La seconde vie d’Eva Braun, Grégor Péan

Grégor Péan se propose de réécrire l’Histoire : et si Eva Braun, maitresse d’Hitler, ne s’était pas suicidée avec lui ce 30 avril 1945 ? Et de lui proposer une seconde vie. Une uchronie à l’humour féroce.

Les derniers jours d’Hitler et d’Eva Braun

Nous sommes en avril 1945. L’armée rouge marche sur Berlin. Hitler, sa maitresse Eva Braun et une poignée de proches dont les époux Goebbels, savent la fin de leur règne proche.

Eva Braun est une ravissante idiote, une femme naïve, frivole, joyeuse, qui se rêvait Marlène Dietrich ou Greta Garbo. Maitresse d’Hitler, de 23 ans son aîné, elle lui voue une admiration sans bornes, proche du culte. Alors, pour l’anniversaire du führer, elle a prévu un cadeau spécial : elle a demandé à l’artiste Breker de sculpter la chienne d’Hitler. Ce faisant, elle a tapé dans le mille. La petite sculpture bouleverse Hitler au point que, songeant à leurs suicides proches, il se dit qu’Eva ne peut pas mourir avec lui. Celle qui incarne la pureté de ce monde doit survivre. Elle sera la survivante de son âme, de son esprit.

Après l’avoir épousée en catimini, il demande donc à ses hommes de l’exfiltrer. Une fuite rocambolesque dans le coffre d’une voiture, après avoir été droguée à son insu. Pendant ce temps, une femme, véritable sosie d’Eva, rejoint Hitler sans savoir qu’elle va être sacrifiée par ce dernier, pour que le monde entier pense que les deux corps calcinés sont bien ceux du couple. Quant à la vraie Eva Braun, sa fuite ne se déroule pas comme prévu…

Revisiter l’Histoire

C’est un pari réussi pour Grégor Péan, dans ce roman La seconde vie d’Eva Braun, paru aux éditions Robert Laffont :celui d’imaginer ce qu’il aurait pu advenir de la maitresse et femme d’Hitler, si elle ne s’était pas suicidée avec lui mais lui avait survécu. Mieux : si elle avait survécu et avait été capturée par les Russes. Tombée entre les mains de Staline, ce dernier décide de taire au monde entier la véritable identité d’Eva et de la garder prisonnière sous un faux nom, avec pour injonction à ses geôliers de ne la libérer sous aucun prétexte. Natacha Petrovna, qui sert de traductrice entre Eva et Staline, fait partie des rares initiés à ce brûlant secret : l’épouse du führer n’est pas morte. Tandis que le suicide d’Hitler et de sa femme fait la Une des journaux du monde entier, Eva est bien vivante sous ses yeux. Et cette femme est pour le moins étrange : elle dit avoir ignoré les atrocités dont le führer est coupable, aveuglée par son amour pour lui.

Avec un humour grinçant, Grégor Péan offre une seconde vie à Eva Braun, jeune écervelée, préoccupée par ses tenues vestimentaires, son look, ses balades avec ses deux chiens, bien loin des préoccupations du monde à feu et à sang. Une histoire crédible, où l’on se demande jusqu’à quel point l’amour rend aveugle, mais aussi : peut-on éprouver une certaine empathie envers cette femme? Est-elle aussi une victime à sa façon, du führer?

Informations pratiques

La seconde vie d’Eva Braun, Grégor Péan – éditions Robert Laffont, janvier 2022 – 224 pages – 19 €

Entrez dans la danse, Jean Teulé chorégraphie l’histoire de France

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Entrez dans la danse, Jean Teulé

Editions Julliard, février 2018

Jean Teulé devient le chorégraphe de l’histoire de France, et tout particulièrement de ce ballet étrange et mortel, la « peste dansante », qui eut pour scène Strasbourg en 1518…

Au début du 16ème siècle, après plusieurs vagues d’épidémie et une église riche mais avare, les strasbourgeois sont affamés. Ils survivent dans une misère telle, que certains en sont réduits à manger leurs nouveau-nés. D’autres à s’en séparer en les jetant dans la rivière. C’est alors qu’un jour de juillet, une femme, Enneline Toffea, se met à danser dans la rue du jeu des enfants. Rien de remarquable si ce n’est que sa danse va devenir contagieuse…et mortelle.

