
S’appuyer sur la peur est le meilleur moyen d’obtenir que les gens renoncent à leurs libertés. Manipulation des masses, désinformation, la liberté a t-elle encore sa place dans notre société?
La guerre contre la mort
Il a suffi de la déclaration d’un médecin renommé, affirmant que toute mort en deçà de 120 ans est une mort prématurée, pour que les esprits s’embrasent. Car force est de constater que l’espérance de vie réelle avoisine davantage les 80 ans que les 120. Et la population de se sentir lésée, spoliée de 40 années de vie supplémentaire. Le gouvernement décide alors de prendre le problème à bras le corps : la guerre allait être déclarée à la mort.
Sur les chaines d’information continue, dans la presse, à la radio, sur les réseaux sociaux, il n’est plus question que de cela. Pour remporter la bataille, diverses mesures, dont la première : réduire les accidents de la route en passant aux voitures autonomes, avec port de minerve obligatoire au volant, limitations horaires et kilométriques de déplacement. Une décision appuyée par les reportages qui pleuvent sur les chiffres affolants de mortalité au volant, des images terrifiantes de corps déchiquetés dans des carcasses de voiture. De quoi développer dans l’inconscient collectif une phobie de la conduite automobile. Tom, jeune ingénieur, absorbe sans recul ces informations et décisions, obéit en bon petit soldat, fustigeant ceux qui osent critiquer ces mesures et ainsi contribuer à maintenir un chiffre de mortalité au volant trop élevé.
Suivent d’autres restrictions : la limitation de la consommation de sucre avec implantation d’une puce pour contrôler la glycémie et limiter les risques cardiovasculaires, la suppression des paiements en espèce pour réduire les crimes crapuleux lors de vols à la tire, la mise ne place de cameras à reconnaissance faciale pour détecter les émotions susceptibles de conduire à un acte criminel. Tom approuve, se soumet, même s’il sent naître en lui un mal-être de plus en plus grand.
Christos, un ami de Tom établi en Grèce, observe toutes ces mesures d’un air sceptique, critique même : « Quand on s’y prend bien, en jouant sur les émotions, on peut faire croire aux gens n’importe quoi, y compris des horreurs, même aux plus intelligents et cultivés d’entre eux. »
Il décide alors de réveiller son ami, de l’inviter à se réapproprier son existence. Y parviendra-t-il et par quel moyen ?
La manipulation des masses par la peur
« La population en général ne sait pas ce qui est en train de se passer. Et elle ne sait même pas qu’elle ne sait pas. » Cette citation de Noam Chomsky, en exergue du roman, résume parfaitement le propos du livre. Avec Le réveil, paru aux éditions Calmann-Lévy, Laurent Gounelle nous offre un autre regard sur les évènements de ces deux dernières années. Même si le contexte du roman n’est pas celui de la pandémie mais cette guerre à la mort, la gestion de l’urgence par les autorités publiques est la même. L’auteur nous interpelle alors : n’y a-t-il pas une grande similarité avec les méthodes de soumission et de manipulation des masses dénoncées dans la charte de Biderman, méthodes ayant fait leurs preuves sur certains peuples lors des décennies passées ? Et si au nom de l’intérêt général, on privait la population de ses libertés ? Plus on maintient les gens dans un état de peur, plus ils se soumettent docilement à l’autorité censée les protéger. Plus la peur s’installe, plus la population s’habitue au fait d’être contrôlée.
Se basant sur des faits historiques, sur des méthodes de coercition des masses dénoncées par Amnesty International, l’auteur interpelle le lecteur. A l’image de Christos s’adressant à Tom, il l’invite à se demander si toutes ces mesures poursuivent vraiment le but affiché, si cette atteinte à ses libertés essentielles ont une quelconque légitimité. Un livre qui bouscule, offre un recul, sème le doute et ouvre le débat.
Passionnant !
Informations pratiques
Le réveil, Laurent Gounelle – éditions Calmann Lévy, février 2022 – 192 pages -15€