La première chose qu’on regarde, de Grégoire Delacourt
Editions Jean-Claude Lattès, mars 2013
Etre, par-être ou… dispar-être?
Un soir, tandis qu’il regarde tranquillement la télévision, Arthus Dreyfuss, 20 ans, garagiste de la petite ville de Long, entend sonner à sa porte. Il s’agit ni plus ni moins de l’actrice aux proportions parfaites, élue la plus belle poitrine d’Hollywood, celle qui fait fantasmer les hommes et verdir de jalousie les femmes : Scarlett Johansson. Mirage? Non. Cette dernière, épuisée, veut disparaître quelques jours, se fondre dans l’anonymat, être une fille banale. Just boring. Arthur hésite alors un quart de millionième de seconde. Et accepte. Il la prend sous son aile, lui offre son toit et lui laisse sa chambre. Just that.
Lui qui jusqu’alors était fasciné par la mécanique automobile et la poésie dont « les mots, emperlés d’une certaine manière, étaient capables de modifier la perception du monde », voit sa vie transformée. Mais saura t-il la réparer, elle? Saura t-il rendre le sourire à la petite fille blessée en elle? Car tous deux se révèlent avoir l’âme cabossée par les embardées nombreuses sur l’autoroute de leur vie. Il leur manque des pièces d’origine, du carburant de réassurances, de tendresse, d’attentions. Parviendront-ils à refaire le plein d’amour? Et de quel amour? Car le seul amour qui vaille, souligne l’auteur, le seul amour vrai, est celui qui permet « d’ être vu comme on se voit : dans la bienveillance de notre estime de soi » .
La mécanique de l’âme n’aura t-elle pour eux plus aucun secret?
Dans ce magnifique roman, savoureux cocktail d’humour et de gravité, Grégoire Delacourt dénonce cette tendance actuelle à sacraliser le corps, à défaut de sacraliser l’âme. L’importance sociale de la minceur, de la beauté, et plus largement, la recherche obsédante de l’amélioration de l’image, relèguent au second rang la vraie beauté, celle qui existe au delà des apparences, celle notamment de l’estime de soi. Au scalpel de sa plume, l’auteur dissèque les âmes humaines avec une justesse chirurgicale, met les coeurs à nu et opère chez le lecteur une indicible émotion…
« La première chose qu’on regarde » est une vibrante ode à l’amour. « L’amour qui se transmet entre les êtres et ne se perd jamais. » (p194). Bouleversant. Brillant. Incontournable. Just that.
P.45 « La rouille grignote les âmes de ceux qui ne réalisent pas leurs rêves »
P86 : « Ce n’est pas le temps qui civilise, mais ce qu’on vit. »
P. 98 : « Le silence possède aussi la violence des mots ».
P134 : « Quand on s ‘abandonne soi, on se perd toujours »