La mécanique du bonheur, de David Bergen
Editions Albin Michel, octobre 2013
Morris Schutt, cinquante et un an, est un journaliste connu et reconnu. Chaque jour, nombreux sont ses fidèles lecteurs, épris d’histoires vécues, à attendre sa chronique. Une chronique qu’il alimente en piochant dans sa vie intime, non sans dérision, jonglant avec dextérité entre réalité et fiction. « Les lecteurs croyaient que, Morris écrivant à la première personne, la vie qu’il dépeignait était la sienne. Ils s’identifiaient aux drames intimes, aux petits échecs, aux fardeaux financiers et aux difficultés des relations familiales. » P.12 En réalité, il ne leur vend qu’un faux semblant de lui-même, ce qui titille parfois sa conscience, mais sans plus. Morris Schutt a le vent en poupe et se laisse porter sans trop se poser de questions.
Jusqu’au jour où il apprend le décès de son fils Martin, parti combattre en Afghanistan. La mécanique du bonheur s’enraye. Lui et sa femme ne vivent pas le drame de la même façon. Au lieu de souder le couple, l’épreuve le dissout. Et les grains de sable de s’amonceler. Sa fille Libby, partie vivre avec sa femme, a une liaison avec son professeur beaucoup plus âgé qu’elle. Quant à son autre fille, Mérédith, il n’apprécie pas du tout son compagnon. Cerise sur le gâteau, le journal lui donne congé pour une durée indéterminée : ses chroniques, désormais teintées de mélancolie, ne sont plus attractives. Les lecteurs n’ont pas envie d’entendre parler de malheur.
Ses repères effondrés, esseulé, harcelé par la térébrante culpabilité de la mort de son fils, Morris Schutt va tenter de reconquérir une forme de joie de vivre, de sérénité. Echanges épistolaires avec une femme qui a elle aussi perdu son fils à la guerre, fréquentation de prostituées, lecture de grands philosophes, Morris va se rendre compte que huiler les rouages du bonheur est une entreprise longue et ardue.
Avec La mécanique du bonheur, David Bergen nous livre un roman caustique et mélancolique sur la vie d’un homme à un moment charnière de son existence.