La Kar’Interview de Cookie Allez, auteur de Dominique (chez Buchet Chastel) : Partie 2

Pour la deuxième journée consécutive, nous retrouvons la chaleureuse et talentueuse romancière Cookie Allez, auteur de Dominique, aux éditions Buchet Chastel.

Suite de la Kar’Interview :

Karine Fléjo : On retrouve dans Dominique cette qualité d’écriture qui vous caractérise : des phrases ciselées, un style fluide, une très jolie musicalité. Comment travaillez-vous cette écriture ?

Cookie Allez:  Je crois que je ne sais pas répondre à cette question !
Bien entendu, je me relis, et me relis sans cesse. Mais je n’ai pas l’impression de « travailler » mon écriture. Je la veux au service de ma pensée, dans ses tours et ses détours, tout comme je la veux à l’écoute de la moindre nuance des sentiments ou des sensations que je veux faire passer.
Autre chose : je n’oublie jamais que j’écris pour quelqu’un. Un inconnu que j’ai envie de convaincre, de faire sourire ou d’émouvoir, de distraire ou de mobiliser. Dans ce roman, selon les passages, je crois que l’on peut retrouver presque toutes ces envies.
En fait, mon « travail » consiste à comparer en permanence mon contenu mental et affectif avec ce que j’ai posé sur le papier : si ce n’est pas parfaitement conforme, je recommence ! Sans jamais me lasser du plaisir de manipuler cette langue française, et parfois de me rendre à ses injonctions. Car il ne faut pas croire que la langue n’a pas son mot à dire. Il arrive qu’elle vous mène carrément par le bout du nez ! C’est peut-être difficile à comprendre, mais ce retournement a lieu lorsque l’on accepte de lui abandonner ses propres défenses pour accueillir les suggestions qui surgissent de l’écriture elle-même.

KF : Dans ce roman, les femmes jouent un rôle important. L’arrière grand-mère Knitty, la grand-mère Lily, la mère France ne partagent pas le même point de vue quant au choix laissé à l’enfant de déterminer son identité sexuelle. Pensez-vous que ce point de vue est clairement une question de génération ?

CA : Non, je ne crois pas que l’opinion que l’on peut avoir sur le sujet soit une question de génération. Du moins, pas exclusivement. Déjà, il me semble que pour avoir un point de vue qui tienne, il faut vraiment s’être penché sur la question… qui n’est pas si simple !
D’une certaine façon, l’on repose, à propos du genre, l’éternel problème de l’inné et de l’acquis : lequel des deux l’emporte ? Il me semble que la part de l’un et de l’autre – en quelque sorte le pourcentage d’inné et d’acquis – est variable selon les sujets…
Dans ce roman en tout cas, bien plus que leur âge, ce sont la personnalité et le vécu des trois femmes qui déterminent leurs réactions respectives.
KF : Pensez-vous que l’être humain aura vraiment le choix de son identité sexuelle ?

CA : N’étant ni scientifique ni prophète, je ne peux prédire l’avenir.
On sait que chacun peut d’ores et déjà décider de ressembler à un sexe biologique qui n’est pas celui de sa naissance. L’on peut transformer assez facilement son apparence, plus difficilement suivre des traitements hormonaux, et encore plus difficilement subir des opérations lourdes. Dans l’état actuel des choses, même si la chimie ou le bistouri ne sont pas d’un emploi courant, la transmutation est faisable. Non sans risques psychiques et physiques, bien sûr.
Mais qu’en sera-t-il demain ? Changera-t-on de sexe comme de coiffure ? Y aura-t-il encore deux sexes ? Ou trois ? Et pourquoi pas un seul, ou cinq, ou six ?! Ce sont des questions qui posent d’autres questions… Les réponses toutes faites, idéologiques ou « posturales », sont redoutables car elles entravent le cheminement d’une réflexion ouverte, approfondie, philosophique.
En fait, c’est le mot « choix » qu’il faudrait ici examiner.
Car, même si, dans le futur, cette mutation est facilitée médicalement et légalement, dans quelle mesure la personne qui la décide est-elle en position de faire un choix absolument libre ? Autrement dit, un choix qui ne serait pas induit par une souffrance ou une pression quelconque, intérieure ou extérieure.
Il me semble que tout choix est soumis à un faisceau de faits qui le motive, non ? Par exemple, à un certain stade de souffrance, peut-on s’estimer libre ? Je ne crois pas.

KF : Selon vous, ce choix est-il une chance ou un handicap ?

CA : Je dirais que la chance, et la probabilité (heureusement, les statistiques l’attestent), c’est d’abord de se sentir bien dans le sexe qui vous échoit à la naissance !
L’acceptation d’appartenir à un sexe défini, que ce soit par une anatomie marquée, par des pulsions, des inclinations, des dispositions, permet de reconnaître l’autre comme un être différent. Il n’y a pas d’altérité si l’on est tous semblables. Or je suis convaincue que la différence enrichit… et cela dans tous les domaines – pas seulement dans la sphère sexuelle ! Quant à savoir respecter l’autre comme son égal, même s’il est dissemblable, voire incompréhensible, il n’y a pour moi aucun doute : c’est bien une question d’éducation !
Mais cela posé, c’est à l’évidence une chance pour les personnes qui souffrent de pouvoir retrouver un équilibre grâce aux progrès de la médecine et à l’évolution de notre regard vers une plus grande générosité du cœur.
Pour revenir à Dominique, c’est un roman. Pas un essai. Pas une croisade. Pas une plaidoirie pour ou contre une « théorie » qui, comme toutes les théories, reste… théorique !

KF : Quel serait le meilleur compliment que l’on pourrait vous faire à propos de ce roman ?

CA : Qu’il provoque deux réactions souvent contradictoires : la réflexion et le sourire.

Retrouvez la chronique consacrée à ce roman en cliquant sur ce lien : Dominique, de Cookie Allez

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