Nos âmes aux diable, Jérôme Camut et Nathalie Hug

nos âmes au diable- Pocket

Une enfant qui disparait au retour de la plage, une mère éplorée, un couple qui explose, voilà un début d’intrigue classique qui cache en réalité un thriller qui nous emmène hors des sentiers battus. Impossible à lâcher !

Disparition d’enfant

Jeanne se donne corps et âme à son travail, ne compte pas ses heures ni l’énergie qu’elle y consacre. C’est pour cette raison qu’elle est restée travailler à Paris, laissant son mari et sa fille Sixtine partir seuls en vacances sur l’île d’Oléron. Mais alors qu’elle est en pleine réunion, son téléphone sonne. Et sa vie bascule. Sixtine a disparu en rentrant seule de la plage. Que faisait son père, qui en avait la responsabilité ? Que lui est-il arrivé ? Accident ? Rapt ? Fugue ? Jeanne prend alors le premier train pour Oléron, en proie à une angoisse térébrante.

Quand un violeur et tueur en série est arrêté dans la région, bien connu des services de police pour agresser des fillettes et se débarrasser de leur corps au large ensuite, on pense tenir une triste mais fort probable piste. Mais la réalité est bien plus complexe qu’elle n’en a l’air…

Un thriller envoutant

Tout démarre comme dans une intrigue classique : une enfant qui disparait, une mère dévastée et rongée par la culpabilité, un couple qui se déchire. Mais ne vous fiez pas aux apparences, Nathalie Hug et Jérôme Camut ne sauraient se contenter d’un thriller à l’intrigue vue et revue : la disparition de la fillette n’est que l’arbre qui cache une forêt de rebondissements, de chemins de traverse. Un prétexte à une intrigue bien plus dense. Avec Nos âmes au diable, paru aux éditions Pocket, les auteurs nous plongent dans le cauchemar d’une mère, happée par son travail et confrontée à la plus grande tragédie qui soit : la perte de son enfant, à fortiori alors qu’elle n’était pas à ses côtés. On assiste à l’écroulement de son univers, de ses repères, et, si à un moment de l’intrigue, on se prend à espérer que Jeanne renoue avec un certain apaisement, c’est mal connaitre le duo d’auteurs : tout soulagement n’est que provisoire, toute reprise de souffle n’est qu’un prélude à une nouvelle asphyxie, un nouveau rebondissement. Mais il ne s’agit pas de spolier ce qui fait la quintessence de ce roman ici.

Une lecture en apnée qui donne des frissons, plonge le lecteur dans l’effroi, en totale empathie avec ce que traverse la femme et mère. Un thriller impossible à lâcher !

Informations pratiques

Nos âmes aux diable, Jérôme Camut et Nathalie Hug – éditions Pocket, janvier 2023 – 397 pages – 8,60€

René Manzor : Du fond des âges

du fond des âges Manzor René

Un thriller glaçant à plusieurs titres, admirablement bien orchestré. Laissez vous transporter par la plume hypnotique d’un des maîtres incontestés du thriller, René Manzor!

Le bien, hôte idéal du mal

Dans les rues de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, un petit garçon de 8 ans échappe de peu à son assaillant armé. Blessé, l’enfant est conduit à l’hôpital, frappé d’amnésie partielle et ne semblant pas souffrir de ses blessures pourtant profondes. C’est alors qu’on réalise qu’il s’agit du petit Natéo, porté disparu depuis 3 ans et fils d’un explorateur célèbre, Marcus Taylor. Si Marcus n’a jamais cessé d’espérer retrouver son fils un jour, sa femme Raïana en a fait le deuil. Des divergences dans la gestion de cette incommensurable tristesse et de cette térébrante douleur, qui ont mis à mal le couple.  

Marcus a consenti à accepter l’année précédente une ultime mission en Antarctique. Après avoir en vain activé ses réseaux, fait jouer sa célébrité dans les médias pour qu’on l’aide à retrouver Natéo, il a cessé de l’attendre à la maison. Sans pour autant cesser d’espérer le revoir un jour. Une expédition qui a failli lui couter la vie ainsi que celle de ses équipiers tant elle a viré au cauchemar… Glaçante.

