Prix Goncourt des lycéens 2018 : David Diop

DAVID DIOP

Il était finaliste des prix Goncourt, Renaudot, Medicis et Femina. david Diop a finalement remporté le Goncourt des Lycéens.

Ce jeudi 15 novembre, après deux mois de lectures des quinze livres en lice, issus de la première sélection de l’Académie Goncourt, les 13 lycéens délégués de chaque région se sont retrouvés à l’hôtel de ville de Rennes, pour décerner le prix. Le lauréat est David Diop, auteur de Frère d’âme, aux éditions du Seuil.

Le livre lauréat du Prix Goncourt des lycéens 2018 : Frère d’âme

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Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne.

Trancher, Amélie Cordonnier (Flammarion) : une justesse époustouflante

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Trancher, Amélie Cordonnier

Editions Flammarion

Rentrée littéraire

Les mots frappent. Les phrases cognent. Les pages se transforment en rings de boxe. Amélie Cordonnier nous livre le combat d’une femme confrontée à la violence conjugale. Époustouflant de justesse, de puissance évocatrice.

Elle pensait le passé derrière elle. Aurélien avait changé, s’était apaisé, s’impliquait à la maison, s’occupait des enfants, faisait d’elle sa priorité, attentif, aimant. Même sa façon de lui parler avait totalement changé : plus d’insultes, de mépris, de colères intempestives, de mots qui vous font l’effet d’un uppercut en plein cœur. Non, l’Aurélien violent n’était plus. Et de se féliciter de n’avoir finalement pas rompu il y a sept ans, de lui avoir donné une deuxième chance.

« Tu ignorais qu’on ne réussit jamais à se dépêtrer de la violence. Tu ne savais pas qu’elle peut se mettre en veilleuse, en sourdine, se planquer dans un coin de la maison, rester tapie dans l’ombre, sous le paillasson pour mieux ressurgir le moment venu, et nous sauter dessus quand on s’y attend le moins. »

C’est donc un coup terrible qu’Aurélien lui porte quand sa violence sort de sa léthargie. « Ferme ta gueule une bonne fois pour toute connasse, si tu ne veux pas que je la réduise en miettes ». Elle reste KO. Sonnée. Une humiliation d’autant plus grande qu’il a porté le coup devant les enfants. Une douleur d’autant plus forte, que sa violence affecte aussi les enfants.

Dans quelques jours, le 3 janvier, elle aura 40 ans. Dans sa tête, elle se donne jusqu’à cette date pour trancher : partir ou rester.

Ce premier roman d’Amélie Cordonnier est d’une furieuse justesse. Il transforme le lecteur en spectateur d’un combat dans lequel les armes sont des mots. Des mots qui pulvérisent toute confiance en soi, toute estime de soi, toute gaieté. On comprend alors la difficulté de ces femmes à quitter leur conjoint violent. Car il n’est pas que violent, alterne avec des phases de grande douceur, de prévenance, d’amour tendre. Or le quitter, c’est aussi renoncer à ces merveilleux moments, à l’autre face de l’homme, la face lumineuse. A ce titre, ce roman n’est pas un énième roman sur la violence conjugale. Il a le mérite de répondre à la question si souvent posée à ces femmes : « Pourquoi tu restes ? » Un vrai coup de cœur.