Le 29 mars dernier, les éditions Michel Lafon ont publié le 6ème roman de Agnès Martin Lugand : A la lumière du petit matin. Rencontre avec la romancière.
Quel a été le point de départ de ce roman, ce qui vous a donné l’idée et l’envie de l’écrire ?
Le personnage d’Hortense m’a appelée, m’a saisie. J’ai rapidement pensé à une professeur de danse, à son rapport au corps, surtout quand celui-ci est blessé. Et puis, j’ai souhaité me projeter dans cette position de l’ « autre » femme, la maîtresse, l’amante. On en parle peu. Je souhaitais sortir du cliché de la femme fatale, briseuse de famille. Hortense est simplement une femme amoureuse…
Votre héroïne, Hortense, semble épanouie dans sa vie tant professionnelle que personnelle. Semble seulement. Il lui faudra un accident pour prendre le temps de se poser les bonnes questions. Pensez-vous qu’il faille un drame (blessure, accident, licenciement, …) pour que l’on s’interroge vraiment sur nos choix, nos besoins, le sens de notre vie ? Et donc que l’on change ?
Quand tout va bien, on évite de se poser des questions, certainement de peur de mettre en péril un équilibre qui peut être fragile ! J’ai tendance à penser qu’en cas d’une épreuve à traverser, nous avons la possibilité de prendre du recul, de la distance. Nous pouvons aussi nous découvrir des capacités insoupçonnées pour endurer ce que la vie nous impose. Cela n’amène peut-être pas nécessairement à changer du tout au tout, mais au moins à avoir un nouveau regard sur la façon dont on mène sa vie et à grandir d’une certaine façon.
C’est un accident qui joue ici le rôle de révélateur, qui invite Hortense à réaliser qu’elle se ment, passe à côté de sa vie. Ne pensez-vous pas que bien souvent, notre petite voix intérieure, notre intuition, nous préviennent de nos mauvais choix, mais nous préférons être sourd et aveugle ?
Effectivement, je crois que nous avons la merveilleuse faculté à ne pas voir ce qui nous éclate au visage ! C’est plus confortable. Qui souhaite volontairement se créer des soucis ? Pas grand monde, je pense. Et puis, inconsciemment, on sait que l’on apprend de ses erreurs. Certains rebondissent merveilleusement bien après avoir été au fond du trou. Ne savoure-t-on pas mieux le bonheur quand on a vécu quelques épreuves ?
Certes, votre héroïne vit un double drame : la perte proche de ses parents, mais aussi une grave blessure alors que son corps est son outil de travail. Passage à vide aussi pour Elias, un autre personnage. Mais pour autant votre roman n’est pas triste. Au contraire, il est porteur d’espoir. Est-ce une façon de dire aux lecteurs qu’il ne faut pas s’arrêter à ne voir que l’épreuve, qu’elle peut être un tremplin vers un avenir meilleur ?
Je suis quelqu’un d’optimiste. Je ne cherche pas à délivrer un quelconque message dans mes romans. Je souhaite simplement raconter des histoires où l’espoir est permis, où l’on voit le joli de la vie. Pourquoi se l’interdire ? Beaucoup d’histoires de la « vraie » vie se terminent bien, pourquoi se priver de les raconter dans des romans ? J’aime faire traverser des épreuves à mes personnages, comme Hortense ou Élias, parce que j’aime les aider à cicatriser et les mettre sur le chemin de la « lumière ». Je souhaitais de la lumière dans ce roman, d’où son titre !
A quelques jours de la publication de votre 6ème roman, dans quel état d’esprit êtes-vous : le fabuleux succès de vos précédents romans vous préserve-t-il du trac, ou vit-on chaque publication comme si c’était la première ?
Le trac est là, bien présent, dans le corps, dans la tête, partout ! J’ai toujours le sentiment de faire le grand saut. Chaque sortie de roman est pour moi un nouveau défi, une nouvelle mise à nue, une remise en cause. Je refuse d’être blasée, ce serait si triste. Ce moment de la publication est un moteur pour moi. C’est l’aboutissement de longs mois de travail, d’émotion, alors je pense qu’il faut le vivre pleinement malgré les insomnies !
Retrouvez la chronique que j’ai consacrée à ce roman en cliquant ici : A la lumière du petit matin, Agnès Martin Lugand