
Le parcours du combattant d’une femme prénommée Bibiche, qui a dû fuir la République démocratique du Congo et tente d’obtenir le statut de réfugié en France. Un premier roman magnifique. Un personnage impossible à oublier. Bouleversant.
Demandeurs d’asile
Bibiche est originaire de Kinshasa. Elle a dû fuir la République démocratique du Congo après avoir été emprisonnée. En cause, son engagement politique en faveur de la démocratie, qui n’est pas du goût du pouvoir en place. Et de devoir tout laisser derrière elle, les maigres économies de sa sœur lui permettant tout juste de payer un billet d’avion. Arrivée à Paris, elle ne connaît personne, n’a que la rue pour l’accueillir. Heureusement, alors qu’elle a pris l’habitude de dormir sur des bancs de gare, une femme, Marguerite, lui offre l’hospitalité temporaire. Mais Bibiche est partagée entre la gratitude envers cette femme et sa honte de dépendre d’elle. Chaque jour, elle effectue des démarches pour obtenir le statut de réfugié, passe des heures et des heures à attendre d’être peut-être reçue par l’administration. Des démarches interminables, absconses, qui décourageraient les plus motivés. A chaque interlocuteur de l’administration, elle doit répéter son histoire, accepter sans broncher de rouvrir ses plaies à peine cicatrisées, se justifier, espérer qu’on l’écoute et qu’on la croie.
« Toujours la même lutte : celle d’une parole, sa parole, de sa vérité contre celle des autres, de l’administration, de la justice. (…) Les juges remettaient d’emblée en cause ce que les demandeurs d’asile avaient vécu ». Heureusement, sur ce chemin de croix, elle rencontre des êtres lumineux auprès desquels puiser de l’affection et tisser des liens forts comme Marguerite, mais aussi deux exilés, la jeune Dinah et Raoul. Bibiche obtiendra-t-elle le fameux sésame pour la France?
Un premier roman bouleversant
C’est un livre poignant, avec un personnage impossible à oublier, que nous offre Raozy Pellerin avec Bibiche, en cette rentrée littéraire des éditions Plon. A travers Bibiche, c’est le cheminement douloureux, long, hallucinant, que doivent effectuer les demandeurs d’asile pour espérer obtenir le statut de réfugié. Des démarches au caractère assez paradoxal : d’un côté, Bibiche se démène pour avancer, laisser son passé douloureux derrière elle et redémarrer à zéro en France, mais dans le même temps, l’administration et la justice la noient de questions sur ce qu’elle a fui, sur le pourquoi de sa fuite, avec exigence de détails, y compris au sujet des tortures dont elle a été victime. Pire encore : elle est traitée par défaut comme une menteuse et doit tout pouvoir prouver alors qu’elle est venue sans rien. Comment regarder vers l’avenir quand le passé vous fait sans cesse face ? Certains y parviennent. D’autres, comme Dinah, ne sont pas assez armés mentalement pour résister à pareilles épreuves, seuls face à l’impitoyable machine administrative.
Ce roman est une invitation à la tolérance, à l’égard de ceux, qui comme Bibiche, ne sont pas venus par choix en France. Mais pour survivre à la guerre, à la famine, à la discrimination, à la persécution. Et qui, une fois sur place, réalisent que le combat ne fait que commencer. C’est aussi une réflexion intéressante sur les améliorations souhaitables en termes d’accueil de demandeurs d’asile : le barrage de la langue, de la culture, le caractère abscons de certaines démarches, le manque d’empathie et de psychologie à leur endroit… Le chemin est long dans ce domaine aussi.
Un gros coup de cœur de cette rentrée littéraire !
Informations pratiques
Rentrée littéraire : Bibiche, Raozy Pellerin – éditions Plon, août 2022 – 241 pages – 20€