Interview de Pierre Lemaitre pour Le silence et la colère

« Je pense que la seule originalité, la seule qualité pour un romancier, c’est d’être capable de se mettre à une autre place que la sienne. »

Après Le grand monde, premier tome de sa tétralogie consacrée à la période des Trente Glorieuses, Pierre Lemaitre poursuit la fascinante saga de la famille Pelletier avec Le silence et la colère. Un roman social aussi captivant que brillant. Rencontre avec l’auteur, un homme aussi passionné et passionnant que ses écrits.

  • Dans Le silence et la colère, il est beaucoup question de la liberté des femmes

Quand on est un homme aujourd’hui, interroger la liberté des femmes, dont le point nodal est toujours la liberté du corps donc celle de l’avortement est important. Cette liberté-là est un marqueur définitif et intangible de la liberté des femmes. Dans tous les pays où la domination masculine revient au pouvoir, c’est sur ce sujet-là en premier et sur celui de l’éducation ensuite, que les femmes paient le prix de la domination masculine. Ma surprise a été énorme de voir qu’en 1952, date à laquelle se déroule ce roman, la question de l’avortement se posait en ces termes. Très naïvement, je suis né en 1951, et je pensais que l’avortement ce sont les 30 glorieuses et que les années d’avant étaient un peu moyenâgeuses. Mais pas du tout ! Dans les années 60 on poursuit plus de femmes que dans les années 30 ! En 1946 à la libération, le régime contre l’avortement est plus violent que pendant la période de Vichy du temps du Marechal Pétain. La réponse est simple : pendant la guerre on a besoin des femmes au travail dans les pendant que les hommes se battent. Mais dès que la guerre se termine, il faut que les femmes rentrent à la maison, donc il faut les transformer en mères, avec toute l’aliénation que cela suppose. C’est la reprise en mains par les hommes du destin des femmes. On le voit dans les publicités des années 50, avec cette érotisation des femmes, qui ont une poitrine volumineuse, une poitrine de mère. On peut lire comme un symptôme de la domination masculine, le fait que les hommes vont se lancer dans une répression très sauvage de l’avortement. Cela a été une surprise pour moi.

  • Vous analysez avec beaucoup de finesse la psychologie féminine, notamment lorsque vous vous glissez dans la peau d’Hélène. Comment faîtes-vous pour le traiter ?

Je pense que la seule originalité, la seule qualité pour un romancier, c’est d’être capable de se mettre à une autre place que la sienne. La littérature est une affaire de point de vue. Toutes les histoires ont déjà été racontées, la seule originalité d’un livre c’est « comment il va nous raconter autrement une histoire qu’on connait déjà ». Donc la question du point de vue suppose d’endosser le point de vue d’un personnage que nous ne sommes pas. Dans Trois jours et une vie, je me mets à la place d’une enfant de 12 ans. Dans Cadre noir, je me mets à la place d’un sénior au chômage. Un romancier doit être capable de parler des choses qu’il n’a pas vécues.

  • Certes mais comment ressentir la question du désir d’enfant ? De la blessure chez une femme ?

J’ai fait lire le manuscrit à des femmes et j’ai écouté leurs remarques avec beaucoup de modestie. Globalement, je n’étais pas trop loin du compte, elles se reconnaissaient dans ce que je disais. Mais elles m’ont apporté des éléments sur ce qu’Hélène disait trop ou trop peu, sur le lieu où placer le curseur. Je leur dois beaucoup à ces lectrices, c’est pourquoi je les remercie en fin d’ouvrage.

Retrouvez l’article consacré au roman Le silence et la colère, en cliquant sur ce lien : Le silence et la colère

Karine Fléjo et Pierre Lemaitre

Hommage à Jean Teulé (1953-2022)

Jean Teulé

Jean Teulé nous a quittés brutalement cette semaine. En hommage à cet auteur de talent et cet homme si chaleureux, retrouvez l’interview réalisée en 2019.

Entrez dans la danse sort aux éditions Pocket en ce mois de février 2019. Je voulais savoir, quand les lecteurs viennent à vous avec des livres plus anciens, des livres parus en poche depuis, comment vous regardez vos livres plus anciens, quels souvenirs ils ont en vous ?

C’est assez étrange et en plus j’ai une particularité que je n’aime pas beaucoup, c’est que les livres les plus anciens, ceux qui n’ont pas marché, eh bien je ne les aime pas.

Heureusement que ce ne sont pas des enfants !

(Rires). C’est exactement ce que je me dis, comme si j’avais eu une flopée d’enfants et que je n’aimais pas ceux qui n’ont pas réussi. C’est un peu comme s’ils n’avaient pas fait leur travail. Sinon c’est très agréable de rencontrer des gens, car quand comme moi on écrit des journées entières, on peut passer des jours, des semaines entières sans voir personne, sans parler à personne. Rencontrer des gens, pouvoir mettre des visages sur ceux qui vous lisent, c’est vraiment plaisant et c’est une chance.