Hommes, femmes, enfants, toute personne entrant en contact avec elle est contaminée et devient contaminante. En moins de deux semaines, ce sont plus de 12000 danseurs qui s’agitent en tout sens jour et nuit, sur une cité qui compte 16000 habitants. Les pieds en sang, affamés, épuisés, déshydratés, ils hurlent, supplient qu’on les aide à mettre fin à leur transe. Mais seule la mort y met un terme. Une rave partie fatale.

Phénomène surnaturel ? Punition divine ? Maladie inconnue ? Crise d’épilepsie collective ? Médecins et autorités religieuses s’interrogent.

Jean Teulé s’inspire une fois encore avec talent de l’histoire de France et la revisite avec son humour grinçant, avec ce contraste saisissant entre la gravité du sujet et la vivacité, la légèreté du style. Un roman qui m’a toutefois moins captivée que les précédents, le sujet de cette peste dansante peinant à tenir la longueur. Un sentiment mitigé, donc.

L’histoire vraie de Zarafa la girafe (Nathan)

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L’histoire vraie de Zarafa la girafe, Fred Nernard (Auteur ) et Julie Faulques (Illustratrice)

Nathan, septembre 2016

A partir de 5 ans.

32 P.; 11,95€

La collection Histoire vraie, en partenariat avec le Museum national d’Histoire naturelle, s’enrichit d’un nouveau livre : Zarafa la girafe. Ou l’histoire vraie de la première girafe acheminée en France. Coup de coeur!

Il y a deux siècles, le pacha Méhémet Ali, vice-roi d’Egypte, a l’idée originale d’offrir un girafon au roi de France, Charles X. Seulement voilà : même bébé, la girafe atteint une taille considérable et ne se transporte pas aussi aisément qu’un chiot! Sans compter qu’à l’époque, les moyens de transport n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui.

Qu’à cela ne tienne. L’émir maintient sa décision. Et une grande aventure de commencer pour le girafon. Traversée de la brousse, du désert, remontée du Nil, traversée de la Méditerranée, le voilà  qui arrive à Marseille pour une première halte. Autour de lui, les gens s’extasient. Jamais ils n’avaient vu de vraie girafe, voire doutaient de leur réelle existence. Zarafa la girafe devient une star.

Le printemps venu, elle reprend la route. Direction Le jardin des plantes pour être officiellement présentée au roi.

Depuis son départ au sud du Soudan, elle aura parcouru plus de 6000 kms en deux ans. Un périple qui fascinera les enfants, les tiendra en haleine et les familiarisera avec le monde animal. Et les très belles illustrations de  Julie Faulques les inviteront au voyage du Soudan à la France en passant par l’Egypte.

A l’orée du verger, Tracy chevalier : des pommes de la discorde aux arbres de l’espérance…

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A l’orée du verger, Tracy Chevalier

Editions de la table ronde, mai 2016

 

Tracy Chevalier nous plonge dans l’histoire des pionniers et dans celle, méconnue, des arbres, de la culture des pommiers au commerce des arbres millénaires de Californie. À l’orée du verger peint une fresque sombre, mais profondément humaniste, et rend hommage à ces femmes et ces hommes qui ont construit les États-Unis.

 

Né dans le Connecticut, cadet d’une famille de 6 enfants, James n’a pas de quoi s’établir là où vit sa famille. Sans compter que sa femme Sadie, au caractère bien trempé, ne s’entend pas avec les siens. Dès lors, pourquoi ne pas tenter leur chance dans le grand ouest ? Et de partir pour le Black Swamp, ou « marais noir », une zone humide alimentée par les glaciers du nord-ouest de l’Ohio. Passionné par les arbres, et tout particulièrement les pommiers, James envisage d’y développer un verger. S’il parvient à défricher ces terres hostiles, putrides, et à y faire pousser 50 pommiers, alors aux yeux de la loi il deviendra propriétaire.