Mais Marcus a survécu à l’enfer, au Mal venu du fond des âges. Et son fils a survécu à ses assaillants. La page des cauchemars semble donc pouvoir être tournée. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences. Le Mal peut trouver dans le Bien un hôte idéal et en adopter les atours ô combien trompeurs…  

Un thriller glaçant, frissons garantis !

René Manzor nous revient avec un thriller haletant, admirablement bien construit, aux éditions Calmann-Lévy : Du fond des âges. Le lecteur se trouve transporté en plein milieu de l’Antarctique, au cœur d’une expédition menée par un glaciologue de renom. Mais après un atterrissage en catastrophe, une autre frayeur les attend : la précédente équipe de chercheurs a disparu et la station est saccagée. Et ce n’est que le début d’une mission cauchemardesque aux rouages implacables, qui tient le lecteur en apnée de chapitre en chapitre. En survivant à cette expédition, Marcus n’a pourtant pas surmonté le plus difficile… Un lien subtil existe en effet entre cette mission effrayante et le retour de son fils, lien qu’il ne s’agit pas de spolier ici pour ne pas entamer le plaisir du lecteur à le découvrir.

L’architecture du roman est incroyablement subtile, originale, brillante. L’imagination de René Manzor fascine. Ses personnages aussi.

Un page-turner brillant, sans temps mort, qui donne des frissons de la première à la dernière page – et le froid polaire n’est pas en cause ! Fascinant. Envoutant. Hypnotique.

Informations pratiques

Du fond des âges, René Manzor – éditions Calmann-Lévy, novembre 2022 – 394 pages – 20€

Le book trailer du thriller (et ça rime !)

N’oublions pas que René Manzor est AUSSI un réalisateur émérite. Découvrez donc la magnifique bande-annonce qu’il a réalisée pour son nouveau roman. De quoi vous faire frissonner avant la lecture…

L’interview de René Manzor

Retrouvez la Kar’interview de René Manzor, réalisée à la faveur de la parution de son deuxième roman : interview

Rentrée littéraire : Stöld, Ann-Helen Laestadius

Stold Ann Helen Laestadius

Un thriller suédois, qui nous emporte au nord du cercle polaire arctique, à la rencontre de la culture des Samis, derniers éleveurs de rennes. Le portrait d’une femme courageuse, déterminée à défendre sa place dans la société ainsi que celle de son peuple opprimé.

L’oppression du peuple Sami

Elsa, 9 ans, vit au nord du cercle polaire arctique, dans la communauté des Samis, un peu à l’écart du monde. Une communauté traditionnelle, qui vit de l’élevage des rennes essentiellement, ce qui n’est pas pour plaire aux gens du village, des Suédois non Samis.

Un jour, alors qu’elle se rend à l’enclos des rennes, elle se retrouve face à un contrebandier, un certain Robert Isaksson. Un homme du village bien connu pour sa haine envers son peuple. Tétanisée, Elsa reconnait son renne, Nastegallu, trainé hors de l’enclos et éviscéré par Robert, les oreilles tranchées pour que l’on ne puisse pas identifier sa provenance par son marquage. L’homme fait alors à Elsa un signe éloquent : si elle parle, il la tuera.

De retour chez elle, le cœur brisé, une oreille de son renne cachée dans sa poche comme un doudou, Elsa annonce l’horreur à ses parents, mais tait avoir vu le coupable. Terrifiée par ses menaces de mort. Une tuerie de plus, pour laquelle aucune enquête ne sera menée, voire pour laquelle la police ne daignera pas même se déplacer depuis le village. Voilà à quoi est réduite la communauté des Samis : à subir sans pouvoir réagir. Au point que certains jeunes, désespérés par le sort qui est réservé aux éleveurs de rennes de leur communauté, préfèrent mettre fin à leurs jours que de subir encore et encore cette violence, ces injustices et ces discriminations criantes.

Les années passent, mais la colère d’Elsa ne passe pas, alimentée de surcroit par la douleur d’avoir perdu son ami Lasse. Les vols de rennes pour alimenter les trafics de viande continuent. En toute impunité. Elle décide alors d’agir.

