Celle qui criait au loup, Delphine Saada

Celle qui criait au loup

D’une écriture intense et fulgurante, Delphine Saada décrit l’effondrement d’une femme contrainte à revenir sur son passé, signant un roman qui trouble et bouleverse.

Amour maternel défaillant

Quand Mathilde est arrivée deux ans plus tôt dans le service de médecine interne de l’hôpital de Valence, elle a éprouvé une forme d’admiration pour Albane, l’infirmière du service louée par tous, femme extrêmement compétente, à l’écoute et dévouée. Mais force est d’admettre que deux ans plus tard, elle ne s’est toujours pas rapprochée d’elle malgré son envie. Car Albane ne laisse personne entrer sur son territoire privé, n’autorise les échanges qu’à sens unique, et ce, avec chacun de ses collègues. Pour tous, l’Albane intime, l’Albane en dehors de ses heures à l’hôpital est un mystère total. Pourquoi Albane érige-t-elle une telle forteresse autour d’elle ? Que redoute-t-elle ?

Et puis, un jour au travail, alors qu’elle abaisse le pont-levis de sa méfiance, Albane a cette phrase glaçante, choquante : « si je devais me retrouver seule avec mes enfants, ça pourrait mal finir. »

Une phrase que Mathilde ne peut s’empêcher d’interpréter comme un appel à l’aide. Une sonnette d’alarme. A tort ou à raison ?

Côté privé, Albane est mariée à Sebastian et est mère de deux jeunes enfants, Emma et Arthur. Elle gère sa maison et ses enfants comme un général. Les repas, les devoirs, le ménage, la toilette, les activités de loisir, tout est parfaitement réglé. Sous contrôle.

Mais un jour, la situation lui échappe. Elle laisse éclater une colère démesurée envers Emma. Pour une simple bêtise, elle lui assène une sanction traumatisante, violente. Inacceptable. Sebastian est en état de choc. Pensant à un écart de conduite isolé, il essaye d’oublier l’incident mais hélas, nouvelle sortie de route pour Albane. Il lui enjoint donc de consulter un psy. Pour elle, pour ses enfants, pour son couple. Il ne pourra plus tolérer aucune conduite violente envers leur fille. Aucune.

Pourquoi une telle différence de traitement entre sa fille et son fils ? Pourquoi Albane n’est-elle capable d’aucun élan de tendresse envers Emma ? Quel traumatisme peut expliquer le comportement actuel de cette maman ? Et le découvrir, aux fins fonds de son inconscient, va-t-il la libérer ou être impossible à porter et supporter ?

Traumatismes d’enfance

En cette rentrée littéraire d’hiver aux éditions Plon, Delphine Saada nous offre un roman extraordinairement puissant : Celle qui criait au loup. Avec une tension narrative extraordinaire, elle tient le lecteur en haleine sur l’origine du mal qui ronge Albane et explique son empêchement envers sa fille. Comment une infirmière dévouée à ses patients peut-elle n’avoir aucun élan affectueux, aucun geste de tendresse envers sa propre enfant ?

Avec beaucoup de finesse, la romancière explore les arcanes de l’inconscient, les protections qu’il instaure pour que la réalité soit supportable, vivable. Ou comment les secrets de famille, le refus d’une écoute, d’un soutien, peuvent détruire une vie au moins autant que le traumatisme originel lui-même.

C’est un roman qui remue, ne laisse pas le lecteur indemne. Et qui invite à ne pas poser de jugement hâtif sur ces femmes qui font en réalité du mieux qu’elles peuvent avec les traumatismes secrets qu’elles portent en elles…

Puissant. Saisissant.

Informations pratiques

Celle qui criait au loup, Delphine Saada- Editions Plon, janvier 2022 – 270 pages – 18€

Les 3 prochains livres sur le blog

On poursuit la découverte des titres de cette belle rentrée littéraire 2022 avec trois nouveaux livres, dans des registres très variés, pour adultes comme pour enfants.