Tandis qu’il s’attèle corps et âme à la tâche, Sadie enchaîne les grossesses, délaissée par un mari qui n’a d’yeux que pour ses pommes adorées. Chaque jour est une lutte pour survivre. « On ne vivait pas grâce à cette terre, non : on était en vie malgré elle. Cette terre cherchait à avoir notre peau, que ce soit avec la fièvre, les moustiques, la boue, l’humidité, la chaleur ou le froid. » Atteints de la fièvre des marais, chaque année charrie son lot de maladies et de décès parmi les enfants. Très vite, le verger devient la pomme de la discorde. La guerre est déclarée dans le couple.

Jusqu’au drame.

Pour oublier ce dont il a été témoin, Robert, le benjamin de la fratrie, fasciné comme son père par la culture des arbres, s’enfuit le plus loin possible. De petit boulot en petit boulot, il s’enfonce toujours plus vers l’ouest, se passionne pour la botanique, tente de refaire sa vie. Mais mettre une distance physique entre le Black Swamp et lui est une chose. Fuir ses pensées en est une autre. Où qu’il aille, il reste prisonnier de ces dernières.

Avec A l’orée du verger, Tracy chevalier nous offre un roman historique fascinant, richement documenté, aux personnages indiciblement attachants, où hommes et arbres sont unis dans leur combat pour la vie. Un combat âpre, sans merci, mais non exempt de joies et de rencontres lumineuses.

Un roman magnifique!

 

Charmer, s’égarer et mourir, Christine Orban

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Charmer, s’égarer et mourir, Christine Orban

Albin Michel, avril 2016

Charmer, s’égarer et mourir, où la vie d’une reine, Marie-Antoinette, qui à défaut d’avoir réussi sa vie, aura réussi sa mort…

Christine Orban a 20 ans, quand elle découvre dans la bibliothèque d’amis, la vie de Marie-Antoinette sous la plume de Stefan Zweig. Un choc. Une rencontre. Les années passent, mais le personnage continue de la hanter. Et de naître en elle le désir de mieux appréhender cette reine dont on dit tout et son contraire, d’approcher au plus près de la vérité de son être. Reine martyre ou reine scélérate ? Femme légère, irréfléchie, indifférente aux autres, ou femme courageuse et volontaire ?

Et si Marie-Antoinette avait été victime de son époque, trop moderne pour son siècle ?

Avec beaucoup de sensibilité, Christine Orban s’engouffre dans le sillage de la reine, de son arrivée en France à l’âge de 14 ans à son passage sur la guillotine à 38 ans. Et nous fait partager les faits connus et méconnus de son quotidien. Un quotidien ô combien encombré d’étiquettes, de protocole, où du lever au coucher, elle est sans cesse épiée, critiquée, contrainte. Jamais un moment d’intimité, de liberté. Jamais un instant pour être elle-même. Pour se retrouver. Alors la jeune reine, corsetée par toutes ces obligations, décide d’envoyer valser les étiquettes, de chercher l’amusement avec une volonté farouche à la mesure de son étouffement. De respirer. Mécène, protectrice des arts, égérie des modes, elle s’étourdit dans une vie de plaisirs et de somptuosité, dilapidant les deniers publics. Ce qui lui vaudra d’être haïe, calomniée et condamnée.

Il lui faudra la solitude de sa cellule pour vivre un face à face avec elle-même, réfléchir, s’élever. « Absente à elle-même jusqu’à 35 ans, elle s’habite enfin au moment d’affronter l’épouvante, sans sorties dérobées, sans clefs, sans grottes, sans grilles, sans aucun repli, sans masque, sans mèche sur les paupières mi-closes, mais les yeux grands ouverts sur la terreur ». Elle y puisera un incommensurable courage, pour les siens, pour la couronne.