Il y a aussi une particularité chez vous, c’est que le titre et la couverture du roman comptent énormément dans l’écriture. Ce sont même eux qui président à l’écriture.

Oui, en effet je ne peux pas écrire un roman si je n’ai pas le titre et si je n’ai pas la couverture. C’est le graphiste du Louvre qui fait les couvertures et quand la couverture est faite, je l’imprime et la mets devant mon bureau. Puis, j’écris avec la couverture du livre sous les yeux.

La période d’écriture est une période particulièrement solitaire. Vous écrivez je crois dans un bureau relativement sobre et dépouillé.

Oui c’est drôle car c’est un bureau très cheap, que j’avais fait quand les premiers livres ne marchaient pas beaucoup et donc j’avais acheté une sorte de commode avec des étagères d’occasion. Et de livre en livre, maintenant que ça marche vraiment bien, je me dis mais vraiment, tu pourrais balancer ce mobilier un peu pourri pour en acheter du neuf et plus classe. Mais je ne le fais pas parce que je me dis que ça va me donner la poisse.

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Quel rapport entretenez-vous avec vos personnages, réels ou fictifs ?

J’ai besoin d’aimer mes personnages pour pouvoir écrire sur eux. Par exemple j’ai fait un roman à propos de Rimbaud, à propos de Verlaine, à propos de Villon, et souvent les gens m’ont dit : « Mais pourquoi pas sur Baudelaire ? » Parce que je ne peux pas saquer le mec, il a toujours vécu aux dépens de tout le monde, il a dit tellement de conneries sur les femmes, qu’il me gonfle. Et je ne peux donc pas écrire un livre sur quelqu’un qui me gonfle.

Quand il ne s’agit pas de personnages historiques mais de personnages fictifs, est-ce plus compliqué de les inventer ?

Depuis Le magasin des suicides, je n’avais pas fait de fiction et le prochain roman à paraître en mars sera lui aussi une pure fiction. Je me disais que comme dans Le magasin des suicides le héros est un petit garçon qui s’appelait Alan, j’aimerais bien trouver un personnage qui soit une petite fille du même âge qu’Alan, mais il me fallait trouver une particularité pour cette petite fille. Sur le coup, je n’ai pas eu d’idée et j’ai laissé le temps passer. Puis un jour, alors que j’étais en dédicace en province et que je devais prendre mon train de retour à 18h30, le libraire m’a demandé si je pouvais rester un peu plus longtemps car il y avait encore plein de gens qui attendaient dans la librairie.  J’ai donc pris le train suivant de 20 heures. Une fois dans le train, assez vite je suis contrôlé. Je tends mon billet, on me le rend et le contrôleur poursuit ses vérifications des billets. Et tout à coup je pense au voyage que je devais faire le lendemain et je rappelle le contrôleur pour lui demander des renseignements. Il revient vers moi, je lui demande les renseignements, et avant de me répondre, il me regarde et me redemande mon billet. Je ne comprends pas car il l’avait déjà vérifié et là il constate que je n’ai pas pris le train de 18h30 mais de 20 heures et décide de me mettre une amende. J’ai donc été obligé de payer. Et là je ne sais pas ce qui m’a pris, mais au moment où le contrôleur allait repartir je lui ai dit : « Monsieur regardez-moi bien, écoutez bien ce que je vais vous dire : je vous souhaite un grand malheur très vite et si jamais il se produit, alors au moment où cela se réalise rappelez-vous de moi. » J’ai senti que ça l’avait touché le mec ! Et là je me suis dit : « Mais c’est ça la petite que je cherche, cette petite de 12 ans qui aurait le pouvoir quand elle souhaiterait du mal à quelqu’un que cela se réalise! Il faudra faire attention à elle et tout de suite je me suis dit gare à elle. Gare à elle comme on dit gare au loup et donc elle s’appellera Lou et le titre du roman sera Gare à Lou. » . Et voilà, c’est comme ça que naissent les idées de mes romans. Plusieurs de mes romans sont comme ça nés dans des trains.

Rencontre avec Akli Tadjer

Cette semaine, Akli Tadjer fait l’objet d’une double actualité : la parution de son roman « D’amour et de guerre », aux éditions Pocket. Et sa suite « D’audace et de liberté », aux éditions Les escales. Rencontre avec un homme aussi chaleureux que talentueux.

Des personnages qui sont parties prenantes de l’Histoire

Akli Tadjer : Ce qui m intéresse, c’est de raconter l’histoire des gens que l’on croise dans la rue et qui s’inscrit dans la grande  machine de l’Histoire. . Soit ils font avec, sont passifs, soit ils se transcendent et décident d’être acteurs de l’Histoire. L’intérêt du romancier, c’est de rendre tous ses personnages acteurs de l’Histoire, qu’ils soient bons ou mauvais, mais qu’ils soient investis.

