©Karine Fléjo photographie
Une histoire d’amour adultérine entre une française de confession juive et un homme noir américain. Un amour aussi impossible que la cohabitation entre juifs et noirs américains dans Brooklyn. Ou quand la petite histoire reflète la grande : « C’est ce qui nous lie, juifs et noirs. La même peur. Celle de mourir en raison de ce que nous sommes. »
La peur de la différence
Esther est journaliste et ravie de pouvoir faire un stage à New-York auprès d’un collaborateur du journal Le Monde. A son arrivée à New-York, elle est agréablement surprise : bercée depuis toute petite par les peurs de sa mère, elle constate qu’ici, il n’y a pas d’antisémitisme. Les gens cohabitent en bonne intelligence et le yiddish est une langue commune. Du moins est-ce son impression première.
Pour la rédaction d’un article, elle est amenée à interviewer Frederick, professeur de littérature française à New-York University et spécialiste de Flaubert. Ce quadragénaire, marié, tombe sous son charme. Et force est de reconnaître que c’est réciproque.
Alors que leur couple doit faire face à la culpabilité de l’adultère, s’efforcer d’ignorer les regards accusateurs ou méprisants de ceux qui croisent ce couple métissé dans la rue, Brooklyn est le siège d’émeutes. En effet, un juif a renversé accidentellement en voiture deux jeunes enfants noirs. Et les rumeurs toutes plus folles les unes que les autres d’enfler au sein de ce quartier où cohabitent difficilement la communauté juive et la communauté afro-américaine : le conducteur était ivre, il n’avait pas son permis de conduire, il a brûlé un feu rouge, l’ambulance Hatzolah a refusé de prendre en charge l’enfant. Il n’en faut pas davantage pour mettre le quartier à feu et à sang et appeler à la vengeance. Un jeune étudiant juif est pris à partie et tué de coups de couteau.
Esther est envoyée pour enquêter sur place. En filigrane, dans son couple comme dans la ville, cette question : pourquoi ne pouvons-nous pas tous nous aimer ?
Un roman inspiré d’un fait divers
Colombe Schneck s’empare ici des émeutes qui ont réellement secoué le quartier de Brooklyn à New-York, en août 1991, suite au décès accidentel d’un jeune garçon noir par un conducteur juif. Elle montre combien la cohabitation entre communautés de confession et d’origine différentes est fragile, combien tout événement peut faire émerger la face la plus sombre de l’homme. Une peur de l’autre, de la différence, qui conduit au rejet, à la haine, plutôt qu’à l’ouverture et à la tolérance. Détruire, humilier, dépouiller, rabaisser est encore l’attitude courante des plus forts sur les minorités. Et le chemin vers l’application des droits de l’homme, à savoir celui de naître libres et égaux en droit, est encore long… Si Esther réalise qu’elle s’est trompée sur le fait que New-York soit une ville où chaque communauté cohabite en paix, elle mesure aussi son erreur envers Frederick : il vit dans le déni de ce combat à mener pour aider les minorités à être reconnues, respectées et acceptées.
Un roman dont le sujet m’a beaucoup plu et qui demeure d’une brûlante actualité. Ce n’est hélas pas un secret, l’homme est un loup pour l’homme. Sa plus grande menace. J’ai parfois regretté que les nombreuses digressions cassent un peu le rythme de l’intrigue et la tension narrative, mais cela reste une agréable lecture et un sujet passionnant qui nous concerne tous.
Informations pratiques
Nuits d’été à Brooklyn, Colombe Schneck – éditions Stock, mars 2020 – 297 pages – 20€
Ravie qu’il t’est plu ! Belle chronique. 😉
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Merci 😊
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