Livre pour enfants : Bio-inspirés!, Muriel Zürcher

bio-inspirés ! éditions Nathan

Un livre PASSIONNANT pour enfants ET grands, sur la façon dont l’homme s’inspire de la nature et des animaux pour créer des matériaux, des objets, des techniques plus respectueuses de la planète.

La nature, exemple pour l’homme

Saviez-vous que des architectes se sont inspirés de la façon dont les manchots se regroupent pour inventer une nouvelle façon de construire la ville? Auriez-vous deviné que l’invention du GPS repose sur l’observation du travail des fourmis? Aviez-vous fait le rapprochement entre les ailettes verticales des avions et l’extrémité des ailes des rapaces? Dans chacun de ces cas, et dans tant d’autres encore, l’homme s’est inspiré de la nature, de l’observation des animaux, pour mettre au point des techniques, des matériaux ou des objets, à la fois plus performants mais aussi plus respectueux de notre environnement. Cela porte un nom : le biomimétisme.

Car l’homme fait partie intégrante de la planète et doit donc veiller à ne pas perturber gravement son équilibre, à préserver l’écosystème. Comme les techniques d’observation et d’analyse deviennent de plus en plus performantes, nous pouvons désormais mieux étudier et comprendre les êtres vivants et nous en inspirer, notamment pour trouver des solutions alternatives aux énergies polluantes, .

Inventer de nouvelles manières de vivre

Observer et mieux comprendre la nature, pour en copier le génie, tel est le principe de la bio-inspiration et plus exactement du biomimétisme. Un livre remarquable, tant par la clarté et l’accessibilité des explications, que par la beauté des illustrations. Ce sont ainsi plus de 20 inventions bio-inspirées qui sont expliquées et spectaculairement illustrées. Une mine d’informations pour les enfants et pas seulement : ce livre intéressera aussi les plus grands et servira de base à de riches échanges, à une prise de conscience sur la nécessité de protéger la planète si on veut assurer la survie des espèces dont l’espèce humaine.

Ce livre accompagne l’exposition permanente de la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette (Paris), intitulée « Bio-inspirée, une autre approche ». Exposition du 18 septembre 2020 au 2 janvier 2021.

Informations pratiques

Bio-inspirés! – Le monde du vivant nous donne des idées, Muriel Zürcher (textes) et Sua Balac (illustrations) éditions Nathan , septembre 2020 – 64 pages illustrées – grand format – 16,95€ – A partir de 9 ans.

Glissez Géraldine Dalban-Moreynas dans votre poche!

On ne meurt pas d'amour éditions Pocket
©Karine Fléjo photographie

Un premier roman extrêmement fort, percutant, saisissant, sur une histoire d’amour adultérine particulièrement addictive et destructrice. L’emprise affective servie par la plume incisive de Géraldine Dalban-Moreynas.

Emprise affective et adultère

Cela fait quatre ans que la narratrice vit avec son compagnon. Quand il l’emmène à New-York pour la demander en mariage, elle répond « oui ». Oui à leur emménagement ensemble, oui à leur union, oui au meilleur. Mais c’est le pire qui se profile contre toute attente, quand la narratrice croise son nouveau voisin, un homme nouvellement père. Pour elle comme pour lui, c’est l’électrisation des corps, des sens. L’attirance mêlée de terreur. Tous deux sont en couple. Tous deux doivent suivre des voies parallèles et non communes. Tous deux doivent…  C’est ce qu’ils se répètent comme un mantra. Mais le devoir fléchit peu à peu sous l’attirance irrépressible qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.

« Rien ne peut plus les retenir, même s’ils devinent qu’il n’y a pas d’issue, qu’il y aura de la souffrance, qu’il y aura des larmes. »

Commence alors un terrible et épuisant duel entre désir et raison, sentiments et raisonnement. Jusqu’où cet homme, très attaché à sa fille qu’il perdra en cas de divorce, sera-t-il capable d’aller pour cette jeune femme ? Jusque quels sacrifices, quel degré d’abnégation et de souffrance, sera-t-elle prête à aller pour vivre un amour dont elle pressent que sa rivale sortira victorieuse ? Combien de temps continuera-t-elle à se mentir à elle-même ?

Une lecture addictive

Avec On ne meurt pas d’amour, Géraldine Dalban-Moreynas nous livre un roman d’une puissance évocatrice rare. La tension narrative est telle, que le lecteur devient aussi accro à l’histoire que l’héroïne à son amant. Au fil des pages se dessine une dépendance affective de plus en plus forte. De plus en plus destructrice aussi. Avec beaucoup de justesse et de finesse dans l’analyse, l’auteure démonte les rouages de l’emprise affective, le combat épuisant entre le mental et le cœur, entre la raison et les sentiments. Car la jeune femme a l’intuition, dès le départ, que son amant ne quittera jamais sa femme et sa fille pour elle. Mais cette réalité lui est trop pénible à accepter, l’idée de ne plus vivre cette passion trop douloureuse. Et puis, ses résolutions de mettre un terme à cette relation s’évanouissent à chaque fois qu’elle croise ou entend son amant. A l’image d’une drogue dont le consommateur sait et redoute les effets néfastes sur sa santé, mais ne résiste pas au paradis artificiel d’un nouveau shoot, la jeune femme cède encore et encore à ce paradis illusoire qu’est leur relation. Jusqu’où peut-on aller par amour ? Jusqu’où est-on prêt à mettre en danger son intégrité ? Un roman captivant qui se lit en apnée.

