Le meilleur du monde, de Virginia Bart : l’insatiable quête du bonheur

Le meilleur du monde, de Virginia Bart
Editions Buchet Chastel, janvier 2015

Extérieurement, Jeanne, 40 ans bientôt, a tout pour être heureuse. Et s’attache à le laisser croire. Mais si on gratte le vernis des apparences, on s’aperçoit que ni sa réussite professionnelle en tant que journaliste, ni la longévité de son couple, ni les soirées passées dans des lieux chics ne lui procurent de réelle satisfaction. « Je n’ai presque jamais été heureuse et il ne m’est pas évident de vivre. Depuis toujours le quotidien me parait au mieux incolore et terne, au pire pesant et lugubre. Je suis de ceux qui ne se satisfont de rien. » Une frustration qui ne la pousse pas pour autant à l’action, spectatrice de sa vie plutôt qu’actrice.
Jusqu’au jour où elle croise son amour d’enfance, Christophe, un musicien qui vivote. Ce dernier était et demeure son opposé, aussi spontané, confiant et insouciant qu’elle est cérébrale, criblée de doutes et organisée. Deux personnalités et deux milieux à priori aux antipodes. Mais cette différence attire Jeanne, car riche en promesse d’un monde plus exaltant, plus excitant, plus intense. Et de quitter son mari pour Christophe. Et de tutoyer le meilleur du monde à ses côtés.
Mais le meilleur est-il pérenne ? La quête d’un bonheur absolu, parfait, toujours à son paroxysme, ainsi que le conçoit Jeanne, n’est-elle pas génératrice d’inévitables frustrations à terme, lorsqu’un quotidien plus banal reprend ses droits, lorsque la nouveauté fait place au connu? Par ailleurs, n’est-il pas dangereux de conditionner notre bonheur aux réponses d’autrui à nos attentes ?

Un roman court, au rythme soutenu, au style fluide, qui pose de vraies questions. Une jeune femme attachante à la recherche d’absolu, tiraillée entre envies et principes.
Et si le bonheur était de se réjouir de ce que l’on a, pour autant que l’on sache le voir ?

A lire!

Nombre de pages : 160
Prix éditeur : 13€

Lignes brisées, de Harold Cobert ( Editions Héloïse d’Ormesson)

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Nostalgie de l’adolescence, ironie du destin et regret de la passion, Harold Cobert renoue avec le thème des rendez-vous manqués.

Voilà plus de 20 ans que Gabriel et Salomé, alors adolescents, se sont séparés. Plus exactement que Gabriel l’a quittée. Lui est devenu un écrivain de renom. Elle est aujourd’hui une brillante parlementaire européenne. Et pourtant. Pourtant, Gabriel n’a jamais oublié la si gracieuse et si gracile ballerine qu’elle fut, la jeune fille dont la grâce infinie le subjuguait.  » Depuis des années, je t’aime à travers d’autres femmes. Au début, je crois toujours que je suis guéri de toi. Cela dure quelques mois, quelques semaines ou quelques heures. Et puis je te reconnais en elle. Une attitude, un regard, une manière de marcher, de se tenir, une grâce dans le port de tête. « Mais ces femmes ne sont que de pâles ersatz. Toujours il espère que Salomé lui reviendra, qu’ils reprendront là où leur amour s’esr arrêté, là où leurs lignes se sont brisées. Et en ce jour il espère plus particulièrement encore, tandis qu’il vient dédicacer son dernier livre dans la ville de Salomé.

Mais l’amour peut-il renaître après plus de 15 années loin l’un de l’autre? Les sentiments peuvent-ils se raviver sous le soufflet des souvenirs heureux ? Qu’eût-été leur vie s’ils ne s’étaient pas quittés 20 ans auparavant? Aurait-elle poursuivi dans l’élan du merveilleux tracé initial ou sa ligne se serait-elle brisée tôt ou tard?

Avec Lignes brisées, Harold Cobert entraine le lecteur dans une valse des sentiments à deux temps. Celui de la nostalgie et celui du présent. Une chorégraphie très joliment orchestrée, portée par une écriture aérienne et vive. Des dialogues qui s’enchainent dans un pas de deux envolé, des personnages attachants qui trouveront écho en chacun d’entre vous. A lire!

