
Vous pensiez que les médecins sauvaient les vies ? Celui-là les abrège aussi, pas pour mettre fin à la souffrance des patients, mais pour que son existence soit plus tranquille. Une plongée d’un humour corrosif dans la tête d’un médecin psychopathe.
Double vie
Depuis l’âge de 7 ans, Victor Baunard, médecin très apprécié de sa patientèle, mène une double vie. Pas avec une maitresse et une femme légitime (encore que). Mais avec une double mission : celle, officielle, de soigner les malades. Et celle, officieuse, d’éliminer purement et simplement les êtres qui parasitent son existence. Il a d’ailleurs commencé à s’entrainer très jeune avec sa mère. Humilié qu’elle lui interdise de regarder sous ses jupes, il l’a poussée dans les escaliers. Tout le monde a cru à un décès par accident et a plaint le pauvre orphelin, quand lui jubilait intérieurement de s’être libéré de la source de ses frustrations. Une première expérience si euphorisante, si libératrice, qu’elle en a appelé d’autres. Car il faut bien l’avouer, le serment d’Hippocrate est un serment d’hypocrite : « C’est la vie au sens large que l’on bonifie, en la retirant à ceux qui nous empoisonnent. (…) La vie est notre bien le plus précieux, alors malheur à celui qui vient gâcher la mienne ».
Mais à multiplier les crimes, le docteur Baunard multiplie aussi les risques d’être démasqué… Peut-on durablement mener une double vie?
Serial killer et médecin
C’est un roman jubilatoire que nous offre Vincent Baguian avec Que celui qui n’a jamais tué me jette la première pierre, paru aux éditions Plon. Dès les premières lignes, le ton est donné. Le lecteur plonge dans le cerveau malade du médecin et se trouve confronté à sa logique implacable : pourquoi s’encombrer des êtres qui font de l’ombre au soleil de notre existence ? La solution est à portée de main : il suffit de les éliminer. Ni plus, ni moins. Après tout, « le crime en lui-même n’est pas si répréhensible, tout dépend de qui on assassine. » C’est comme si l’existence était un jardin dont on arrachait les mauvaises herbes, pour permettre aux fleurs de s’épanouir. Autrement dit, ce médecin se convainc qu’il accomplit de bonnes actions. Avec un humour jubilatoire, Vincent Baguian nous entraine sur les pas de son médecin psychopathe, nous rend complice de ses meurtres et de ses efforts pour que les soupçons ne se portent jamais sur lui. On rit de son humour, on guette le moment où le piège se refermera (ou pas) sur lui, on savoure son ingéniosité.
Un très bon moment de lecture !
informations pratiques
Que celui qui n’a jamais tué me jette a première pierre, Vincent Baguian – éditions Plon, février 2023 – 20€ – 220 pages