Un homme laid, avec une vie sinistre. L’envie qui enfle, d’accéder au bonheur comme les autres. Jusqu’à le déborder. Brillamment mené, ce premier roman de Bénédicte Soymier vous prendra aux tripes.

Blessure d’amour
Il y a ceux qui ont tout pour eux. Et les autres. Paul appartient à cette deuxième catégorie. Il a grandi dans un foyer régi par la violence, exerce un travail peu exaltant à la Poste, n’a aucune vie amoureuse. Quant à son physique, il sait qu’il est un véritable repoussoir : petit, maigre, le cheveu rare, des tenues démodées et un aspect austère, voilà un portrait aux antipodes du séducteur.
Alors il contemple les autres, les beaux, ceux à qui tout réussit, avec envie. Une envie qui enfle, jusqu’à devenir douloureuse, dévorante, obsédante. Maladive. Aussi, quand Mylène, une jolie voisine emménage, récemment séparée de son compagnon, il croit voir en elle la chance de sa vie. La possibilité enfin, d’un amour. D’une vie heureuse. SA chance. Mais Mylène cherche une épaule consolatrice et non une relation amoureuse auprès de lui. Et, si elle cède un soir à ses avances, ce rapprochement demeurera unique. Un affront de plus pour Paul. L’affront de trop.
C’est alors la bascule.
Il jette son dévolu par défaut sur une collègue aux formes généreuses, nommée Angélique. Une femme douce, en manque d’amour. Soumise. Prête à se contenter de miettes d’amour plutôt que rien. Angélique, sa compagne mais aussi sa proie, celle qui cristallise toute sa colère, sa haine, sa jalousie. Celle qui va payer pour toutes les blessures que la vie a infligées à Paul.
Guérir de l’enfance
Ce premier roman de Bénédicte Soymier, Le mal-épris, m’a tenue en haleine du début à la fin. L’auteure se glisse avec beaucoup de finesse dans la peau des personnages. Celle de la victime de violence conjugale, mais aussi celle de l’homme violent. Et surtout, elle explore avec brio comment un homme peut être amené à nourrir de telles pulsions de haine et de violence. Qu’est-ce qui a cloché dans son parcours, quelles sont les souffrances qu’il a endurées et qui l’ont conduit à devenir cet être colérique, jaloux, obsessionnel. Cet être aux antipodes de l’homme qu’il aspire devenir. Car Paul est non seulement en guerre contre les autres, ceux qui ont la chance de tout avoir, mais aussi et surtout en guerre contre lui-même. Il déteste le monstre qu’il est devenu, si semblable à son père. Peut-on guérir de l’enfance ? Peut-on aimer, quand on n’a soi-même pas été jugé digne d’amour par ses parents ? Peut-on un jour museler sa violence et devenir un homme respectable ?
Un roman fascinant, abordé sous un angle novateur. Avec un style et une construction très maitrisés. A lire !
Informations pratiques
Le mal-épris, Bénédicte Soymier – Editions Calmann-Lévy, janvier 2020 – 245 pages – 18,50€