Firmin. Autobiographie d’un grignoteur de livres, de Sam Savage

 

9782742783489

Firmin. Autobiographie d’un grignoteur de livres, de Sam Savage

Traduit de l’américain par Céline Leroy

Collection  Babel 2010, Actes Sud 2009

       

       De la biblioboulimie.

 

          Le héros de Sam Savage s’appelle Firmin, petit dernier d’une fratrie de treize rats nés dans les sous-sols d’une librairie de Scollay Square, vieux quartier de Boston.

        D’emblée, la vie ne le ménage pas. Il doit lutter moustaches contre moustaches pour accéder aux mamelles maternelles. Chétif, il lui faut se nourrir ailleurs. Et de commencer à grignoter les pages des livres qui l’entourent. Une révélation. « A force de vivre chaque nuit dans les interstices mystérieux entre lecture et nourriture, j’ai découvert un lien remarquable, une sorte d’harmonie préétablie, entre goût et qualité littéraire. (…) « Bon à manger, bon à lire » est devenu ma devise. »De fait, la grande littérature est comme la grande cuisine : enivrante, merveilleuse, riche. L’intérêt de la lecture l’emporte alors très vite sur celui de la mastication. La nourriture de l’esprit sur celle de son estomac. Firmin, gourmand mais aussi et surtout gourmet, devient biblioboulimique. De  Tolstoï à Stendhal en passant par Cervantes, ou encore Steinbeck, il se délecte des grands classiques.

        Fin cinéphile, mélomane et musicien, amoureux des femmes qu’il appelle ses « mignonnes », sa curiosité et sa faim sont inextinguibles. Au fil des pages cependant, son constat sur le monde se fait plus amer. Les humains solitaires qui l’entourent le déçoivent. Les intérêts capitalistes sont loin de ses idéaux. Un programme de réhabilitation du quartier qui conduit à raser sans état d’âme boutiques, lieux de vie et sa si chère librairie assombrissent définitivement le tableau.

         Un roman truculent, savoureux cocktail de conte pour enfants et de réalisme mélancolique pour adultes.

 

Ce roman a reçu en juin dernier le Grand Prix Saint-Emilion du roman étranger.

 

Informations pratiques:

Prix éditeur: 7.50€

ISBN: 978 2 7427 9115 6

Nombre de pages: 199

Les vies extraordinaires d’Eugène, premier roman d’Isabelle Monnin

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Les vies extraordinaires d’Eugène, Isabelle Monnin

Editions Jean-Claude Lattès août 2010

 

Le linceul de mots.

 

Depuis le décès de son bébé, né grand prématuré, elle n’est plus que silence. « Votre femme a peut-être besoin d’entendre parler de son fils, de ce qui lui est arrivé, il faut lui offrir cette parole pour lui permettre de retrouver la sienne. » Tels sont les propos  de la pédiatre au père. Pour combattre cette géhenne qui est leur, il va donc entreprendre de faire le récit de la courte vie de leur enfant, de ce petit être tant espéré : Eugène. Car si Eugène n’a pas (sur)vécu, il a existé.

Chaque jour, plume à la main, le marathonien qu’il est s’entraîne à glisser ses pas dans l’empreinte de ceux de son fils. Et d’imaginer ses futures traces s’il avait survécu. C’est la plus difficile de ses courses : une fuite en avant contre l’oubli, contre le vide abyssal laissé par cette mort. Un souffle à entretenir pour faire exister celui qui l’a rendu, âgé de six jours à peine, victime d’un staphylocoque doré.

Avec méthode, il tente de nourrir son récit des maigres informations glanées auprès du personnel médical qui l’a suivi, l’étoffe avec des études sur le devenir des grands prématurés, imagine ce qu’il serait devenu si…. Mais la réalité est là, nette et tranchante comme une lame de fleuret : comment aller jusqu’au bout d’une course quand le pire des drames vous a ôté le souffle ? Comment donner chair à la vie de son enfant tandis que son corps n’est plus que cendres ? Les mots ne veulent pas habiller les maux, sauf à se faire linceul.

 

Contrairement au titre qui se veut magique, ouvrant sur des possibles enchanteresques, ce premier roman d’Isabelle Monnin traite avec sobriété et justesse un sujet on ne peut plus sombre et risqué. Pas de place pour le merveilleux. La vie n’est pas un rêve. Eugêne n’est plus. Et rien ni personne ne le fera revenir…

 

Citation : « Les vies imaginaires ne sont pas toujours les moins raisonnables ».