Prix Coeur de France 2015 : La marquise de Sade de Mireille Calmel (XO éditions)!

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Le 16 mars dernier, le jury du prix Cœur de France s’est réuni à la maison de l’Amérique latine. Ce prix, créé spécialement pour la Fête du Livre « Lire à Limoges » en 1995 par Madeleine Chapsal, marraine de la fête du livre, est décerné chaque année à un roman de l’actualité littéraire. Les auteurs sont nommés sur proposition des éditeurs.

Après délibération, le prix Cœur de France 2015 a été attribué à Mireille Calmel pour La marquise de Sade chez XO éditions.

Le jury, présidé par Madeleine Chapsal, était composé de :
Janine BOISSARD
Xavier MILAN
Philippe PAULIAT-DEFAYE, Maire-Adjoint Délégué à la Culture
Eric PORTAIS
Eve RUGGIERI
Sonia RYKIEL
Gonzague SAINT-BRIS

Les livres sélectionnés cette année étaient :

Mireille CALMEL pour « La marquise de Sade » chez XO Editions

France CAVALIÉ pour « Baïnes » aux Editions Robert Laffont

Sylvie GRANOTIER pour « Personne n’en saura rien » aux Editions Albin Michel

Jean-Michel OLIVIER pour « L’ami barbare » aux Editions de Fallois

Michel QUINT pour « Veuve noire » aux Editions de l’Archipel

Valère STARASELSKI pour « Sur les toits d’Inssbruck » au Cherche Midi Editeur

Caroline TINÉ pour « Le fils de Yo » aux Editions Jean-Claude Lattès

 

Le livre :

Avec le charme et la puissance d’évocation des plumes libertines,
Mireille Calmel nous invite à découvrir les mœurs les plus secrètes de la cour de Louis XV…

En cet été 1763, Renée Pélagie de Montreuil est depuis quelques mois la Marquise de Sade. Une Marquise très éprise mais très chaste qui reçoit une mystérieuse lettre l’informant de l’inconduite de son époux et l’invitant à assister à ses frasques. Un premier billet anonyme qui ouvre à la belle Marquise des horizons délicieusement interdits…

Un roman piquant et sensuel dans le Paris des Lumières et du libertinage

 

Camille s’en va, de Eliane Girard (Buchet Chastel)

Camille s’en va, Eliane Girard

Editions Buchet Chastel, mars 2015

 

Roman d’une fugue, Camille s’en va parle autant des excès de notre société que de la solidarité qui, envers et contre tout, autorise l’espoir.

Pour Maryline, la vie s’est arrêtée douze ans plus tôt, le soir où son mari a été la victime innocente d’un braquage. Depuis ce jour maudit, elle vit recluse dans son appartement, shootée aux antidépresseurs et autres anxiolytiques. Un appartement qu’elle partage avec sa fille Camille aujourd’hui âgée de 18 ans. Camille, son trésor, son seul lien à la vie. Submergée par l’angoisse qu’un autre drame ne survienne, que la vie lui arrache sa fille comme elle lui a arraché son mari, elle prive cette dernière de liberté, limite ses moindres déplacements. L’extérieur, le monde réel, auquel elle n’a plus accès qu’à travers le prisme de la télévision, lui parait si hostile, si dangereux. A contrario, l’extérieur incarne pour Camille le lieu de tous les possibles, la liberté, la vie, comme le lui renvoient les émissions de télé-réalité qu’elle regarde. Et de s’imaginer en héroïne d’un jeu télé, partant à l’aventure, sans argent, comptant sur la seule bonne volonté des habitants croisés en chemin. Une perspective séduisante.

Si séduisante qu’un jour elle décide de la mettre en pratique. Elle quitte le cocon étouffant de la maison et fugue, part à la rencontre des autres, d’elle-même, de la vie.

Avec Camille s’en va, Eliane Girard dresse le portrait de personnages attachants, des êtres blessés en quête de sens, funambules en équilibre fragile sur le fil de la vie. Un chemin initiatique parsemé de désillusions mais aussi d’agréables constats sur le genre humain.

Touchant.

 

Nombre de pages : 268

Prix éditeur : 15€

Les ateliers du calme : de magnifiques colos géants à faire seul ou à plusieurs!

