
Une mystérieuse fuite
Si Juillet et Septembre sont traditionnellement deux mois de l’année, ici il s’agit de deux « moi ». Deux sœurs fusionnelles, l’une dominante, l’autre dans son ombre. Deux jeunes filles de dix mois d’écart d’âge qui auraient pu être jumelles. Et se comportent comme telles. Juillet est lumineuse comme une journée d’été. Septembre sonne le glas de la belle saison, sombre, cruelle, violente même parfois. Une noirceur dans laquelle elle entraine Juillet. C’est Septembre qui impose tout au duo, oblige Juillet à dire ou faire des choses qu’elle n’aurait jamais entreprises seule. Noyer le hamster d’une camarade dans les toilettes, annoncer à une autre le faux divorce de ses parents, révéler à une troisième que le père Noël n’existe pas, sont quelques-unes des petites cruautés dont Septembre a le don.
Sheela, est auteure de livres pour enfants dans lesquels elle met en scène ses filles. Mais l’énergie lui manque. Dans cette vieille baraque, elle se traine de son lit à la cuisine et de la cuisine à son lit. Laisse ses filles livrées à elles-mêmes. Des sœurs qui ont toujours été à part. A part du reste de la famille. A part des autres enfants de l’école. C’est en quelque sorte Septembre et Juillet contre le reste du monde, soudées dans leur résistance à quitter l’enfance.
Mais l’heure de l’adolescence a sonné, avec dans son cortège les premiers émois amoureux, l’éveil du désir, l’appel à grandir et, ce faisant, à rompre le pacte tacite qui lie les deux sœurs…
Un roman à l’atmosphère oppressante
Daisy Johnson avait déjà marqué les esprits il y a trois ans avec Tout ce qui nous submerge, livre finaliste du Man Booker Prize 2017. Elle nous revient avec un livre à l’atmosphère inquiétante, envoûtante : Sœurs.
Dans ce roman, un mystère entoure les raisons de la fuite des sœurs et de leur maman. Et dans ce refuge du bord de mer, la quiétude recherchée n’est pas au rendez-vous. Sheela ne parvient pas à sortir de la dépression, Juillet semble en proie à d’étranges hallucinations et dédoublements de la personnalité. La maison elle-même a des murs chargés d’ondes négatives. Tout cela confère à donner au récit une ambiance chargée de mystère. Une ambiance oppressante. Jusqu’à la chute finale, saisissante.
Je n’affectionne pas particulièrement ces romans emplis de noirceur, surtout dans le contexte actuel où plus que jamais, j’ai envie d’oxygène, de lumière. Mais je reconnais que Daisy Johnson a un talent fou pour emporter le lecteur dans son univers, créer une atmosphère, maintenir le suspense. Un roman qui évoque aussi l’emprise affective. Comment s’affirmer, trouver et suivre sa voie, quand on s’est construite sous l’emprise d’une autre personne ? Quand on a toujours étouffé ses besoins, ses envies, pour se conformer aux attentes de l’autre.
Informations pratiques
Sœurs, Daisy Johnson- Traduit de l’anglais par Lætitia Devaux – éditions Stock, janvier 2021 – 212 pages – 20€