Dans ce roman historique, Christine Orban entre en guerre contre les préjugés et dresse de la reine un portrait humain, sensible, émaillé d’anecdotes. Mais si cette empathie que l’auteur sait d’emblée créer avec son personnage m’a séduite, j’ai à contrario un peu peiné avec la construction décousue du roman. Un livre apprécié donc, mais ce n’est pas un coup de cœur comme ce le fut pour le précédent « Quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur » (Albin Michel 2013).

Le livre d’Aron, Jim Shepard (éditions de l’Olivier)

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Le livre d’Aron, Jim Shepard

Editions de l’Olivier, février 2016

Traduit de l’anglais par Madeleine Nasalik.

Rentrée littéraire 2016

 

« C’est une histoire très douloureuse qu’aborde Jim Shepard. Mais il l’évoque avec une finesse et une voix telles, que Le livre d’Aron se range dans la lignée des chefs-d’œuvre essentiels sur l’Holocauste.» John Irwing

Aron est un jeune garçon intrépide de 8 ans. Aussi, quand ses parents emménagent dans un nouveau quartier réservé aux juifs, il envisage cela comme une chouette aventure. Un nouvel espace de jeux à explorer. De nouveaux amis à se faire.

Mais la réalité se révèle peu à peu tout autre. Le ghetto est bouclé en novembre 1940, concentrant en son sein 40 % de la population de Varsovie, dans des conditions insalubres et inhumaines. Entassées dans des logements sans aucun confort, très mal voire non approvisionnées en nourriture et en charbon, la famille d’Aron et les autres familles, doivent combattre le froid et la faim. La maladie aussi, terrible, car les épidémies de typhus et de tuberculose font rage.

Dès lors, le débrouillard et courageux Aron va se lier d’amitié avec d’autres enfants du ghetto et tenter de faire de petits trafics. Survivre de petits larcins. Mentir et voler, seules alternatives pour ne pas mourir. Quelques légumes et un peu de charbon chapardés ici et là, seront autant de trésors qu’il ramène à sa famille. Au péril de sa vie.

Tandis que les rafles se succèdent et n’épargnent pas les siens, Aron est pris sous l’aile protectrice de Janusz Korczak, lequel dirige un orphelinat au cœur du ghetto. Un homme entièrement dévoué à la cause des enfants qu’il protège. Un homme qui va lui ouvrir ses portes, mais aussi son cœur…

Un livre bouleversant, dans lequel l’auteur s’attache à la fidélité des faits historiques. Un roman qui souligne avec une infinie justesse combien les hommes peuvent être capables du meilleur, comme du pire.

 

Informations pratiques :

Nombre de pages : 238

Prix éditeur : 21€

ISBN : 978 2 8236 0539 6

 

Un anniversaire en avion, Marie-Constance Mallard

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Une aventure de Violette Mirgue : un anniversaire en avion, de Marie-Constance Mallard

Editions Privat, novembre 2015

Pour célébrer son anniversaire, les amis de l’adorable souricette Violette Mirgue, lui ont donné rendez-vous au Musée de l’aviation. Ils l’y attendent avec un gros paquet cadeau. Mille moustaches de souris, un morceau de Mimolette! Et notre Violette de mordre à pleines dents dans son fromage, ravie. Mais ce fromage n’est pas un banal fromage, il a des propriétés magiques! Et Violette de se retrouver à voyager dans le temps. De Léonard de Vinci au concepteur de l’A380, en passant par Clément Ader, Jean Mermoz, Antoine de Saint Exupéry et autres pionniers de l’aviation, notre intrépide souris nous fait voler d’invention en invention.

Ce livre aux illustrations d’une tendresse infinie est réussi à plus d’un titre. Outre l’histoire jubilatoire qu’il offre aux enfants , il leur permet et de s’instruire en s’amusant et d’aiguiser leur sens de l’observation et de la concentration. En effet, le jeune lecteur est régulièrement invité à aider notre souricette à résoudre des énigmes : personnages cachés dans la page, lettres à assembler pour composer un mot, etc. Une interaction très ludique!

 

Ce livre, tome 3 de la série Violette Mirgue, est un vrai coup de coeur! A offrir!