Votre ambition à travers D’amour et de guerre

Mon ambition, c’ est de raconter la période de la guerre 39-45, mais du point de vue d’un soldat colonial. Il y a beaucoup d’ouvrages, de romans sur la seconde guerre mondiale, mais ils sont peu nombreux à adopter cet angle de vue. Le regard est ici différent : ces soldats vont défendre une liberté qui n’est pas la leur et qu’ils n’ont pas davantage chez eux comme ils sont colonisés. En plus, ils combattent, avec des moyens qui ne sont pas ceux des soldats français (vieilles armes, équipements hors d’âge…).

Ces deux guerres mondiales ont eu un impact important et particulier sur les soldats coloniaux, comme le montre ce roman D’amour et de guerre

Au sortir de seconde guerre mondiale, le monde n’était plus pareil. A la fois car la géographie avait changé, mais aussi et surtout, parce que le regard de ceux qui ont combattu avait changé. Les soldats coloniaux sont revenus avec un autre état d’esprit.

…, avec l’idée qu’ils pouvaient prendre leur destin en main, combattre pour défendre leur propre cause aussi.  

Oui, en l’espace de quelques mois, quelques années, ils ont pris 20 ans, ils ont vécu 50 vies.

De guerre, certes, mais d’amour aussi

Oui, il est aussi question d une histoire d amour

..un peu impossible

Oui,  car ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, c’est d’un intérêt limité (rires).

Vos personnages féminins sont libres et modernes

Oui, surtout dans le tome deux D’audace et de liberté (éditions les escales, mai 2022). Ce sont les audacieuses du roman. .

Dans le tome deux de votre trilogie, les personnages deviennent acteurs de l’Histoire, alors que dans le premier tome, ils subissent cette dernière

Oui, Adam cesse de subir dès la fin du premier tome, quand il s’évade du Frontstalag . Il croyait jusque là que la colonisation c’était l’enfer, mais il découvre que ce n’était rien à côté de ce qu’il endure en tant que prisonnier des nazis. Et il va continuer et devenir encore plus acteur dans le tome deux.

La voie d’Adam semblait en effet toute tracée, avec sa maison construite, Zina qu’il allait épouser. Et la guerre l’a dévié de sa trajectoire.

Oui, Adam subit la guerre au départ. Mais vient un moment où il refuse ce destin et décide de s’évader du camp. Adam n’est pas un personnage qui suscite la pitié, il n’y a pas de misérabilisme. C’est un homme qui agit.

Si vous souhaitez vibrer, vous immerger dans l’Histoire avec un regard neuf, être l’otage d’une lecture en apnée, être transporté, bouleversé, alors plongez sans plus attendre dans ces deux livres : D’amour et de guerre (éditions Pocket, mai 2022) et sa suite D’audace et de liberté. Deux romans d’une vibrante humanité et d’une sensibilité à fleur de plume.

Thomas Gunzig : « J’avais envie d’un livre qui réconcilie les gens avec les nuances »

L’année 2022 commence très bien, puisqu’elle nous offre le nouveau roman de Thomas Gunzig, paru aux éditions du Diable Vauvert : Le sang des bêtes. Rencontre avec l’auteur.

Dans votre roman il y a un personnage inclassable : une femme vache

Il y a des étiquettes pour tout. Les hétéros sont comme ça. Les couples homos sont comme ci. Les parents sont comme cela. Etc. On met tout le monde dans des cases. Alors j’ai eu envie de rajouter un degré en plus : que fait-on avec quelqu’un qui est humain mais qui n’est pas humain ? Et j’ai pensé à la femme vache. Je vais vous dire exactement la petite réflexion qui était à la base de cela :  je me suis dit que tout ça venait probablement du fait des réseaux sociaux, qui fonctionnent avec des algorithmes. Ils aiment bien savoir exactement ce que tu aimes pour pouvoir te proposer des publicités ciblées. Et donc on a tendance à fonctionner exactement comme les algorithmes veulent qu’on fonctionne, c’est-à-dire de manière numérique. Or l’être humain est analogique, il est insaisissable, il évolue en permanence. Il n’est pas figé dans une catégorie ou une façon de faire ou d’être. J’avais donc envie d’un livre qui réconcilie les gens avec les nuances. Car on n’est que de la nuance.

Quel a été le point de départ du roman ?

J’avais envie de raconter quelque chose sur le body-building, sur la façon de transformer son corps. Quand j’étais petit garçon, je me trouvais très petit est très maigre et j’avais beaucoup de complexes. Et je me disais : « je vais changer ça avec le sport ». 

