
Un roman fascinant, qui s’interroge sur les dérives de l’addiction des adolescents aux réseaux sociaux, sur leur enfermement dans un monde virtuel déconnecté du réel. Une histoire librement inspirée d’un fait divers relatif au meurtre d’une adolescente par deux camarades de classe. Un roman sociétal édifiant.
Meurtre d’une adolescente par deux camarades de classe
En ce mois de février 2021, le corps d’ne adolescente est retrouvé dans la Marne. Très vite, les deux responsables sont identifiés : un garçon et une fille âgés de 15 ans, qui étaient dans sa classe. Après l’avoir rouée de coups, ils l’ont jetée vivante dans la rivière. Aussitôt arrêtés, ils sont conduits au poste de police. Aucun des deux ne semble prendre conscience de la gravité de son geste, comme coupé de ses émotions. Coupé de la réalité. Ce qui a motivé leur acte ? Une réflexion qu’a faite la jeune fille au sujet du père du garçon, la place trop grande qu’elle occupe dans la vie de sa petite amie. Autrement dit, des broutilles. Rien de nature à justifier une telle cruauté. Alors ?
Alors les auditions commencent dans le bureau du juge d’instruction. Celle des deux coupables, peu diserts, mais aussi de leurs parents, des parents de la victime, des autres camarades de classe et des profs. Pour essayer de comprendre l’enchainement des évènements. Pour mieux comprendre le parcours de vie des deux prévenus. Glaçant. Edifiant.
L’addiction aux réseaux sociaux et ses graves dérives
Avec Dopamine, paru aux éditions Syros, Patrick Bard analyse avec une extrême finesse et une tout aussi grande justesse l’univers des adolescents, leur addiction aux réseaux sociaux et les dangers afférents, leurs rapports biaisés au réel. En reprenant le parcours de vie des deux ados, il souligne met le doigt sur les souffrances, les blessures, qui ont conduit ces adolescents à se réfugier dans le monde virtuel, à trouver dans cet univers de pixel les « amis », l’affection, la reconnaissance que la vie ne leur offrait pas. Inconscients qu’être riche d’amis sur les réseaux sociaux est semblable à se considérer riche quand on gagne au Monopoly. Les jeux vidéo, les intelligences artificielles, les échanges sur les réseaux sociaux viennent combler un manque, un vide existentiel exacerbé par les confinements successifs, consoler une solitude, combler un vide existentiel. Un monde virtuel qui ne semble pas connaître de limites, où l’on s’octroie le droit de harceler l’autre et de faire de sa vie un cauchemar, caché derrière son écran, jubilant de se sentir tout-puissant. Un monde dans lequel les ados récoltent les likes, viennent chercher leur dose de dopamine, cette molécule du « assez n’est jamais assez », accros aux signes de reconnaissance, de popularité, aux nombres de réactions à leurs posts. Une drogue avec tous ses effets, l’euphorie après la dose, puis le manque et ses corollaires (agressivité, impatience, compulsion, insomnie…).
C’est un roman sociétal brillant, hypnotique, qui fait froid dans le dos. Un livre qui invite à engager la discussion avec ses enfants, à s’interroger sur la place des écrans dans le quotidien, à prendre mieux conscience des risques réels qu’ils représentent. Car on ne naît pas monstre. Mais on peut le devenir…
Informations pratiques
Dopamine, Patrick Bard – éditions Syros, août 2022- 16,95€-208 pages