 

Informations pratiques : 

Prix éditeur : 12,90€

Nombre de pages : 32

Collection « L’histoire au musée », en partenariat avec le musée du Louvre (Hachette jeunesse)

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Collection « L’histoire au musée », en partenariat avec le musée du Louvre

Éditions Hachette jeunesse, mars 2015

A partir de 7 ans.

Les éditions Hachette jeunesse ont eu une bienheureuse initiative : collaborer avec le musée du Louvre pour permettre à vos enfants de découvrir le destin d’hommes qui ont marqué l’histoire, à travers des illustrations et des tableaux célèbres. Judicieux, non ? Ou comment voyager dans le temps et se familiariser simultanément avec de grandes œuvres d’art.

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Vivre au Moyen-Age, la France en 1400, de Christine Degrez et Jean-Benoît Héron

A la mort de Charles IV en 1328, la France s’apprête à plonger dans une guerre interminable. Soixante ans plus tard, à l’aube de l’an 1400, le jeune Charles VI essaye de maintenir la paix acquise à la mort de Charles V et d’Edouard III d’Angleterre, mais sa folie engendre de nouveaux conflits… Pourtant, malgré ce contexte tumultueux, l’art trouve à s’épanouir. Architecture, mobilier, tapisseries, mode, art culinaire, musique, peinture connaissent même un épanouissement exceptionnel.

Un voyage au cœur de la guerre de cent ans que vous proposent Christine Degrez et Jean-Benoît Héron, à travers des fresques célèbres commentées. Magnifique, éducatif, original. A offrir !

Louis XIV, sous le règne du Roi Soleil, de Charles Delaville et Emmanuelle Etienne

Vous pensiez tout savoir sur le Roi Soleil ? Que nenni ! Grâce à Charles Delaville et Emmanuelle Etienne, vous allez découvrir le souverain sous de nouveaux angles, vous immerger dans son enfance, dans sa famille, dans son quotidien, dans la France alors première puissance militaire d’Europe, partager ses passions pour le jardinage, l’art, les sciences et la littérature. Une immersion en douceur et en couleurs par le biais de nombreux tableaux judicieusement sélectionnés et agrémentés de textes clairs et concis.

Un ouvrage vraiment complet, qui aborde l’Histoire de façon inédite et pédagogique, pour initier les enfants à l’art et à l’histoire. Un très joli cadeau à faire !

48 pages, 14,50€.

J’ai rendez-vous avec toi, de Lorraine Fouchet (éditions Héloïse d’Ormesson)

Lorraine Fouchet, J’ai rendez-vous avec toi

Editions Héloïse d’Ormesson, Mars 2014

Lorraine Fouchet nous offre un témoignage touchant, dialogue entre un père et sa fille à qui le destin a laissé le temps de s’aimer mais pas de se parler… Une histoire vraie qui se lit comme un roman d’aventures.

Dans un vide-grenier, un dimanche matin, l’auteur tombe sur un livre bleu signé par son père, Christian Fouchet : ce sont ses mémoires, rédigées 40 ans plus tôt. Elle l’achète. Un euro. Un euro pour un voyage 40 ans en arrière, de la vie intime de ce père illustre, acteur de l’histoire de France, décédé alors qu’elle avait dix-sept ans, à sa vie publique en tant qu’homme politique. Un euro, c’est le prix du visa pour entrer sur le territoire de cet homme fascinant, grande figure du gaullisme, qui avait pour amis Charles de Gaulle, Saint-Exupéry, Alexandra David Neel ( La femme aux semelles de vent) ou encore André Malraux.

« T’écrire c’est remailler une passerelle. C’est m’assurer que je pourrai l’emprunter jusqu’à la fin de ma vie. » Sur la trame délicate de ses mots, un dialogue s’engage entre Lorraine Fouchet et son père, avec le lecteur pour témoin. Des mots tendres, drôles et émouvants, qui évitent avec brio l’écueil du pathos. Car c’est un portrait indiciblement vivant que Lorraine Fouchet dresse de celui qui n’est plus. Avec sensibilité, délicatesse, elle nous fait voyager sur les ailes de sa plume, se plonge dans les mémoires et les agendas annotés de ce grand homme (pas seulement par son mètre 96, mais aussi par ses actes) et nous conduit de Moscou à Calcutta, en passant par Alger, Varsovie, le Danemark et bien sûr Paris. Elle nous invite à partager le quotidien du père et du Ministre, ses combats, ses nobles causes, ses blessures aussi.

