embrasement de la vie. Puisse t-elle s’y reconnaître, puisse t-elle au fil de ces visages, de ces images, retisser le fil coupé sur la trame des souvenirs. Puisse t-elle guérir…
Mais si tout cela n’était qu’illusion ? Et si rien ni personne ne pouvait empêcher sa lente dérive ? Alzheimer, ardoise maléfique ?
Avec une infinie pudeur, une sensiblité et un amour à fleur de mots, à fleur de photos, Christine Spadaccini nous relate ce bras de fer terrible engagé contre la maladie. Et nous embarque dans son voyage.
Un voyage dont on ne revient pas indemne.
Une quête de mémoire qui restera gravée dans la nôtre. Fortement. Magnifiquement.
Et un défi ô combien réussi : M’amie n’est pas morte. Par delà les maux, elle vit, danse et sourit dans ces mots.