Un thriller suédois

En cette rentrée littéraire, les éditions Robert Laffont nous propose de découvrir Stöld, d’Ann-Helen Laestadius, un roman qui a reçu le prix du livre de l’année en 2021 en Suède. J’avoue avoir peiné lors des 200 premières pages, ne trouvant pas de tension narrative, dans un roman qui s’enlisait comme les pas dans la neige fraiche. L’action a tardé mais ensuite le roman a pris son envol. On suit une jeune Elsa dont le courage et la combattivité n’ont rien à envier aux hommes de sa communauté, de même que sa capacité à gérer un élevage de rennes. Elle décide de faire appel à la presse et aux réseaux sociaux pour sensibiliser les gens au drame qui est celui de la communauté des Samis. Et de ne plus attendre la police pour bouger.

Ce roman nous fait découvrir un peuple mal connu, les Samis, dont il ne reste que 80 000 personnes à ce jour, principalement en Norvège et en Suède. Un sujet d’actualité, puisque c’est seulement en novembre 2021 que l’église et l’état suédois ont présenté leurs excuses au peuple Sami, dernier peuple autochtone d’Europe, pour les discriminations dont il a fait l’objet, reconnaissant officiellement que la langue, la culture et l’identité samis ont été bafouées. Un roman doublement ancré dans le présent aussi, par les dérèglements climatiques dont il se fait l’écho.

Un vrai dépaysement, avec des longueurs toutefois dans la première moitié du roman.

Informations pratiques

Rentrée littéraire : Stöld, Ann-Helen Laestadius- Editions Robert Laffont, août 2022 – 446 pages – 21,50€

The cry, Helen Fitzgerald

the cry

Un thriller haletant sur la descente aux enfers d’un couple dont le bébé de 9 mois est découvert mort à leur descente d’avion. Accident ? Manipulation perverse ? Mort naturelle ? Un véritable page-turner.

Accident ou manipulation perverse ?

Pendant le vol à destination de Melbourne, Joanna s’est fait remarquer avec son bébé de neuf mois dont rien ne semblait calmer les pleurs. A ses côtés, son mari Alistair dormait tranquillement, non conscient de son désarroi et des regards outrés de nombre de voyageurs sur son épouse. Une mère visiblement épuisée, dépassée par les évènements se souviendront les passagers. Cela en fait-il une mère criminelle pour autant ?

Car à leur descente d’avion, les parents réalisent soudain que le petit ne fait plus de bruit. Et pour cause, il est décédé dans son porte-bébé… Que s’est-il passé ? Un accident sous le coup de la fatigue physique et nerveuse ? Une mort naturelle ? Ou un meurtre avec préméditation ? Paniqué, le couple décide alors de camoufler le décès de leur enfant. Un mensonge destiné à protéger qui ? Les médias s’emparent alors de l’affaire. Le public, fasciné par ce fait divers, est avide de découvrir la vérité…

Un thriller haletant

Soyez prévenus : vous ne pourrez plus lâcher The cry d’Helen Fitzgerald, une fois la lecture commencée. La romancière excelle à entretenir le suspense, à maintenir la tension narrative constante et jubile à jouer avec les nerfs du lecteur. Scindée en de très courts chapitres, l’intrigue suit un rythme rapide, multiplie les points de vue au sujet du couple. Ce père de famille, homme politique en vue, est-il aussi lisse qu’il parait ? Cette mère énervée après son bébé hurlant, incapable de l’apaiser, est-elle une mauvaise mère ? Ou les apparences sont-elles terriblement trompeuses ?

Un thriller captivant !

Informations pratiques

The cry, Helen Fitzgerald – éditions J’ai lu, mai 2022 – 380 pages

Thriller : Vérita, Karel Gaultier

Sexe, drogue, trafic d’œuvres d’art, vengeance, oligarchie russe, le nouveau thriller de Karel Gaultier est librement inspiré de faits réels. Un suspense haletant et une chute vertigineuse sur toile de fond de chantage.

Immersion dans l’univers des milliardaires

Dans la petite société de milliardaires basée autour du lac Léman, le sexe et la drogue font partie du quotidien des affaires. Ainsi, Stallone, l’homme de main de l’oligarque russe Youi Karatov, est régulièrement chargé de fournir de la cocaïne et des femmes triées sur le volet aux invités lors des fêtes. Parmi ces gens fortunés, l’avocat suisse le plus renommé, une galeriste peu scrupuleux, un faussaire ancien agent du Mossad, le couple russe Karatov et leur fille. Mais même si les robes scintillent sous le soleil suisse, les affaires ne sont pas toutes rutilantes. Alors pour aider la Providence, certains n’hésitent pas à copier des œuvres d’art, à falsifier les rapports d’expertise et à les vendre pour d’authentiques toiles de maitre. Un trafic bien huilé. Mais l’argent est-il le seul but ?

