
Virage à 360 degrés pour Mélissa da Costa, qui cette fois nous offre un roman sombre et analyse avec brio la face obscure de l’âme humaine.
Devenir le double de quelqu’un
Par amour pour Jean, Evie a mis sa vie entre parenthèse, tout quitté pour s’établir près de son marin à Marseille. Supporté ses absences plusieurs mois par an quand il embarquait. Jusqu’à ce qu’elle découvre qu’il nourrissait d’autres projets. Sans elle. La claque est si grande qu’elle décide de tout quitter : son appartement, son travail précaire, la ville de Marseille. Son idée : se faire embaucher comme hôtesse à bord d’un yacht. Alors qu’elle démarche les propriétaires de bateaux sur le port, elle est interpelée par un certain Pierre Manan. Il a un travail à lui proposer : seconder sa femme artiste peintre pour tout ce qui est organisation des vernissages et expositions, cocktails, réponses au courrier et appels. Juste quelques heures par jour, logée chez le couple, pour le salaire appréciable de 4000€ nets par mois, dans le si charmant village de Saint-Paul-de-Vence. Pour Evie c’est presque trop beau pour être vrai. Et d’accepter.
Quand elle débarque dans la somptueuse villa du couple, elle est saisie par l’univers pictural sombre de l’artiste. Clara est en effet admirative du romantisme noir, un genre né en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIème siècle et s’en inspire dans ses toiles. Scènes de souffrance, de mort, d’agonie, de viol, de cannibalisme, la violence est partout. Partout, et pas que sur les toiles. C’est ce qu’Evie va découvrir à ses dépens…
Les limites de l’emprise
Avec La doublure, paru aux éditions Albin Michel en ce mois de septembre, Melissa da Costa, qui nous avait habitués à des romans lumineux, positifs, viscéralement humains, prend un virage à 360 degrés. Cette fois, elle dissèque la noirceur de l’âme humaine au scalpel de sa plume, pointe les plaies béantes crées par l’humiliation et la cruauté d’une femme sur ceux qu’elle approche. Jusqu’où peut aller une emprise toxique et véritablement destructrice? Quand Evie a accepté ce travail, elle n’imaginait pas un seul instant qu’elle serait la doublure au sens propre de l’artiste, sa facette lumineuse et saine d’esprit, son double symbolique, à l’image d’Eve et de Lilith.
Mélissa da Costa surprend ses lecteurs avec ce nouveau roman et en cela, on ne peut que saluer la capacité de la romancière à se renouveler, à prendre le risque de sortir de sa zone de confort. Le climat malsain, violent, destructeur qui règne chez le couple est extrêmement bien rendu, au point que le lecteur lui-même ressent le malaise d’Evie, son oppression. Pour autant, ce roman manque à mon sens de tension narrative dans les premières parties, contrairement à la dernière partie, plus rythmée, qui tient le lecteur en haleine. Quant à ce climat malsain, pervers, il est retranscrit avec brio, mais encore faut-il avoir envie de s’y plonger, ce qui n’est pas vraiment mon cas. C’est donc un sentiment mitigé pour ma part, en raison de mes attentes et non de la qualité intrinsèque du roman.
Informations pratiques
La doublure, Mélissa da Costa – éditions Albin Michel, septembre 2022 – 566 pages – 20,90€