Les ateliers du calme : Colo géant zoo extraordinaire et colo géant jardin merveilleux.

Éditions Deux Coqs d’Or, janvier 2015

Dès 7 ans.

Les enfants sont à la maison et vous rêvez de tranquillité. Incompatible ? Que nenni ! Les éditions Deux Coqs d’Or proposent en effet à vos chères têtes blondes des coloriages géants dans sa collection Les ateliers du calme. Sur les thèmes du zoo ou encore du jardin, le poster de 90*126 cm une fois déplié (soit…18 feuilles A4!) offrira à vos enfants et leurs petits camarades des heures de divertissement, de concentration et d’évasion. L’occasion pour eux de s’appliquer à respecter les contours, de laisser parler leur créativité à travers le choix des couleurs, de travailler leur motricité fine, d’apprendre à observer les règles, le tout en s’amusant.

Vous aimerez particulièrement les coloriages de cette collection, avec leurs formes arrondies, leurs boucles, leurs arabesques, les bouilles amusantes des animaux, la végétation luxuriante du jardin, la multitude de détails.

Et le coloriage terminé, les artistes en herbe pourront afficher fièrement au mur leur tableau !

Une pause bienfaisante et déstressante pour les petits comme pour les grands.

A offrir !

Prix éditeur : 5,90 €

45ème Prix de la Maison de la Presse : pré-sélection

 

Le 45ème Prix Maison de la Presse sera décerné le mercredi 20 mai 2015 au Centre National du Livre.

Le Prix Maison de la Presse récompense un roman ou un document signé d’un auteur de langue française. L’ouvrage primé affiche les qualités littéraires d’un ouvrage destiné à un large public de façon à devenir la lecture de l’été par excellence. Le jury est composé de 10 personnes du comité de lecture et de 14 libraires propriétaires de Maison de la Presse qui sont différents chaque année. Le président du jury, personnalité du monde de la presse et du lire change également tous les ans. Après Philippe Labro en 2014, la présidente, cette année, sera l’écrivain Katherine Pancol, lauréate du Prix Maison de la Presse 2006 pour Les yeux jaunes des crocodiles chez Albin Michel.

15 auteurs ont été pré-sélectionnés pour ce prix :

  • Valérie Tong Cuong pour Pardonnable, impardonnable (JC Lattès)
  • Laurent Gaudé pour Danser les ombres (Actes sud)
  • Daniel Picouly pour Le cri muet de l’iguane (Albin Michel)
  • Sandrine Collette pour Six fourmis blanches (Denoël)
  • Alain Gillot pour La surface de séparation (Flammarion)
  • Gaëlle Nohant pour La part des flammes (Héloïse d’Ormesson)
  • Chahdortt Djavann pour Big Daddy (Grasset)
  • François-Henri Désérable pour Evariste (Gallimard)
  • Laurence Peyrin pour Zelda Zonk (Kéro)
  • Agnès Martin-Lugand pour La vie est facile, ne t’inquiète pas (Michel Lafon)
  • Fabienne Juhel pour La chaise numéro 14 (Rouergue)
  • Patrick Bard pour Poussières d’exil (Seuil)
  • Jacques Expert pour Deux gouttes d’eau (Sonatine)
  • Paula Jacques pour Au moins il ne pleut pas (Stock)

Verdict le 20 mai!

La Kar’Interview de Cookie Allez, auteur de Dominique (chez Buchet Chastel) : Partie 2

Pour la deuxième journée consécutive, nous retrouvons la chaleureuse et talentueuse romancière Cookie Allez, auteur de Dominique, aux éditions Buchet Chastel.

Suite de la Kar’Interview :

Karine Fléjo : On retrouve dans Dominique cette qualité d’écriture qui vous caractérise : des phrases ciselées, un style fluide, une très jolie musicalité. Comment travaillez-vous cette écriture ?

