L’amour en miettes, Catherine Siguret : autopsie du chagrin d’amour

 

9782226238665

L’amour en miettes, petit abécédaire du chagrin d’amour, Catherine Siguret

Éditions Albin Michel, janvier 2012

 

Autopsie du chagrin d’amour

 

     Avec dix huit millions de célibataires en France, la quête et la perte de l’Autre sont des sujets qui qui interpellent beaucoup. Qui n’a pas vécu un jour, peu ou prou un chagrin d’amour ? Un sujet tant rebattu par la presse, les études sociologiques, la littérature, que l’on pourrait penser avoir tout dit, tout vu et tout lu le concernant. C’est méconnaître ce savoureux ouvrage de Catherine Siguret, écrivain et journaliste, qui apporte un regard neuf, formidablement juste, aussi émouvant que drôle sur le chagrin d’amour.

     Sous forme d’abécédaire, tel un chapelet dont elle égrène les lettres, de A comme Amour à V comme Voeux en passant notamment par D comme désaimer, F comme Facebook, ou P comme Pervers, l’auteur dépeint toute la palette des émotions par laquelle passe l’être quitté. Un tableau complet, riche en couleurs : déchirure, espoir, désillusion, culpabilité, tristesse, colère, pitié, jalousie, haine, soulagement, joie. Touche par touche, comme une toile de Seurat, se dessine la vie sans l’Autre, juste après la rupture déclenchée par ces trois mots tranchants comme la lame d’un sabre « Je te quitte ».

     Un amour dont il ne reste que des miettes que le lecteur peut picorer comme il l’entend, de façon linéaire ou non. « Admettre n’est pas comprendre. Comprendre n’est pas guérir. C’est l’impasse et, au bout de l’impasse, souvent, l’injustice, la colère et la haine. » Un cheminement que l’on suit tantôt avec le sourire (la tablette de beurre ou le gel douche de l’Autre que l’on ne se résoud pas à jeter), tantôt un pincement au coeur, toujours avec admiration pour la justesse de l’analyse.

     Et ce passage par la lettre F comme Facebook d’être particulièrement lucide et savoureux, drôle et terrible à la fois. A l’heure des nouveaux médias et réseaux sociaux, la rupture avec l’Autre, qui suppose de cesser tout contact, de renoncer à le voir, à l’entendre, à savoir ce qu’il advient, devient difficile. Tyrannie des technologies qui rendent compte en quelques clics de ce que fait l’autre, permettent de voir ses photos seul ou avec son nouvel amour sur sa page facebook ou, si on l’a radié de ses « amis », sur la page d’amis communs. Le virtuel entretient le lien que vous vous efforcez de couper dans le réel et sait se montrer machiavélique à souhait.

     Un livre qui se déguste miette par miette ou d’une seule traite, dans l’ordre comme dans le désordre!

 

P45 : « On sait, bien mieux qu’un nouveau-né, ce que l’on perd quand l’Autre nous expulse de son ventre, avec cette douleur en prime, si l’on est quitté et non quittant, qu’il s’agit à nos yeux d’une aberration de la nature. C’est, en fait de naissance, une fausse couche, un avortement forcé si l’on devine que des forceps se cachent derrière la décision prise. »

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