Rentrée littéraire : A crier dans les ruines, Alexandra Koszelyk

A crier dans les ruines Alexandra Koszelyk

©Karine Fléjo photographie

Alexandra Koszelyk nous offre un premier roman absolument envoûtant, celui d’un amour puissant entre deux adolescents que le drame de Tchernobyl va séparer. L’amour survit-il au temps, à la distance et aux mensonges ? Une histoire d’amour forte et belle, mais aussi l’histoire d’un exil. Et de la folie des hommes. Un coup de cœur de cette rentrée littéraire.

Le drame de Tchernobyl et ses victimes collatérales

Léna et Ivan vivent à Pripiat, en Ukraine, à 3 kilomètres de Tchernobyl. Les parents de Léna sont d’éminents scientifiques qui travaillent au bon fonctionnement de la centrale. Rien à voir avec la famille de Ivan, entièrement vouée au travail de la terre et à l’élevage des animaux. D’un côté la technologie et de l’autre, la nature. Deux sphères sociales distinctes, reliées par l’amitié puissante qui relie deux de leurs enfants, Léna et Ivan. Une relation forte, exclusive, au point qu’ils sont vite surnommés « les inséparables ».

Inséparables jusqu’à ce que l’incendie d’avril 1986 dans la centrale de Tchernobyl en décide autrement.

Conscient de l’extrême danger que représentent les radiations pour sa famille, le père de Léna prend la fuite pour la France avec sa femme, sa fille et sa belle-mère Zenka. Faute d’informations claires sur le drame qui vient de se dérouler, la population ne prend pas conscience du péril qui la menace. Il faudra que les autorités interviennent, plusieurs jours après, et déplace les populations vers des camps provisoires, pour que Ivan et sa famille quittent leur ferme. Mais Ivan conserve en lui l’espoir que Léna reviendra. Au fil des mois et des années, il s’arc-boute à cet espoir comme à une bouée.

En France, Léna nourrit-elle cette même envie ? A-t-elle trouvé dans ce pays une terre suffisamment accueillante pour s’y fondre, gommer ses racines, ses souvenirs, ses traditions, comme son père l’y invite ? Tandis que le mur de Berlin tombe, trois ans plus tard, c’est un mur d’incompréhension qui s’érige entre Léna et ses parents : comment son père peut-il lui interdire de parler de son pays, de ses origines ? Comment sa mère peut-elle adopter le style de ses nouvelles amies françaises et oublier aussi facilement tout ce qui a forgé son identité jusqu’ici, sa culture, ses traditions, sa langue ? Heureusement, Léna peut compter sur sa douce Zenka pour faire vivre dans les histoires qu’elle lui raconte, cette chère Ukraine laissée derrière eux, pour la comprendre et l’apaiser.

L’amour entre Léna et Ivan aura-t-il péri lui aussi sous les radiations, l’usure du temps et la distance ? Ou l’appel du cœur et des racines sera-t-il plus fort que tous, plus fort que tout ?

Une histoire d’amour vibrante, mais aussi une histoire d’exil

Alexandra Koszelyk nous offre non seulement une belle histoire d’amour, mais aussi un voyage. Un voyage non choisi mais subi celui-là, celui de l’exil. Avec beaucoup de finesse et de sensibilité, elle souligne les écueils rencontrés par les nouveaux arrivants sur leur terre d’accueil. Barrage de la langue, barrage de la culture, auxquels s’ajoute la méfiance, la peur que ces ukrainiens ne véhiculent des maladies graves suite aux radiations. Peut-on renier ses racines ? Ou garde-t-on en soi par-delà le temps et la distance ce sentiment d’appartenance au pays natal ? L’exil est-il irréversible ?

Un roman qui est aussi une très belle ode à la nature, cette nature que l’homme tente de dompter, ce qui aboutit parfois à des drames. Mais une nature plus forte que tout, qui tôt ou tard, forte et fière, reprend toujours ses droits. Comme Léna reprend les rênes de sa vie.

Un roman matinée de mythologie, qui se lit en apnée.

 

 

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