J’avais aussi envie d’aborder l’idée du corps des juifs. Historiquement il y a toujours une représentation caricaturale du juif comme étant petit, faible, malingre. C’est quelque chose que j’ai ressenti fortement.

Enfin, je voulais aussi écrire sur un roman sur un couple qui vieillit. Pour un couple qui s’aime profondément, qui est vraiment amoureux, que devient le désir au bout de 20 ans ou 30 ans ? Quand on se marie avant 25 ans on ne pense pas à cela. Tu habites avec cette personne, tu fais des enfants avec cette personne, tu la connais par cœur. Elle devient quelqu’un de ta famille. Comme ta mère ou ta sœur. Et tu n’as pas envie de coucher avec ta sœur ou ta mère. Or l’injonction de la société, c’est qu’un couple qui va bien qui s’aime, alors il a toujours autant de désir après 20 ans de vie commune et souhaite toujours autant faire l’amour. Sinon c’est le signe qu’il ne va pas bien. Je voulais aborder cela.

J’avais donc envie de faire un roman avec tous ces personnages, c’est-à-dire des personnages qui sont comme tout le monde : des personnages qui n’entrent pas dans les cases.

Vous avez un humour absolument jubilatoire

Je trouve que la vie est déjà super dure, donc je préfère raconter des histoires sans être dur avec le lecteur. C’est d’ailleurs un point qui a changé chez moi. A mes débuts en écriture, j’étais plus trash, mais j’ai changé en vieillissant, en ayant eu des enfants. J’ai davantage envie de choses chaleureuses, avec de la tendresse, même si on reste parfois dans des thématiques un peu sombres. Je ne veux pas que mes livres soient des épreuves pour les lecteurs. La seule chose dont les gens se souviennent plusieurs années après avoir lu ton livre, ce n’est pas le scenario ni le nom des personnages, mais les émotions qui les ont traversées. Donc j’essaye de donner des émotions à mes lecteurs, de les faire rire, de les faire pleurer.

Nina WÄHÄ : L’adolescence est un âge où à la fois tout est possible et rien n’est possible.

Nina Waha

Nina WÄHÄ, jeune auteure suédoise, nous parle de son roman paru en septembre aux éditions Robert Laffont « Au nom des miens », roman figurant dans la première sélection du Prix Fémina étranger 2021. Un roman polyphonique enivrant, déroutant, porté par une voix au ton à la fois féroce et résolument drôle. Rencontre avec la romancière.

Avec Au nom des miens, vous bousculez le genre de la saga familiale

J’adore le théâtre, j’adore Brecht, les voix des conteurs et c’est pourquoi j’aime mélanger les genres.

Vous abordez avec brio les relations familiales, la façon dont chacun perçoit et interprète les évènements, autrement dit il n’y a pas LE souvenir d’un évènement mais des souvenirs de l’évènement

J’ai vécu dans une grande famille avec 6 sœurs de mariages différents. Le souvenir des évènements, même si chacun a vécu le même évènement, est en effet propre à chacun. Chacun l’a vécu à sa façon et le relate à sa façon, différente de celle des autres membres de la famille.

Quand est sorti votre livre en Suède ? Et quels furent les retours ?

Il est sorti en Suède en 2019. Il a très bien marché avec près de 200 000 exemplaires vendus, score qu’atteignent généralement uniquement les polars en Suède. C’est mon troisième roman et si les précédents avaient été salués par la critique, ils n’avaient pas eu beaucoup de succès auprès du public. Avec celui-là, ce fut différent. Et c’est aussi le premier à être traduit en 15 langues dont le français.

Ce roman a d’abord été un recueil de nouvelles ?

Oui, quand j’ai commencé à écrire mon troisième livre, j’avais accumulé pas mal de prises de notes mais cela faisait longtemps, près de dix ans, que je n’avais pas écrit. J’avais donc peur de m’y remettre. Et j’ai pensé que le format de la nouvelle me conviendrait mieux. Je n’imaginais pas écrire un roman aussi long.

Comment procédez-vous pour l’écriture : vous avez l’architecture du roman déjà en tête où vous découvrez au jour le jour où l’écriture vous mène ?

Non, j’ai plein de notes en effet, pas au point d’ouvrir un musée comme la romancière autrichienne Friederike Mayröcker avec les siennes, mais quand je commence un roman, je n’ai pas la structure en tête. J’aimerais l’avoir mais ce n’est pas le cas. J’espère à chaque fois que le résultat final sera correctement structuré. C’est l’univers du roman qui me porte, me guide.

Quels sont vos personnages préférés dans ce livre ?

J’ai une préférence pour les deux adolescents, car l’adolescence est un âge où à la fois tout est possible et rien n’est possible.

Avez-vous un autre roman en cours d’écriture ?

Oui, je termine actuellement mon quatrième roman. Il sortira en Suède au mois de mars.