Ou quand la petite histoire rencontre la grande Histoire…

Prenez rendez-vous avec ce magnifique roman! Vous aurez alors rendez-vous avec le portrait intime et bouleversant d’un grand homme, mais aussi avec l’indéniable talent de l’auteur.

P.56 : J’étais un médecin qui écrivait. Je suis un écrivain qui a été médecin. C’était une question de vie ou de mort, c’est maintenant une question de vie et de mots. Un « r » en moins change la donne.

P.233 : On n’archive pas le bonheur ou la tendresse, on les garde en mémoire. Mais on archive les actes des hommes qui ont été caressés par les ailes de l’Histoire.

Les montagnes bleues, de Philippe Vidal (éditions Max Milo) : une épopée magistrale sur fond historique

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Éditions Max Milo, mai 2014

(430 pages – 22€)

Une épopée magistrale sur fond historique méconnu : la fronde des « nègres marron » au XVIIIème siècle en Jamaïque.

Si John Fenwick, important propriétaire d’une plantation de canne à sucre est encore de ce monde, il le doit à son esclave Christian. Tandis qu’il n’était encore qu’un enfant, ce dernier l’a en effet sauvé de la noyade. En signe de gratitude, les parents de John décidèrent alors d’extraire Christian de sa pénible condition et de lui offrir un toit, des vêtements et une vie loin des champs. Plus improbable encore pour ce nègre marron : le maître lui offre l’accès à l’instruction, aux côtés de son fils John. Lecture, écriture, philosophes latins et grecs n’auront bientôt plus aucun secret pour lui.

Une condition privilégiée qui lui vaut d’être tiraillé entre les siens qui le considèrent comme un traître, et les blancs qui acceptent mal qu’un esclave bénéficie de tels avantages.

Un statut qui va toutefois vaciller à l’issue d’une conversation compromettante qu’il surprend entre son maître John et le contremaitre de la plantation, Stanton. La plantation a en effet été ravagée par une violente tempête et la récolte anéantie. Pour John Fenwick, tous ces esclaves à nourrir – comme le Code l’y oblige, alors qu’ils sont réduits à l’inactivité, est une charge inenvisageable. Stanton lui propose alors une solution aussi radicale et cruelle qu’illégale : éliminer les esclaves cependant maquiller ces décès en accident. Mais voilà, cette proposition inhumaine a un témoin, Christian. Pour Stanton, une seule solution : l’éliminer. Mais John lui accorde un sursis : il l’aide à s’enfuir, tout en mesurant ses faibles chances d’en sortir.

C’est sans compter avec l’intelligence de Christian. Réfugié dans les montagnes bleues, au cœur d’un village constitué de nègres marron, ces esclaves fuyards regroupés en colonies, il va devenir le porte-parole des opprimés et leur donner les moyens, puisés dans sa connaissance des grands philosophes, d’accéder à l’autonomie, à l’agriculture irriguée, aux stratégies de défense militaire et, cause à laquelle il tient plus que tout : à la démocratie.

C’est un plongeon fascinant et émouvant dans le temps (début du 18ème siècle) et dans l’espace (la Jamaïque), que Philippe Vidal offre au lecteur. Une immersion dans ces colonies de nègres marron à un moment crucial de leur histoire, celui où tout va basculer. On nage dans le sillage du courageux et bouleversant Christian, en apnée tant les rebondissements sont multiples, touché d’accompagner ces personnes sur le chemin de la démocratie. Le combat de Christian n’aura pas été vain : il a conduit à un accord historique en 1739 entre les planteurs et les colonies de nègres marrons.

Une épopée magistrale à savourer sans modération!