Cookie Allez:  Je crois que je ne sais pas répondre à cette question !
Bien entendu, je me relis, et me relis sans cesse. Mais je n’ai pas l’impression de « travailler » mon écriture. Je la veux au service de ma pensée, dans ses tours et ses détours, tout comme je la veux à l’écoute de la moindre nuance des sentiments ou des sensations que je veux faire passer.
Autre chose : je n’oublie jamais que j’écris pour quelqu’un. Un inconnu que j’ai envie de convaincre, de faire sourire ou d’émouvoir, de distraire ou de mobiliser. Dans ce roman, selon les passages, je crois que l’on peut retrouver presque toutes ces envies.
En fait, mon « travail » consiste à comparer en permanence mon contenu mental et affectif avec ce que j’ai posé sur le papier : si ce n’est pas parfaitement conforme, je recommence ! Sans jamais me lasser du plaisir de manipuler cette langue française, et parfois de me rendre à ses injonctions. Car il ne faut pas croire que la langue n’a pas son mot à dire. Il arrive qu’elle vous mène carrément par le bout du nez ! C’est peut-être difficile à comprendre, mais ce retournement a lieu lorsque l’on accepte de lui abandonner ses propres défenses pour accueillir les suggestions qui surgissent de l’écriture elle-même.

KF : Dans ce roman, les femmes jouent un rôle important. L’arrière grand-mère Knitty, la grand-mère Lily, la mère France ne partagent pas le même point de vue quant au choix laissé à l’enfant de déterminer son identité sexuelle. Pensez-vous que ce point de vue est clairement une question de génération ?

CA : Non, je ne crois pas que l’opinion que l’on peut avoir sur le sujet soit une question de génération. Du moins, pas exclusivement. Déjà, il me semble que pour avoir un point de vue qui tienne, il faut vraiment s’être penché sur la question… qui n’est pas si simple !
D’une certaine façon, l’on repose, à propos du genre, l’éternel problème de l’inné et de l’acquis : lequel des deux l’emporte ? Il me semble que la part de l’un et de l’autre – en quelque sorte le pourcentage d’inné et d’acquis – est variable selon les sujets…
Dans ce roman en tout cas, bien plus que leur âge, ce sont la personnalité et le vécu des trois femmes qui déterminent leurs réactions respectives.
KF : Pensez-vous que l’être humain aura vraiment le choix de son identité sexuelle ?

CA : N’étant ni scientifique ni prophète, je ne peux prédire l’avenir.
On sait que chacun peut d’ores et déjà décider de ressembler à un sexe biologique qui n’est pas celui de sa naissance. L’on peut transformer assez facilement son apparence, plus difficilement suivre des traitements hormonaux, et encore plus difficilement subir des opérations lourdes. Dans l’état actuel des choses, même si la chimie ou le bistouri ne sont pas d’un emploi courant, la transmutation est faisable. Non sans risques psychiques et physiques, bien sûr.
Mais qu’en sera-t-il demain ? Changera-t-on de sexe comme de coiffure ? Y aura-t-il encore deux sexes ? Ou trois ? Et pourquoi pas un seul, ou cinq, ou six ?! Ce sont des questions qui posent d’autres questions… Les réponses toutes faites, idéologiques ou « posturales », sont redoutables car elles entravent le cheminement d’une réflexion ouverte, approfondie, philosophique.
En fait, c’est le mot « choix » qu’il faudrait ici examiner.
Car, même si, dans le futur, cette mutation est facilitée médicalement et légalement, dans quelle mesure la personne qui la décide est-elle en position de faire un choix absolument libre ? Autrement dit, un choix qui ne serait pas induit par une souffrance ou une pression quelconque, intérieure ou extérieure.
Il me semble que tout choix est soumis à un faisceau de faits qui le motive, non ? Par exemple, à un certain stade de souffrance, peut-on s’estimer libre ? Je ne crois pas.

KF : Selon vous, ce choix est-il une chance ou un handicap ?

CA : Je dirais que la chance, et la probabilité (heureusement, les statistiques l’attestent), c’est d’abord de se sentir bien dans le sexe qui vous échoit à la naissance !
L’acceptation d’appartenir à un sexe défini, que ce soit par une anatomie marquée, par des pulsions, des inclinations, des dispositions, permet de reconnaître l’autre comme un être différent. Il n’y a pas d’altérité si l’on est tous semblables. Or je suis convaincue que la différence enrichit… et cela dans tous les domaines – pas seulement dans la sphère sexuelle ! Quant à savoir respecter l’autre comme son égal, même s’il est dissemblable, voire incompréhensible, il n’y a pour moi aucun doute : c’est bien une question d’éducation !
Mais cela posé, c’est à l’évidence une chance pour les personnes qui souffrent de pouvoir retrouver un équilibre grâce aux progrès de la médecine et à l’évolution de notre regard vers une plus grande générosité du cœur.
Pour revenir à Dominique, c’est un roman. Pas un essai. Pas une croisade. Pas une plaidoirie pour ou contre une « théorie » qui, comme toutes les théories, reste… théorique !