AU NOM DES MIENS, PRÉSENTATION DU ROMAN

Un roman vibrant et emprunt d’humour noir, à l’écriture incisve.

 » Voici l’histoire de la famille Toimi et de quelques événements qui influèrent de manière significative sur la vie de ses membres. Quand je dis la famille Toimi, je pense à la mère et au père, Siri et Pentti, et je pense à tous leurs enfants, ceux qui vivaient au moment des événements et ceux qui ne vivaient plus. « Toimi’ est un drôle de nom pour une famille. En suédois, le mot signifie « fonctionnel’. Ce serait un drôle de nom pour plus d’une famille. Mais surtout pour celle-ci. Nous passerons le plus clair de notre temps dans la cambrousse. En Tornédalie finlandaise, plus précisément. En réalité, il suffit de savoir cela. Et que les Toimi sont des paysans, que nous sommes au début des années 1980, que Noël approche et que la famille compte beaucoup d’enfants, un peu trop à mon goût. « 

Géraldine Dalban-Moreynas : « Méfiez-vous du sentiment de ne pas être malheureux »

Après l’énorme succès de son premier roman « On ne meurt pas d’amour (chronique ICI), c’est aux éditions Albin Michel que Géraldine Dalban-Moreynas publie son deuxième livre en ce mois d’octobre : « Elle voulait juste être heureuse ». Rencontre avec la chaleureuse romancière dans le superbe cadre de l’Alcazar à Paris.

Comment est venue l’idée de ce deuxième livre « Elle voulait juste être heureuse » ?

Petit à petit, j’ai commencé à avoir beaucoup de monde à me suivre sur Instagram (compte Insta : Geraldinefromlabutte) et revenait souvent la remarque : « Vous, c’est facile, vous avez claqué des doigts, vous avez acheté un Riad à Marrakech, vous vous êtes mise à vendre des tapis et ça cartonne ». Je me suis dit que j’allais écrire pour démonter un peu ce mythe de petite fille née avec une cuillère en argent dans la bouche, pour laquelle tout a été facile, car ce n’est pas vrai. Et j’avais aussi beaucoup envie de répondre à ces gens qui m’écrivaient et qui me disaient ne pas oser quitter une situation qui ne leur convenait pas.

La notion de bonheur

J’avais envie de dire à travers ce livre : si à un moment donné, vous sentez que vous n’êtes pas à votre place, n’y restez pas. Méfiez-vous du sentiment de ne pas être malheureux. Si on demande aux gens : ça va ? Ils répondent que ça va, c’est une forme d’encéphalogramme plat. Mais si vous leur demandez s’ils sont heureux, ils ne sont pas capables de répondre, car s’ils s’interrogent vraiment, ils réalisent qu’ils ne le sont pas vraiment. Donc prenez le risque, même si c’est compliqué, raide parfois, pour atteindre cette place où vous pourrez vous dire « là je suis heureux ».

C’est aussi une histoire d’amour

J’avais aussi envie de raconter cette société où il est très difficile d’aimer, surtout passé 40 ans, car avant on est encore un peu naïf. Il y a une violence de la société amoureuse actuelle due aux applis de rencontres, aux réseaux sociaux, à cette société où on peut tout faire en cliquant sur son téléphone. Les sites de rencontre ont apporté une urgence tant dans la rencontre, dans le développement des sentiments que dans la rupture. Tout va hyper vite. On se rencontre beaucoup plus vite qu’avant, on se dit « je t’aime » au bout de 3 jours et on se désaime aussi rapidement.

Un livre qui peut accompagner les gens

Je vois dans les retours, que ce livre peut accompagner les gens, leur donner l’impulsion s’ils ont envie de changer mais n’osent pas sauter le pas en raison de la pression de leur entourage, de peurs diverses.

Rencontre avec Julien Delmaire

« Le roman est plus comme un trip alors que la poésie est plus comme un shoot »

delta blues

En cette rentrée littéraire des éditions Grasset, Julien Delmaire publie un roman fascinant Delta Blues. Un véritable voyage dans le Mississipi des années 30. Rencontre avec l’auteur.

Avant le roman, il y a eu la poésie

J’ai commencé par la poésie. J’ai publié 6 recueils de poésie avant de publier mon premier roman. J’ai commencé avec le slam en 2001. J’étais tellement féru de poésie, de cette alchimie verbale entre les mots, que je ne ressentais pas vraiment le besoin de m’aventurer vers le roman.

Quel est le déclic qui vous a fait faire le grand saut de la poésie au roman ?

Je m’étais lancé dans un poème en prose plus long que d’habitude. Et arrivé à 15 ou 20 pages, je me suis dit que je tenais peut-être là le début de quelque chose. J’ai continué à écrire, ai éprouvé le besoin de faire naitre d’autres personnages. Et j’ai découvert le plaisir de la longue durée, de pouvoir créer d’autres temporalités. Le roman est plus comme un trip alors que la poésie est plus comme un shoot. Aujourd’hui, je passe ma poésie en contrebande dans le roman. Aujourd’hui le roman est le lieu qui accueille tout ce que j’ai envie d’expérimenter.