Les choses se gâtent quand un lanceur d’alerte, dont le pseudo est Vérita, commence à dévoiler sur la toile les agissements peu avouables de ces grandes fortunes. Qui se cache derrière Vérita ? Quels sont ses motifs ?  A qui en veut-il vraiment ? Au sein du ghetto de milliardaire c’est le séisme.

Trafic d’œuvres d’art et vengeance

C’est un thriller aux rouages implacables que nous livre Karel Gaultier avec Vérita, paru aux éditions Slatkine. L’auteur nous immerge dans le marché de l’art qu’il connait visiblement excellement bien, de la présentation des œuvres et des peintres aux techniques de réalisation ou de détection de faux. Avec brio, il entraine le lecteur sur la piste de ce lanceur d’alerte, maintient la tension narrative et le rythme grâce à de courts chapitres. S’amuse à jouer avec les nerfs du lecteur, à l’entrainer sur de fausses pistes. Car la toile finale n’est pas du tout celle qui semblait se dessiner au fil des chapitres. Faussaire, Karel Gaultier ? Non expert en fausses pistes !

Un thriller haletant et d’une grande érudition.

Informations pratiques

Vérita, Karel Gaultier – éditions Slatkine, mai 2022- 351 pages

Thriller : Le poison du doute

le poison du doute messemackers

Imaginez qu’un policier frappe à votre porte et vous dise que votre mari a tué femme et enfants il y a quelques années, avant de s’enfuir puis de réapparaître sous une fausse identité pour refaire sa vie…avec vous. Angoissant, non ? Qui croire, le policier ou votre mari?

Connait-on vraiment l’Autre ?

Margaux Novak est une femme heureuse : son mari Philippe, qu’elle chérit, un fils adorable, un métier d’infirmière libérale dans lequel elle s’épanouit et une jolie maison dans la baie de Somme. Le tableau du bonheur. Un tableau auquel un courrier de la gendarmerie destiné à son mari vient apporter une première touche sombre.

Le motif de cette convocation à la gendarmerie serait une série de cambriolages dans la région au cours desquels la voiture de Philippe aurait été aperçue par des témoins. Pour Margaux comme pour Philippe, il s’agit d’une dramatique erreur, erreur qui va forcément être mise à jour et l’innocence de Philippe clamée.

Mais c’est tout l’inverse. Dans ce petit village, chaque nouvelle se répand comme une trainée de poudre. La rumeur enfle. Philippe ne devient plus soupçonné mais désigné comme coupable de cambriolages par les villageois. La vie de Margaux devient un cauchemar. On la fuit comme la peste. Et la descente aux enfers continue quand sa collègue lui apprend que la convocation de Philippe n’avait pas pour unique but les cambriolages. Il y a 15 ans, un homme a tué femme et enfants et a disparu. La police, et plus précisément l’inspectrice en charge du dossier, s’interroge sur le passé de Philippe : pourrait-il être ce tueur ? Pourquoi a-t-il subi une opération de chirurgie faciale ? Est-ce réellement à cause d’un accident forestier ? Pourquoi n’a-t-il aucun témoin de sa vie d’avant, tandis qu’il vivait en Hongrie ? Et pourquoi n’a-t-il rien dit à Margaux sur les soupçons de meurtre qui pèsent sur lui s’il n’a rien à se reprocher et donc rien à cacher ?

Margaux est assailli par un doute térébrant : qui croire, la police ou son mari ?

Un thriller magistralement mené

C’est un thriller magistral que nous offre Julien Messemackers avec Le poison du doute, paru aux éditions Pocket. L’auteur joue avec les nerfs du lecteur, crée entre lui et Margaux une intimité si grande, que le lecteur vit au diapason de la femme les émotions qui la traversent. Et de frissonner avec elle. Et de douter avec elle. Et d’espérer à nouveau avec elle. Et d’avoir peur avec elle. De Philippe. De la policière. De tout et de tous. Qui et que croire ? Philippe a réponse à tout, peut expliquer chaque point d’ombre de sa vie. Alors ?