KF : Quel serait le meilleur compliment que l’on pourrait vous faire à propos de ce roman ?

CA : Qu’il provoque deux réactions souvent contradictoires : la réflexion et le sourire.

Retrouvez la chronique consacrée à ce roman en cliquant sur ce lien : Dominique, de Cookie Allez

La Kar’Interview de Cookie Allez, auteur de Dominique (chez Buchet Chastel) : Partie 1

 

En janvier dernier est paru Dominique, le nouveau roman de Cookie Allez. Rencontre avec une romancière aussi talentueuse que délicieuse.

 

Karine Fléjo : Quel a été le détonateur de ce roman ?

Cookie Allez : Le mot « détonateur » me paraît en effet parfois très justifié ! Sans crier gare, une image, un sentiment ou une expérience appelle des mots pour s’incarner. Et tout à coup une phrase, un titre, ou un personnage commence à tirer le fil d’une histoire…
Mais pour moi, en amont, il y toujours une nécessité intérieure : l’envie de plonger dans l’écriture. Écrire est une drogue et certains ne peuvent pas s’en passer trop longtemps – je suis de ceux-là. Entre deux livres, tout est bon pour assouvir ce besoin : j’écris à tort et à travers… C’est ma façon de tromper l’impatience de trouver « mon » sujet : je cherche un détonateur !
L’envie de creuser le thème du genre auquel s’adosse Dominique, mon dernier roman, a déjà quelques années.
Le détonateur en est la brève interview d’une femme qui offrait chaque matin à son enfant de sept ans la possibilité de choisir sa tenue du jour. Il avait deux panoplies de vêtements dans son placard, l’une masculine, l’autre féminine. Au gré de son humeur, le petit garçon se promenait en robe ou en jean. Il essuyait des moqueries, bien sûr… Aussi l’école avait-elle vainement essayé de dissuader sa mère de continuer à l’élever dans cette dualité. Cependant cette femme mettait toute sa fierté à persister, pour « vivre avec son temps » et pour réaliser, disait-elle, « l’égalité des sexes ». Deux photos montraient l’enfant posant sagement dans ses deux genres apparents.
J’ai beaucoup ruminé cette information très lapidaire… Elle m’a profondément troublée ! La question du « genre » m’a paru mériter réflexion, au-delà des réactions immédiates d’opposition – souvent assez brutale – ou, au contraire, d’une acceptation, soit un peu passive soit plus engagée.
La volonté d’entrer dans ce sujet avec un regard distancié, modéré et bienveillant m’a conduit à constater que les débatteurs, très souvent, ne parlaient pas de la même chose. Cette mère, par exemple, espérait réaliser « l’égalité des sexes », confondant ainsi égalité et similitude, inégalité et différence. La confusion sémantique, comme toujours, contribue à enflammer la discussion.
J’ai fini par penser qu’il serait intéressant de pousser le raisonnement de la théorie jusqu’à son paroxysme. Pas sur un être vivant, qui servirait de cobaye… mais pourquoi pas sur un personnage ? Pour voir.
Dominique est donc un roman. Une fiction qui raconte simplement l’histoire d’une famille qui met en pratique, de façon un peu extrémiste, cette théorie qui affirme que ce sont la pression sociale, l’éducation, les préjugés qui vous font homme ou femme. Et qu’un être soustrait à tous les stéréotypes et diktats extérieurs, qu’ils soient familiaux, culturels, philosophiques, religieux ou autres, aurait la liberté absolue de prendre le genre qui lui convient le mieux, y compris le genre neutre.

KF : Vous soulevez de nombreuses questions, et notamment l’erreur communément faite de tout mélanger : le sexe, le genre, l’égalité et l’orientation des goûts sexuels. Avoir les mêmes droits en tant que fille ou garçon signifie-t-il être semblable pour autant ?