Parlez-nous de Delta Blues, votre quatrième roman

Je l’ai en tête depuis une dizaine d’années. J’ai mis 2 ans ½ à l’écrire. C’est un peu la quintessence de tout ce qui était en germe dans mes précédents livres :  la musique, les paysages et des visages qui se rencontrent pour créer un rêve éveillé où l’on chemine, pris par la main par le blues.

Faites-nous le pitch du roman

On est en 1932 dans le delta du Mississipi, où il y a une sécheresse terrible. C’est en quelque sorte « un polar climatique », c’est-à-dire que la sécheresse est omniprésente dès les premières pages et on sent qu’un drame se prépare. Le roman s’ouvre comme un roman d’amour, avec deux amants noirs, Betty et Steve. Cet amour-là est tout ce qu’il leur reste pour résister à un contexte économique et politique extrêmement oppressant. Le delta du Mississipi à cette époque est d’ailleurs surnommé par les noirs « l’enfer sur terre ».

Il y a une forte dimension mystique dans le roman

Il y a beaucoup de références au vaudou qui était extrêmement vivace dans le Mississipi de l’époque. C’est à la fois une religion (rites, invocations, sortilèges) et une médecine alternative basée sur la connaissance des plantes.  Les noirs n’avaient en effet pas accès à la médecine officielle. Saphira dans le roman est une sorcière vaudou, qui interpelle les divinités et influe sur le destin des personnages.

Quel a été l’élément déclencheur de ce roman ?

C’est la légende de Robert Johnson, un des plus fameux bluesmen des années 30. Il est réputé car il aurait fait un pacte avec le dieu Vaudou, Legba. Legba lui aurait pris sa guitare et l’aurait accordée de telle sorte qu’ensuite, Robert Johnson est devenu un prodige de la guitare. Il est présent dans ce roman et le traverse sous le nom de Bobby.

Je vous donne rendez-vous très bientôt pour partager avec vous mes impressions de lecture enthousiastes sur ce roman!

Rencontre avec Grégoire Delacourt

« J’ai voulu écrire un roman sur la souffrance des gens »

Delacourt Grasset
©Karine Fléjo photographie

Ce mercredi 23 septembre, les éditions grasset organisaient un merveilleux petit déjeuner avec Grégoire Delacourt, dans le joli cadre des Deux Magots. Rencontre avec l’auteur du roman Un jour viendra couleur orange (éditions Grasset)

C’est un livre différent en ce sens qu’il est très engagé

Le changement, c’est notamment l’éditeur. Il y a eu plein de changements dans ma vie : je suis parti vivre à l’étranger, j’ai changé d’éditeur. Or on a une relation très intime avec son éditeur.  Une journaliste m’a dit : « Vous avez écrit en exil ». J’ai écrit plus loin et paradoxalement j’étais plus près. Le fait d’être loin a enlevé des pudeurs. Je me suis dit : « Prends des risques, va dans la violence du monde, dans la matière, dans la chair de la colère. »

Ce qui m’a le plus marquée dans ce nouveau roman, c’est la justesse de l’analyse psychologique, et ce, pour chaque personnage

J’ai rencontré chacun de mes personnages. Rencontré au sens de « laissé l’autre m’envahir ». Louise existe, c’est une infirmière en soin palliatifs que j’ai rencontrée par exemple.

Vous abordez la colère des gilets jaunes notamment. Vous êtes en plein dans l’actualité

Oui, mais ce n’est pas un roman sur les gilets jaunes, j’ai voulu écrire un roman sur la souffrance des gens. Je ne traite pas une actualité, je traite une permanence, la souffrance permanente des gens, ce qui me permet d’être dans l’immédiateté de l’époque.

Un jour viendra couleur orange
©Karine Fléjo photographie

Qu’est-ce qui vous a amené à l’écriture ?

J’ai commencé à écrire très tard, à 50 ans, parce que j’ai eu envie de dire à ces gens qu’ils ne sont pas seuls avec leur souffrance, qu’ils existent. Moi, les livres m’ont sauvé. J’ai découvert les livres, j’ai rêvé. Dans chaque livre, il y a une promesse de quelque chose de possible. A mon tour, j’ai envie d’écrire des histoires pour les gens qui souffrent.

Vous écrivez sur la souffrance mais sans verser dans le pathos

J’essaye mais c’est super dur. J’ai enlevé la musique. Je me suis dit : il ne faut pas que j’écrive la phrase de trop, le mot de trop. Les mots, il faut les retenir. J’écris puis ensuite j’enlève, c’est aussi le travail que je fais avec mon éditrice.