Tandis que l’auteur alterne deux temporalités, nous fait vivre en parallèle aux côtés de la femme assassinée 15 ans plus tôt, Marianne, puis aux côtés de Margaux aujourd’hui, le doute s’instille dans l’esprit du lecteur. Les certitudes explosent. A peine le temps de se forger une intime conviction qu’elle est déjà balayée par les nouveaux rebondissements de l’histoire.

C’est un thriller fascinant, impossible à lâcher, qui peut faire penser à l’affaire Dupont de Ligonnès dans laquelle ce dernier aurait refait sa vie. Quant à la chute, elle est vertigineuse!

Un énorme coup de cœur.

Informations pratiques

Le poison du doute, Julien Messemackers- éditions Pocket, mars 2022- 405 pages

Les fêlures, Barbara Abel

Les fêlures Barbara Abel

Qui est le meurtrier d’un être qui se suicide ? Lui seul, ou aussi ceux qui l’ont conduit à ce désespoir fou ? Un thriller psychologique brillant, impossible à lâcher.

Suicide : à qui la faute ?

Quand Roxane se réveille dans son lit, c’est la stupeur. Martin est à ses côtés, mort. Et elle devrait l’être aussi. Sur leurs tables de chevet respectives, des lettres expliquant leur geste. Un suicide par injection de substance toxique à haute dose. Mais leur plan n’a pas fonctionné. Seule survivante, elle va devoir répondre pour eux deux de leur acte, fournir des explications à sa famille, à sa belle-famille, aux enquêteurs.

Qu’est-ce qui a pu pousser un jeune couple si fusionnel, si aimant, à commettre pareil geste ? Pour Garance, la sœur de Roxane, c’est la sidération. Comme pour la riche famille de Martin.

Prostrée, Roxane donne peu d’éléments pour comprendre. Et si ce suicide commun n’en était pas un, contrairement aux apparences ? Roxane, élevée par une mère alcoolique, tyrannique et violente, a un lourd passé derrière elle. Et des secrets tout aussi lourds. A-t-elle vraiment voulu mourir ? En tant qu’élève en médecine, elle sait pratiquer des injections. Aurait-elle pu souhaiter la mort de Martin et avoir sciemment injecté des doses différentes à chacun d’entre eux ?

Garance veut croire à l’innocence de sa sœur. La famille de Martin à sa culpabilité. Où se situe la vérité ?

Un thriller psychologique brillant

Avec Les fêlures, paru aux éditions Plon en ce mois d’avril, Barbara Abel nous livre un thriller psychologique impossible à lâcher. Une forme de Roméo et Juliette revisité avec brio. Tout part sur la découverte de deux corps, dans ce qui semble être un suicide collectif. Une femme issue d’une famille modeste, belle et intelligente et un jeune homme au physique ingrat, appartenant à une famille bourgeoise.

L’auteure joue alors avec les nerfs du lecteur, sème des indices pour lui faire croire à une thèse, afin de mieux le faire douter ensuite. On s’engage sur un chemin et soudain, les soupçons vous gagnent, de même qu’une grande fébrilité : les apparences sont trompeuses, les coupables ne sont pas ceux auxquels nous pensions, et il faut alors explorer une autre piste, vite lire la suite le regard aimanté aux pages. Les rebondissements se multiplient, les pièces du puzzle se mettent en place, et le tableau final nous offre une chute vertigineuse…

Barbara Abel excelle dans la construction de son histoire, dans la finesse de l’analyse psychologique de ses personnages, dans sa capacité à maintenir une tension narrative constante. En fil rouge, elle nous interroge : quel est le véritable meurtrier d’un être qui se suicide ? Lui-même ? Certes. Mais pas seulement. Il y a aussi celles et ceux qui par leur attitude, leurs propos, ont conduit à ce geste irrémédiable. Il y a le poids de la société, celui des ambitions démesurées. Rien n’est aussi simple qu’il n’y parait.

Un roman fascinant.

Informations pratiques

Les fêlures, Barbara Abel – éditions Plon, avril 2022 – 431 pages

François-Xavier Dillard : Prendre un enfant par la main

prendre un enfant par la main Dillard

Gros coup de cœur pour ce thriller magistralement mené, qui vous prend en otage dès les premières pages et fait de vous la victime consentante d’une lecture en apnée. Survivriez-vous à la perte de votre enfant ?