CA : Il est clair que sur ce sujet, rien n’est clair ! Il véhicule tant d’affect, tant d’idéologie, tant de revendication, que les mots volent en tous sens, se dévoient, perdent leur contenu originel.
Chez la plupart des humains, le sexe biologique de naissance est identifiable. Hormis des pathologies rares, c’est une donnée anatomique, perceptible, et qui, jusqu’ici, induisait une identité mâle ou femelle. Comme chez les animaux, en somme, où la question du genre ne se pose pas.
C’est l’introduction de la notion de « genre », le fameux gender, qui vient tout perturber dans cette classification binaire qui ne tient pas compte des exceptions. Ce gender semble vouloir échapper à l’anatomie et être une notion d’un autre ordre. D’un ordre plus psychologique, plus subjectif, plus lié aux représentations et aux attitudes sociales. La théorie le considère comme dépendant du regard de l’autre et d’une éducation qui contribue à l’affirmer ou au contraire à l’estomper. En fait, le genre se pressentirait plus qu’il ne se verrait en chair et en os – si j’ose dire. C’est en cela qu’il pose un problème… du moins, si l’on veut voir un problème.
Quant à l’orientation sexuelle, c’est encore autre chose ! À mon sens, c’est pour chacun un choix personnel, privé, intime. Vivre telle ou telle préférence relève du droit d’aimer qui bon vous semble ! Pour autant, un ou une homosexuelle n’est pas un être dépourvu d’identité sexuelle et de genre… Pour ne citer qu’elle, Colette était une femme, et une femme très féminine d’apparence et de comportement ! Cela ne l’a pas empêchée d’orienter ses amours selon ses goûts – lesquels se sont révélés variés.
Alors nier, sous prétexte d’égalité, des différences physiques (hormonales ou autres), et des différences psychiques, c’est selon moi tout confondre. Pour ma part, je milite pour l’égalité des sexes… comme pour l’égalité entre tous les humains. Mais cette conviction concerne l’égalité en termes de valeur, pas en termes de muscles ou d’autres considérations qui n’ont rien à voir avec la valeur d’un être humain !

KF : Tout au long du roman, vous maintenez le mystère sur le sexe de l’enfant. Pour parvenir à une telle prouesse, vous avez dû vous arracher les cheveux, non ?

CA : Oui. Je suis d’ailleurs surprise de ne pas être chauve aujourd’hui !
Comme la plupart des langues européennes, la langue française est « genrée » et, comme la plupart, elle ne dispose pas d’un genre neutre applicable aux personnes… Voilà qui m’aurait bien facilité les choses pour relever le défi que je me suis lancé en décidant de maintenir le lecteur dans l’ignorance du sexe de Dominique, et cela jusqu’à la dernière page. En fait, j’aurais pu m’en abstenir, mais il m’a semblé intéressant d’affronter cette difficulté sémantique, qui est aussi au cœur du sujet. De plus, c’était une façon de faire percevoir combien il est difficile, concrètement, de vivre dans une sorte d’apesanteur sexuelle, psychique, culturelle, et linguistique.

Dans la langue française, presque tous les adjectifs s’accordent en genre, les participes passés aussi. Et que dire de l’interdiction d’utiliser les pronoms qui m’auraient trahie et les mots qui induisent une image masculine ou féminine ? Ce fut une sorte de performance sportive pour mes petites cellules grises !

 

Suite de l’interview demain! Et retrouvez la chronique consacrée au roman Dominique en cliquant sur ce lien : Dominique, de Cookie Allez

Mini-résolutions pour grands changements, de Caroline L. Arnold : passionnant!

