Rentrée littéraire : Les guerres intérieures, Valérie Tong Cuong

Les guerres intérieures de Valérie Tong Cuong

©Karine Fléjo photographie

Valérie Tong Cuong nous offre un roman fascinant et une analyse d’une grande justesse sur ces guerres intérieures que nous menons contre notre culpabilité, notre mauvaise conscience, nos regrets et remords.

Comment vivre avec la culpabilité ?

Pax a toujours rêvé de percer dans le cinéma. Mais jusqu’ici il a dû se contenter de seconds rôles, ce à quoi il s’est résigné comme à une fatalité, rejetant la faute de cette carrière médiocre sur les autres, à commencer par son agent et le système. Jusqu’à ce jour où on lui propose LA chance de sa vie : tourner avec l’immense Peter Sveberg. Il n’a pas le droit à l’erreur. Ce sera LE tournant tant rêvé de sa carrière s’il transforme l’essai. Tandis qu’il se prépare pour rejoindre le tournage, il entend dans l’appartement du dessus des bruits étranges, des grognements étouffés, comme des corps qui chutent. Mais priorité à sa carrière, il n’a pas de temps à perdre avec le vacarme des voisins. Pour se donner bonne conscience, il se convainc qu’il ne peut pas aller voir ce qui se passe, ou il ratera son rendez-vous. LE rendez-vous.

Mais c’est bel et bien un drame qui se déroule à l’étage supérieur. Alexis, le jeune homme du dessus, va rester handicapé et traumatisé à la suite de l’altercation entre un inconnu et lui. Faute d’intervention rapide des secours, faute de l’aide de Pax surtout, témoin auditif, il va perdre son œil, lui qui se projetait depuis toujours comme pilote d’avion. Et ses rêves d’exploser en plein vol.

Pax va- t-il pouvoir vivre avec cette mauvaise conscience ? Car au fond de lui il SAIT, qu’il a mal agi. Va-t-il pouvoir éternellement fuir cette culpabilité qui le ronge, la museler, l’étouffer, ou va-t-il perdre cette guerre intérieure et devoir assumer ses actes, sa lâcheté ?

Dans le cadre de son travail, il est amené à croiser la route d’Emi, une femme d’origine nippone, entièrement dévouée à son fils souffrant. Une femme forte et fragile à la fois, dont il tombe éperdument amoureux. Une femme qui elle aussi cherche la paix intérieure, depuis qu’un de ses employés a trouvé la mort. Mais si Pax espère qu’Emi fera partie de son avenir, il est loin d’imaginer qu’elle appartient aussi à son passé, à ce passé qu‘il s’efforce de fuir…

 

Des lâchetés ordinaires aux conséquences lourdes

Dans ce roman aux personnages si viscéralement humains, et donc par essence faillibles, Valérie Tong Cuong met l’accent sur ces petites lâchetés ordinaires, ce à quoi nous renonçons généralement pour de mauvaises raisons, et qui peuvent avoir des conséquences terribles. Manque de temps, peur, flemme, facilité, lâcheté, manque d’attention ou d’envie, combien de fois nous est-il arrivé de faillir à notre devoir ? Or ces manquements peuvent avoir des conséquences fâcheuses et pour autrui et pour nous-mêmes qui en porterons la culpabilité le reste de notre existence. Une culpabilité qui peut nous ronger aussi efficacement qu’une armée de termites, nous mener une guerre intérieure acharnée, quand bien même nous nous efforçons de ne rien laisser paraître en surface. Ces petits arrangements avec soi-même ne durent qu’un temps. Une personne en détresse qui faute d’écoute attentive passe à l’acte, une altercation qui faute d’intervention extérieure tourne mal, les cas sont multiples.

Pour autant, l’auteure ne s’érige ici pas en juge, ne condamne pas irrévocablement ni ne désigne Pax comme un monstre. Car de même qu’elle met l’accent sur cette face sombre des êtres, elle nous montre aussi leur face lumineuse, leur capacité à vouloir se racheter, à expier leur faute, à aider, fut-ce tardivement, celui ou celle à qui il n’ont pas prêté assistance précédemment. La culpabilité ne se résume en effet pas à n’être qu’une émotion négative : elle peut être un levier, un moteur pour changer, agir. Ainsi, on ne peut pas diviser l’humanité de façon manichéenne, avec d’un côté les gentils, de l’autre les méchants. Chacun a une part lumineuse et une face plus obscure. Ce que Valérie Tong Cuong nous montre ici, c’est qu’il est important de lutter contre ces petites lâchetés ordinaires, pour rendre la vie de chacun plus belle, y compris la nôtre. Car il n’est jamais trop tard pour bien agir, pour permettre à la lumière de gagner sur les ténèbres.

Un coup de coeur pour la plume vibrante, lumineuse et belle de Valérie!

 

2 réflexions sur “Rentrée littéraire : Les guerres intérieures, Valérie Tong Cuong

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s