Disparition d’un enfant

Vous aimez la voile ? Si je vous propose une traversée sur un First 50 Bénéteau flambant neuf entre la Corse et le continent, vous embarquez ? Si je vous précise qu’une tempête est annoncée, vous m’accompagnez toujours ?

Quand Marc, sa femme Sarah et leurs deux enfants montent sur le voilier, seul Marc sait qu’une vague de mauvais temps est possible sur leur trajet. Au port de Calvi, l’employé de la Capitainerie lui a fortement déconseillé de prendre la mer. Mais son travail d’avocat l’appelle, il est pressé et prête une oreille peu attentive aux avertissements du corse.

Il aurait pourtant dû l’écouter. Au milieu de nulle part, leur bateau est pris dans une terrible tempête. Leur fille Clémentine, dix ans, disparait, tandis que les trois autres membres de la famille sont miraculeusement rescapés.

Comment faire le deuil de son enfant ? Comment survivre non seulement à la perte de la chair de sa chair, mais à la culpabilité d’avoir entrainé toute sa famille dans une traversée aussi dangereuse ? Chacun tente de combler le vide à sa façon, de garder l’équilibre. Mais quand de nouveaux voisins emménagent près de chez Marc et Sarah, et que leur fille Gabrielle s’avère ressembler furieusement à Clémentine, cumulant de surcroit le même âge et la même date anniversaire que leur fille, ce fragile équilibre se rompt…

Un thriller fascinant

Avec un titre qui évoque autant de tendresse, François-Xavier Dillard s’amuse déjà avec le lecteur. Et ce n’est que le début ! Dès les toutes premières pages, l’auteur vous prend par la main. A peine la lui avez-vous tendue que c’est le bras qu’il vous prend. Puis vous tout entier. Vous n’êtes plus là pour personne, sauf pour ses personnages, glissant vos pas dans les leurs, le cœur battant. Au fil de l’intrigue, vous vous forgez une intime conviction sur le ou la coupable. Et les indices habilement essaimés vous confortent dans votre position. Oui, c’est certainement lui, elle. Et… non ! Par un twist machiavéliquement orchestré, le romancier balaie d’un coup d’un seul toutes vos certitudes et jubile de vous avoir réservé une chute vertigineuse. Jubilation partagée par la lectrice que je suis.

Pas de profusion d’hémoglobine ici, de cadavres en décomposition ou autre scène glauque. Non, François-Xavier Dillard nous prend aux tripes de façon beaucoup plus subtile, en jouant sur nos peurs viscérales : celle de perdre un proche, celle de perdre son enfant. On suit divers personnages comme autant de pièces dont on ignore si elles appartiennent à un seul et unique puzzle. Avec une construction remarquable, une extrême fluidité, un rythme soutenu, les pièces s’emboitent, les liens s’ébauchent. Mais le dessin final du puzzle est impossible à deviner avant la pause de la pièce finale. Un véritable tour de force.

J’ai adoré me laisser embarquer par l’histoire, happée par la tension narrative croissante, par les rebondissements multiples qui jalonnent l’histoire. J’avais hâte de connaitre le dénouement tout en n’ayant pas envie de refermer le livre.

Pour info, l’auteur vient de sortir un nouveau roman aux éditions Plon : L’enfant dormira bientôt.

Informations pratiques

Prendre un enfant par la main, François-Xavier Dillard – éditions Pocket, septembre 2021- 353 pages – 7,60€

L’épouse et la veuve, Christian White

l'épouse et la veuve

Deux femmes que tout semble opposer, liées par des crimes et des secrets enfouis. Un huis-clos haletant.

Mensonges et disparition

Abby, son mari Ray et leurs enfants vivent à l’année sur l’île de Belport, au large de l’Australie. Passionnée de taxidermie, Abby se fait la main sur les animaux morts que lui ramène son mari lors de ses activités de jardinage et d’entretien dans les propriétés avoisinantes. Elle a installé à cette fin un atelier dans son garage. Ces derniers temps, tandis qu’elle manie le scalpel, elle ne peut que s’interroger sur le comportement étrange de Ray. Pourquoi a-t-il tenté de se débarrasser de vêtements tachés de sang ? Pourquoi s’est-il caché pour pleurer dans la salle de bain ? Pourquoi lui ment-il sur les clients chez lesquels il s’est soi-disant rendu ?

