
©Karine Fléjo photographie
Une enfant de l’amour est le premier livre de la romancière anglaise, Edith Olivier, paru dans les années 1920 en Angleterre. Un roman sur la relation fusionnelle entre Agatha, orpheline trentenaire, et Clarissa, une fillette d’une dizaine d’années. Fusionnelle et purement exclusive aux yeux d’Agatha. Un roman envoûtant sur une relation d’amour qui se transforme en véritable poison.
D’une relation passionnelle à une relation toxique
Au retour de l’enterrement de sa mère avec laquelle elle partageait le toit et le quotidien, Agatha se sent envahie par un sentiment de solitude accablant.
« Il était étrange qu’elle le perçût si douloureusement, elle qui avait toujours été une créature solitaire – une enfant solitaire, une jeune fille solitaire, et maintenant, à trente-deux ans, une femme plus solitaire encore. »
Agatha et sa mère demeuraient très réservées y compris l’une envers l’autre, ne partageaient pas plus d’expériences personnelles ni de confidences toutes deux, qu’avec d’éventuels amis, parents ou voisins. Mais une troisième personne a pourtant recueilli les confidences d’Agatha sous ce toit. Pétrie de douleur, Agatha se remémore en effet Clarissa. La fillette fut sa confidente et meilleure amie, sa compagne de jeu, alors qu’enfant, et de surcroît enfant unique, elle avait déjà souffert de cette intolérable solitude. Mais après quatre années de complicité délicieuse, la gouvernante d’Agatha avait mis fin à cette amitié qu’elle jugeait malsaine.
Dix-huit années ont passé et le souvenir de Clarissa demeure intact. Agatha sent alors une révolte monter en elle : sa gouvernante n’avait pas le droit de la priver d’une présence si salvatrice, c’était profondément injuste. Elle veut et doit retrouver Clarissa. Elle veut et doit passer outre ce qu’en pensent les autres.
Et de convoquer Clarissa à nouveau.
Sauf que Clarissa n’a pas d’existence réelle, n’est pas un être de chair et de sang.
Clarissa est une amie imaginaire, celle qu’elle s’est inventée quand elle était petite, avec laquelle elle dialoguait de façon imaginaire, jouait, riait. Elle seule la voyait, l’entendait. D’où la réaction de sa gouvernante.
Après plusieurs tentatives, Agatha sent à nouveau la présence de Clarissa, la voit, lui parle, l’entend. Sans que les domestiques ne soupçonnent rien. Mais un jour, tandis qu’elle décide d’acheter de jolies tenues pour la fillette, Clarissa prend vie réellement, se matérialise dans ses nouveaux atours sous les yeux de chacun. Et d’inventer que Clarissa est une enfant qu’elle a adoptée, afin que personne ne se pose trop de questions.
La relation entre Agatha et Clarissa devient celle de deux meilleures amies. Clarissa grandit, de même que grandit l’affection qu’elles se portent mutuellement. Une affection et un amour qui, aux yeux d’Agatha, ne souffrent aucun partage. Comment va-t-elle réagir quand Clarissa va désirer s’ouvrir au monde extérieur, sortir de ce vase clos mère-fille et avoir des amis, voire un amour ?
Mon avis sur le livre d’Edith Olivier
Cette traduction de l’anglais par Constance Lacroix est savoureuse en ce sens qu’on est immédiatement plongés dans l’Angleterre à l’époque victorienne, ses traditions, son côté légèrement suranné. C’est un vrai voyage dans le temps et dans l’espace. Edith Olivier nous offre une histoire qui flirte avec le fantastique, mais qui peut être tout à fait transposée dans le réel. Cette relation mère-fille nous réjouit dans un premier temps, car Clarissa permet à Agatha de se réapproprier son enfance, de chasser ce sentiment d’atroce solitude qui l’étreint. Mais on sent au fil des pages que dans l’ombre quelque chose se trame, que cet amour qu’Agatha voue à Clarissa n’est pas si pur que cela. La tension va crescendo et tient le lecteur en haleine jusqu’à la fin. Une lecture envoûtante aux accents so british, de ce classique anglais.