Lundi nous commencerons la semaine avec un roman saisissant de Delphine Saada aux éditions Plon : Celle qui criait au loup. Avec une tension narrative extraordinaire, elle tient le lecteur en haleine sur l’origine du mal qui ronge son héroïne et explique son empêchement envers sa fille. Comment une infirmière dévouée à ses patients peut-elle n’avoir aucun élan affectueux, aucun geste de tendresse envers sa propre enfant ? D’une écriture intense et fulgurante, Delphine Saada décrit l’effondrement d’une femme contrainte à revenir sur son passé, signant un roman qui trouble et bouleverse.

Mercredi, jour des petits, je m’adresserai aux enfants mais aussi à leurs parents avec ce nouvel ouvrage sous la direction d’Isabelle Filliozat : Problèmes à l’école. Une collection dirigée par Isabelle Filliozat, avec trois histoires par livre pour comprendre et mieux vivre les problèmes rencontrés à l’école (harcèlement, maitresse irascible…). Un outil pédagogique essentiel. A partir de 4 ans.

Jeudi, le livre très attendu de Constance Debré, Nom, aux éditions Flammarion. C’est le troisième livre de Constance Debré, laquelle s’est imposée pour ses phrases coupées au sabre, la puissance de ses propos, les lignes qu’elle fait bouger. Cette fois, l’auteure s’interroge sur l’essence de notre identité : le nom. Un livre qui bouscule les lignes et fait réfléchir.

En attendant de vous les faire découvrir, je vous souhaite un excellent dimanche !

Eric Genetet : On pourrait croire que ce sont des larmes

On pourrait croire que ce sont des larmes

Un roman très touchant sur un homme hanté par son passé, étouffé par les secrets de famille, auquel la découverte de la vérité va apporter l’élan nécessaire à son envol. A sa renaissance.

Dépasser son passé

Quand Julien reçoit un appel lui annonçant la disparition de sa mère, il sait qu’il n’a pas d’autre choix que de quitter immédiatement Paris pour se rendre sur place, à Argelès, afin de la rechercher. Argelès, ce coin des Pyrénées-Orientales où sa mère, alors âgée de 77 ans, a décidé de venir s’établir quelques mois auparavant. Mais surtout, Argelès, une ville dans laquelle il n’avait plus remis les pieds depuis trente ans, tant elle évoque des souvenirs douloureux, ceux de vacances joyeuses enfant jusqu’à ses douze ans, celle de jours heureux auprès d’un père tant aimé avant le séisme de son départ. De son abandon.

Repartir dans le sud de la France, c’est donc se confronter à ce passé qu’il ne parvient pas à dépasser. C’est se faire du souci pour cette mère peu démonstrative à son endroit, pour laquelle il s’est déjà tant voire trop soucié enfant.

Et quand il arrive à destination, quelles ne sont pas sa surprise et sa colère de découvrir que sa mère est tout bonnement chez elle! Ce stratagème visait seulement à faire venir son fils. Car elle veut lui parler. Plus exactement, elle veut qu’il lise le livre qu’elle a écrit et dans lequel elle a couché des révélations trop difficiles à verbaliser. L’occasion de faire la paix entre la mère et le fils, mais aussi et surtout avec eux-mêmes et avec leur passé ?

Renaitre et avancer

Eric Genetet nous revient avec un sixième roman, aux éditions Héloïse d’Ormesson : On pourrait croire que ce sont des larmes. On retrouve dès les premières pages cette sensibilité d’écriture si belle, cette exploration si fine et si juste des sentiments. Comment avancer quand on est menotté à son passé, quand les secrets de famille ne vous livrent aucune clé pour vous libérer ? Comment croire en l’amour quand le passé vous a montré que s’attacher est s’exposer au risque de souffrir, au risque d’être abandonné ? Alors Julien fait comme la chanson de Gainsbourg, il fuit le bonheur de peur qu’il ne se sauve quand les sentiments deviennent forts et l’attachement proche. Mais faut-il se résigner à ce que l’avenir ne soit qu’une inlassable répétition du passé ? Peut-on se libérer de ses pensées et croyances limitantes et avancer enfin, confiant en soi et en la vie ? Ce roman accompagne le personnage sur ce beau et émouvant chemin de la renaissance.