Delacourt Grégoire
©Karine Fléjo photographie

Comment travaillez-vous avec votre éditrice ?

J’aime bien écrire mon roman vite et le donner imparfait. Je ne suis pas du genre à passer des heures à regarder chaque phrase avant de l’adresser à l’éditrice. Puis avec l’éditrice on rentre dans la chair du texte, on enlève le gras, on modifie des choses. A partir du moment où on a une immense confiance en l’éditrice, c’est un travail merveilleux. J’adore faire cela.

Comment s’ébauche un roman ?

J’écris dans ma tête et ne commence à écrire sur le papier que quand j’ai terminé d’écrire le roman dans ma tête. Chaque jour, de 7h à 13h, du lundi au dimanche, pendant trois mois, j’écris. Je m’y consacre totalement.

Retrouvez la chronique que j’ai consacrée au roman de Grégoire Delacourt ICI

Rencontre avec Philippe Besson

« Le roman n’est pas le siège de l’intelligence. Il est le siège de l’émotion »

Philippe Besson
©Karine Fléjo photographie

Ce mardi 22 septembre, les éditions Pocket ont organisé une formidable rencontre avec Philippe Besson, dans un très beau cadre, celui de la délicieuse pâtisserie Bontemps. Une rencontre animée par Christophe Mangelle.

« Arrête avec tes mensonges » a reçu le Prix de la maison de la presse en 2017. Que pensez-vous des prix littéraires ?

J’ai tendance à préférer les prix qui sont donnés par les lecteurs ou les libraires, à ceux qui sont décernés par des vieillards cacochymes. Donc j’étais content de recevoir ce prix-là, qui est un prix populaire.

Philippe Besson Pocket
©Karine Fléjo photographie

« Arrête tes mensonges » est le premier livre d’une trilogie (avec « Un certain Paul Darrigrand » et « Diner à Montréal ») dans laquelle vous parlez de vous, avec le « je ». Vous y évoquez notamment votre homosexualité. Pour quelle raison ?

Je n’avais pas de raison d’être dans la dissimulation. Ces livres racontent aussi ce que la dissimulation crée de frustration, de honte, de culpabilité. En même temps, je ne porte pas un drapeau dans mes livres, car je pense que les livres ne sont pas le siège du militantisme quel qu’il soit. Je me méfie profondément des livres qui entendent délivrer un message. Cela fait des livres lourds, démonstratifs, ostentatoires, lestés par l’intelligence des gens parfois. Le roman n’est pas le siège de l’intelligence mais le siège de l’émotion. On écrit des romans pour que les gens ressentent, pour partager quelque chose de l’ordre du sensible, du sentiment. Donc quand y met de la politique, ça devient un truc lourdingue.

Dans « Un certain Paul Darrigrand », vous évoquez comment vous tombez simultanément amoureux et malade

Oui, j’ai eu une maladie du sang, j’avais un taux très faible de plaquettes ce qui présente un risque hémorragique important. Cela crée l’idée que cela peut s’arrêter du jour au lendemain, que tout est très fragile tout d’un coup. Et surtout, on n’est pas préparé à mourir à 22 ans. Donc cette rencontre avec une mort possible est un exercice curieux.

Mangelle et Besson
©Karine Fléjo photographie

Cette trilogie, c’est votre vie et en même temps, à partir du moment où elle st publiée, elle devient celle des lecteurs

Ces livres-là m’ont valu énormément de courriers de lecteurs et ces courriers étaient frappants car souvent ces gens me disaient que c’était leur histoire, qu’il s’agisse de relations hétérosexuelles ou homosexuelles. Quand on est au plus intime, plus on touche l’universel. Ils se sont reconnus dans ces livres.

Pour ceux qui restent, pense t-on à leurs réactions quand on écrit de l’autofiction ?

Non. Il ne faut pas y penser. Après, moi, je ne fais pas de livre « règlement de comptes ». Mais je pense qu’il ne faut pas y penser sinon on est retenu par le procès que le réel veut nous faire. Si un écrivain commence à s’autocensurer c’est fini. Si vous commencez à être un garçon bien élevé qui fait attention à tout, il ne faut pas écrire des livres.

Sébastien L. Chauzu : « La littérature est un excellent moyen pour approcher des personnages qu’on n’aurait pas envie de côtoyer »

Sébastien L. Chauzu

©Karine Fléjo photographie

Sébastien L. Chauzu est professeur dans un lycée du New Brunswick au Canada. « Modifié » est son premier roman, tout beau tout chaud, sorti chez Grasset début mars 2020. Rencontre avec l’auteur.

Comment vous est venue l’idée de ce roman ?