Mini-résolutions pour grands changements, de Caroline L. Arnold
Editions JC Lattès, janvier 2015

 

« Il n’est jamais trop tard pour devenir ce que nous aurions pu être » George Eliot
Il est de coutume en fin d’année de prendre de « bonnes » résolutions pour l’année suivante, et ce, dans tous les domaines : finances, santé, organisation, relations, travail, sommeil, poids, etc. Et pourtant, aussi motivés soyons –nous au moment de formuler ces vœux, force est de constater que c’est chaque année la même chose : notre volonté s’essouffle. Les objectifs ne sont pas tenus. Un constat que Caroline L. Arnold, femme d’affaires de renom aux États-Unis, a fait elle aussi. A cette différence notoire près qu’elle a refusé de se résigner. Et de s’interroger : et si ces « bonnes » résolutions n’étaient justement pas bonnes ?
En s’appuyant sur ses propres lacunes, sur les travaux récents de psychologues et de scientifiques, sur des exemples choisis dans tous les domaines du quotidien, elle a déterminé les conditions nécessaires à un changement durable de nos habitudes. Et l’une des clefs d’un changement pérenne est le choix de mini-résolutions, à savoir « des engagements à changer un comportement ou une habitude de manière ciblée et mesurable, produisant un effet bénéfique immédiat ». Autrement dit, « les mini-résolutions se concentrent sur ce que vous faîtes et non sur ce que vous êtes. C’est en modifiant vos actions que vous modifierez ce que vous êtes. »
Nombreux sont les automatismes qui guident nos actes, sans que nous en ayons conscience. Il s’agit par conséquent de modifier l’attention portée à ce que nous faisons et de changer un ou deux comportements, de façon à ce que grâce à la répétition, ces derniers deviennent des automatismes et ne requièrent plus d’effort ni de volonté. En observant des règles simples, il devient alors possible d’atteindre des objectifs personnels qui nous semblaient hors de portée. Ces règles ? Entre autres, les mini-résolutions doivent être personnalisées, se faire à la marge, correspondre à des objectifs raisonnables, leurs effets être immédiatement mesurables.
Dans cet ouvrage passionnant, truffé d’illustrations concrètes, de démonstrations très parlantes, Caroline L. Arnold démontre que quel que soit l’âge, les motivations, la transformation est à la portée de chacun, pour peu que l’on observe certaines règles fondamentales. Alors, prêts pour le changement ?
« Surveille tes pensées car elles deviendront des mots.
Surveille tes mots car ils deviendront des actes.
Surveille tes actes car ils deviendront des habitudes.
Surveille tes habitudes car elles deviendront ton caractère.
Surveille ton caractère, car c’est ton destin »
Lao Tseu

 

Nombre de pages : 335
Prix éditeur : 17€

Hippocrate aux enfers, de Michel Cymes (éditions Stock) : édifiant!

Hippocrate aux enfers, de Michel Cymes

Les médecins des camps de la mort.

Editions Stock, janvier 2015

 

Quand Michel Cymes se retrouve en pèlerinage à Auschwitz-Birkenau, camp où ses deux grands-pères ont perdu la vie, c’est l’incompréhension non seulement pour l’homme mais aussi pour le médecin en lui. En effet, ce camp a été le théâtre de nombreuses expériences inhumaines de la part de docteurs tels Josef Mengele, Sigmund Rascher, August Hirt ou encore Carl Clauberg pour ne citer qu’eux. Castration aux rayons X, mort par hypoxie ou par hypothermie, mutilations, brûlures au gaz moutarde, ablation d’organes sans anesthésie ne sont que quelques exemples des sévices exercés. « Comment peut-on vouloir épouser un métier dont le but ultime est de sauver des vies et donner la mort aussi cruellement? » Qu’est-ce qui a pu faire basculer ces médecins vers l’horreur et considérer leurs patients comme des cobayes, comme des sous-êtres humains? « Moi j’expérimente sur des hommes et non sur des cobayes ou des souris » revendiquait fièrement le docteur Sigmund Rascher.

De retour d’Auschwitz, Michel Cymes décide de partir sur les traces de ces médecins tortionnaires et criminels. Pour essayer de comprendre qui étaient ces êtres. Pour essayer de cerner le but de ces expériences atroces. Furent-elles gratuites ou ont-elles fait avancer la science? Que sont devenus ces tortionnaires?

Un ouvrage de mémoire édifiant, très bien documenté, qui met en lumière des points obscurs de l’Histoire. Non, ces médecins n’étaient pas des petits docteurs ratés. Non, ils n’étaient pas seuls. Non, à la libération, tous n’ont pas été sanctionnés. Certains furent même recrutés par les alliés, heureux d’avoir dans leurs équipes des scientifiques expérimentés, fussent-ils des criminels…

A lire!