Autres livres d’Eric Genetet

Retrouvez ici les chroniques des livres que j’ai consacrées aux précédents romans d’Eric Genetet. Pour chaque livre, il vous suffit de cliquer sur le titre :

Informations pratiques

Eric Genetet, On pourrait croire que ce sont des larmes- Editions Héloïse d’Ormesson, janvier 20226 16€- 160 pages

Livre jeunesse : Sia, l’enfant du Kilimandjaro

Sia l'enfant du Kilimandajaro
n

Une invitation à voyager en Afrique, au pied du Kilimandjaro, aux côtés d’une attachante et courageuse fillette, bien déterminée à escalader seule le sommet de la plus haute montagne africaine. Un ouvrage aux aquarelles d’une beauté époustouflante.

Une enfant au sommet du Kilimandjaro

Sia est une fillette intrépide. Quand elle montre à ses petites camarades le point scintillant au sommet du Kilimandjaro, ces dernières ne voient rien et sont convaincues que Sia est victime d’hallucinations. Qu’à cela ne tienne, Sia décide d’escalader les 6000 mètres qui la séparent du sommet de la montagne, pour aller voir de plus près en quoi consiste ce point extraordinairement brillant.

Mais si, de loin, la montagne paraissait petite, plus Sia s’approche d’elle, plus son sommet lui parait haut. Et puis, il lui faut affronter les animaux de la savane, la fatigue, la faim, les cailloux et la neige sous ses pieds nus. Pas de quoi décourager notre héroïne cependant.

Armée de son seul courage, parviendra-t-elle au sommet? Qu’y trouvera-t-elle?

Un livre pour enfant plein de douceur et de poésie

Sia, l’enfant du Kilimandjaro, est un livre jeunesse paru aux éditions du Mont Blanc. Un SUPERBE livre pour les enfants de 3 à 8 ans. Le texte de Bernard Germain est une ode au courage, une invitation à se dépasser. Une invitation au voyage aussi, dans les somptueux paysages d’Afrique. En suivant les aventures de la touchante petite Sia, l’enfant découvre d’autres modes de vie, d’autres peuples.

Les aquarelles d’Anne Valla épousent parfaitement le texte, sa douceur, son humanité. Ses illustrations rivalisent de beauté de page en page, véritables tableaux dans lesquels le regard aime se perdre.

C’est une histoire touchante, d’une grande sensibilité, d’une extrême douceur, dont on n’oublie pas la petite héroïne la couverture refermée.

Un GROS coup de cœur !

Informations pratiques

Sia, l’enfant du Kilimandjaro, Bernard Germain (texte) et Anne Valla (illustrations)- éditions du Mont Blanc – 33 pages – 12,50€

Amélie Cordonnier : Pas ce soir

Pas ce soir
Copyright photo Karine Fléjo

Que se passe t-il dans la tête d’un homme qui n’est plus désiré par son épouse? Peut-on prévenir l’obsolescence de l’amour et du désir dans un couple? Un roman brillant, percutant.

L’obsolescence programmée de l’amour conjugal

Il l’avait croisée dans le métro parisien 20 ans plus tôt et n’avait eu qu’une obsession : la retrouver. Il avait alors passé une annonce dans Libération et, par chance , elle l’avait lue. Ils ne se sont dès lors plus quittés, ont eu deux filles qui, devenues grandes, viennent de quitter le domicile familial. Ils se retrouvent désormais tous les deux.

Mais la réalité est tout autre : ils se perdent tous les deux. Du moins lui la perd. Il le sent. Il le voit. Et quand Isabelle lui annonce qu’elle va désormais dormir dans la chambre de leur fille cadette, tout en lui adressant un sourire et un jovial « bonne nuit », il a le sentiment d’une deuxième condamnation à mort. Celle de leur couple. Après celle du désir d’isabelle pour lui.