Kate, elle, vit avec son époux John et leur petite Mia à Melbourne.  Ils viennent régulièrement en vacances sur l’île de Belport, dans la maison familiale dont a hérité John. Cette fois, Kate y remet les pieds pour tenter de retrouver la trace de son mari. Ce dernier a en effet soudainement disparu. Enlèvement ? Accident ? Départ volontaire ? Meurtre ? Quand elle a découvert qu’il avait quitté son poste de médecin en soins palliatifs quelque temps plus tôt, sans se confier à elle, elle se demande ce qu’il peut encore bien lui avoir caché.

Deux femmes, une même île et des rebondissements à foison

Un page-turner magistralement mené

Soyez prévenus : quand vous commencerez L’épouse et la veuve, de Christian White, attendez-vous à ne pas pouvoir le reposer avant d’avoir éclairci le mystère. Car l’auteur a le don de ménager le suspens de chapitre en chapitre, alternant les points de vue de Kate et d’Abby, multipliant les pistes pour mieux égarer le lecteur, semant les indices et les rebondissements pour maintenir la tension narrative à son comble. Bien malin celui ou celle qui découvrira avant la toute fin la clé de l’énigme.

Je me suis laissée complètement embarquer par l’intrigue et cueillir par la chute. J’ai beaucoup aimé la fluidité du style, l’extrême maitrise de la construction, mais aussi les thèmes évoqués : Jusqu’où est-on prêt à aller par amour pour ses enfants ? Mensonge, dissimulation, sacrifice, voire meurtre, jusqu’où iriez-vous pour protéger les vôtres ?

Un livre fascinant impossible à lâcher !

Informations pratiques

L’épouse et la veuve, Christian White – éditions Albin Michel, septembre 2021- 21,90€ – 330 pages

Harlan Coben : Gagner n’est pas jouer

gagner n'est pas jouer

Le maître incontesté du thriller nous revient avec un héros cynique à souhait et une intrigue au suspens implacable.

Meurtre et tableau de maitre

Dans les beaux quartiers de New-York, la police découvre le corps d’un vieil homme, qui vivait en reclus. Surnommé l’Ermite, ce dernier ne sortait mystérieusement qu’une nuit par semaine de son logement. Près de son corps mutilé, un des 35 tableaux peints par Vermeer. Et pas n’importe lequel : un des deux tableaux de maître dérobés à la famille Lockwood il y a une vingtaine d’années. Quand Win Lockwood arrive sur place, il ne peut que le reconnaitre et s’interroger : où est le second tableau? Que fait ce Vermeer chez le vieil homme?

Quant aux tableaux, ils ont été volés quelques mois seulement avant l’enlèvement de la cousine de Win, Patricia, et l’assassinat du père de cette dernière. Retenue en otage dans la « cabane des horreurs  » avec 9 autres jeunes filles entre 16 et 20 ans, brutalisées, violées, elle fut la seule rescapée.

Pas plus qu’on n’a retrouvé les tableaux et les auteurs du vol, on n’a retrouvé les deux hommes responsables des enlèvements suivis de crimes…

Y-a-t-il un lien entre ces deux affaires? Si oui, l’Ermite est-il un des ravisseurs? Quelle est alors l’identité du second? Où est l’autre tableau?

Un suspense implacable

Dans Gagner n’est pas jouer, paru aux éditions Belfond, Harlan Coben choisit un héros qui a tout d’une tête à claques, que l’on ne supporterait pas deux minutes dans la vie, et qui, dans ce roman, est un personnage que l’on se surprend à adorer. Véritable dandy, d’un snobisme ostentatoire, insolent à souhait, cynique à ravir, force est d’admettre que ses réparties quand il s’adresse au lecteur sont justes jubilatoires. Un personnage d’un charisme fou, qui porte littéralement le roman et nous entraine dans le sillage de son enquête, riche en rebondissements.

Un roman à l’intrigue assez complexe comme assez souvent chez le romancier, non dénué d’humour, qui maintient le lecteur en haleine du début à la fin.

Informations pratiques

Gagner n’est pas jouer, Harlan Coben – éditions Belfond , octobre 2021- 397 pages – 27,50 €