Je ne me suis pas réveillé un jour en me disant : « Ah oui, j’ai envie d’écrire sur un gamin qui est différent ». Ce sont plutôt des fils qui se sont mis en place. Mon personnage, qui s’appelle « Modifié », est un gamin différent des autres. Ce n’est pas un gamin en particulier, mais plusieurs gamins que j’ai pu observer en tant qu’enseignant. Les écoles au Canada sont des écoles inclusives, c’est-à-dire qu’on y accueille tous les élèves, y compris les élèves avec un handicap physique ou mental, les élèves autistes.

Ici la femme, nommée Martha, ne se montre pas très maternelle avec l’enfant, ni chaleureuse avec sa belle-fille

Non, j’ai volontairement choisi une femme qui ne rentre pas dans le cliché de la femme naturellement aimante et attentionnée envers l’enfant. Je trouve qu’il est important de jouer avec les clichés, de ne pas en avoir peur.

Modifié, éditions Grasset

©Karine Fléjo photographie

Quand vous avez commencé à écrire ce roman, est-ce que toute la trame de l’histoire était en place ?

Je suis admiratif des auteurs qui disent « J’ai pensé à tout mon roman, et en un jet, je l’ai écrit ». Je suis admiratif de cette méthode de travail et dans le même temps, je me dis que cette méthode empêche d’avoir des surprises. Or dans ma façon de travailler,  je suis surpris parfois, car je pars de plusieurs fils et découvre au fur et à mesure des tissages, des liens entre ces fils que je n’avais pas envisagés. C’est ce que je trouve intéressant.

Chaque lecteur s’approprie le roman

Pour certains, il s’agit d’un livre sur l’autisme, pour d’autres c’est un livre humoristique et pour d’autres enfin il s’agit d’une enquête policière. L’enquête policière n’est pas ce que j’ai voulu mettre en avant. L’enquête est juste un miroir pour faire comprendre des choses sur Martha, sur ce qu’elle aime, ce qui lui fait peur dans la vie. Quant au personnage de Modifié, au Canada, on peut voir les gamins comme cela évoluer librement. Ils commencent à travailler à partir 14 ans, à conduire à 16 ans. Ils ont plus de liberté, de marge de manœuvre qu’ici en France.

Sébastien L. Chauzu

©Karine Fléjo photographie

C’est un roman plein d’humour, qui flirte avec l’absurde, le burlesque

J’ai fait ma thèse sur L’absurde. Donc l’absurde, l’humour, c’est très important pour moi. C’est vraiment l’objectif que je cherche à atteindre : pas seulement regarder les choses mais avoir un léger décalage qui permet de rire des choses, de rire de soi. J’adore faire cela, je trouve que c’est un exercice délicat extrêmement intéressant.

Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré dans ce côté burlesque ?

John Cheever par exemple, auteur américain qui a écrit des nouvelles dont  « The Swimmer ».  On l’appelait le Tchekhov des banlieues car il a cette capacité à observer le trivial et à prendre de la distance pour décrire ces situations avec une certaine tendresse et une certaine ironie. L’absurde, le rire, permettent de se rapprocher des gens.

Tout comme on se rapproche de vos personnages…

Mes personnages c’est pareil, oui : on n’a pas forcément envie de les connaitre,  de les côtoyer. Un gamin comme Modifié, si on le rencontre demain dans la rue, ce ne sera pas simple de parler avec lui. Un livre, ça permet d’installer un regard, une atmosphère, qui permet de se rapprocher  de personnages comme celui-là. Et la fois d’après, quand on va le rencontrer, on va repenser à toutes ces choses lues et cela va aider à briser la glace, à entrer dans son univers. Tous les personnages que je décris sont comme cela. Des personnages que je n’ai pas forcément envie de rencontrer, ou alors pour lesquels je sais qu’il me faudra beaucoup de temps pour les comprendre et commencer à les apprécier. Il y a des personnes que l’on rencontre de suite, on a les mêmes codes, immédiatement on partage tout. Il y a d’autres personnes avec lesquelles c’est plus difficile, cela demande plus d’effort. Et la littérature, je trouve, est un excellent moyen pour approcher des personnages qu’on n’aurait pas envie de côtoyer.

Martha et Allison sont en fait le même personnage, à deux stades différents de la vie?

Oui, Allison ne veut pas devenir comme Martha et Martha envie la liberté d’Allison de s’assumer telle qu’elle est. Etre capable de grandir, c’est accepter ce que l’on a été. Personnellement je ne me suis jamais senti aussi bien dans ma vie que quand j’ai accepté les échecs que j’ai pu avoir dans ma vie, quand j’ai admis que je ne peux plus revenir en arrière. Et le personnage d’Alison représente exactement ce que Martha n’a pas su être à une étape de sa vie. Et quand Martha se réconcilie avec Alison, elle se réconcilie avec elle-même, avec son passé. Je n’ai pas voulu de conflits de générations entre les personnages, mais un conflit de génération à l’intérieur de soi-même.