Est-ce qu’en amour il existe une obsolescence programmée?

Entre eux, tout s’est délité de façon presque imperceptible. L’étiolement de leurs échanges, tandis qu’Isabelle préfère à présent se plonger dans un roman ou scroller son écran de téléphone, plutôt que de lui parler. L’espacement puis l’arrêt de leurs rapports intimes depuis plusieurs mois, alors que lui est rongé par la frustration, obsédé par ce corps qu’il n’a plus le droit même d’effleurer.

Une asymétrie dans les sentiments, dans le désir, qui est devenue cruelle pour lui. Le tue à petit feu. Ne plus exister dans le regard de celle qu’il aime lui donne le sentiment de ne plus exister tout court. Alors il décide de tenter le tout pour le tout, de reconquérir sa femme. Utopie ou touchante initiative? La distance imposée par Isabelle est-elle de sa faute à lui, ou la conjonction de plusieurs facteurs? L’amour et le désir peuvent-ils survivre à l’épreuve du temps?

La tyrannie du désir dans le couple

Je vous avais parlé avec admiration des deux précédents romans d’Amélie Cordonnier, Un loup quelque part (chronique ICI) et Trancher (chronique LA). Il me tardait donc de découvrir un nouvel opus signé de sa brillante plume. C’est le cas en cette rentrée littéraire 2022Amélie Cordonnier nous revient avec Pas ce soir, aux éditions Flammarion. Après la violence conjugale, l’instinct maternel, la romancière aborde avec brio la question du désir dans le couple et plus précisément la souffrance térébrante qui résulte pour l’un de la perte du désir de l’autre. Car la violence n’est pas que physique, elle peut être morale : quand l’Autre dit vous aimer, demeure sous votre toit, mais ne vous adresse quasiment plus la parole, refuse que vous le touchiez, n’éprouve plus le moindre désir pour vous, fait chambre à part, cette transparence soudaine, ce rejet sont cruels.

Dans un style très direct, incisif, Amélie Cordonnier se glisse dans la tête d’un quinquagénaire blessé dans sa chair et dans son âme, prêt à tout pour celle qu’il continue à considérer comme la femme de sa vie. L’analyse psychologique est d’une finesse chirurgicale, le vocabulaire très cash, la puissance évocatrice redoutable.

Un roman percutant et une auteure décidément à suivre !

Informations pratiques

Amélie Cordonnier, Pas ce soir -éditions Flammarion, janvier 2022 – 250 pages – 19€

Les 3 prochains livres sur le blog!

La semaine prochaine je vous donne trois rendez-vous pour découvrir la rentrée littéraire 2022.

On commencera la semaine avec le nouveau roman d’Amélie Cordonnier, Pas ce soir, aux éditions Flammarion. Que se passe t-il dans la tête d’un homme qui n’est plus désiré par son épouse? Peut-on prévenir l’obsolescence de l’amour et du désir dans un couple? Un roman brillant, percutant. Une auteure à suivre décidément!

Mercredi, jour des enfants. Ce sera donc au tour de la littérature jeunesse avec un superbe livre : Sia, l’enfant du Kilimandjaro, aux éditions du Mont Blanc, de Bernard Germain (texte) et Anne Valla (illustrations). Une invitation à voyager en Afrique, au pied du Kilimandjaro, aux côtés d’une attachante et courageuse fillette, bien déterminée à escalader seule le sommet de la plus haute montagne africaine. Un ouvrage aux aquarelles d’une beauté époustouflante.

Jeudi, nous retrouverons un auteur que je suis depuis le premier roman avec bonheur, Eric Genetet . Il nous revient avec un titre empli de poésie : On pourrait croire que ce sont des larmes, aux éditions Héloïse d’Ormesson. Un roman très touchant sur un homme hanté par son passé, étouffé par les secrets de famille, auquel la découverte de la vérité va apporter l’élan nécessaire à son envol. A sa renaissance.

En attendant de vous retrouver autour de ces livres, je vous souhaite un excellent dimanche !