Une écriture coup de poing pour un roman coup de coeur.

Informations pratiques

On ne meurt pas d’amour, Géraldine Dalban-Moreynas – éditions Pocket, septembre 2020- 192 pages – 6,50€-

Le bonheur est un papillon, Marilyse Trécourt

Le bonheur est un papillon

Et si l’on vous donnait la possibilité de tout recommencer, de revenir 20 ans en arrière et de modifier le cours de votre vie?

Changer de vie

Thomas, quadragénaire, est revenu dans la propriété familiale qui a bercé son enfance. C’est alors qu’il se retrouve face à face avec une apparition, celle de sa grand-mère défunte. Cette dernière lui fait une proposition incroyable : revenir 20 ans en arrière, pour recommencer à zéro, réparer ses erreurs, modifier les décisions qu’il regrette. Et, si cette vie lui parait meilleure que l’actuelle, il pourra même choisir de rester dans cette existence revisitée.

Thomas accepte. Cette existence qu’il va pouvoir orienter en se souvenant de ses erreurs, de ses regrets, sera-t-elle forcément plus agréable? Voire parfaite? Qu’est-ce qui, dans son existence actuelle, génère en lui tant de culpabilité et de souffrance? Que cherche-t-il a fuir, à réparer?

Modifier ses choix va avoir des conséquences qu’il ne maitrise pas forcément, sur lui comme sur les autres…

Etre heureux de ce que l’on a

Je vous ai déjà parlé de Marylise Trécourt avec son roman de développement personnel Vise la lune et même au delà (chronique ici), ou encore Pas besoin d’être un super héros pour réaliser mes rêves (chronique là). Dans son nouveau roman, Le bonheur est un papillon, elle pose une question très intéressante, à laquelle répondre se révèle être plus complexe qu’on ne le croit : que feriez-vous si vous aviez la possibilité de recommencer votre vie, de revenir 20 ans en arrière?

On serait tenté de répondre aussitôt : « Génial, je reviens en arrière et modifie toutes les décisions, tous les choix que je regrette »! Et de s’imaginer mener alors une vie parfaite. Mais c’est aller bien vite. En effet, changer une décision va non seulement impacter notre vie mais aussi celle de ceux avec lesquels nous sommes en lien. C’est le fameux « Effet papillon », théorie développée par Edward Lorenz au début des années 70. Ainsi, si une décision différente peut améliorer notre vie à court terme ou du moins la rendre plus conforme à nos attentes, elle peut influencer défavorablement la vie des personnes proches, avoir des conséquences en chaine non désirées, ce qui rend le bilan très mitigé.

Alors, faut-il vivre avec le regret de ne pas pouvoir revenir sur nos erreurs passées, ou faut-il se réjouir de la vie que l’on a, célébrer chaque bonheur, même le plus infime, à notre portée? Un livre passionnant qui pourrait être illustré par cette si juste citation d’Alexandre Jollien : « Trouver la beauté, la joie, là où elles se donnent : dans ce corps, dans cet être, dans cette vie, et non dans une vie idéalisée. C’est dans le quotidien, dans le banal, que la joie réside. »

Informations pratiques

Le bonheur est un papillon, Marilyse Trécourt – éditions Eyrolles, septembre 2020 – 16€ – 300 pages

Rencontre avec Grégoire Delacourt

« J’ai voulu écrire un roman sur la souffrance des gens »

Delacourt Grasset
©Karine Fléjo photographie

Ce mercredi 23 septembre, les éditions grasset organisaient un merveilleux petit déjeuner avec Grégoire Delacourt, dans le joli cadre des Deux Magots. Rencontre avec l’auteur du roman Un jour viendra couleur orange (éditions Grasset)

C’est un livre différent en ce sens qu’il est très engagé

Le changement, c’est notamment l’éditeur. Il y a eu plein de changements dans ma vie : je suis parti vivre à l’étranger, j’ai changé d’éditeur. Or on a une relation très intime avec son éditeur.  Une journaliste m’a dit : « Vous avez écrit en exil ». J’ai écrit plus loin et paradoxalement j’étais plus près. Le fait d’être loin a enlevé des pudeurs. Je me suis dit : « Prends des risques, va dans la violence du monde, dans la matière, dans la chair de la colère. »

Ce qui m’a le plus marquée dans ce nouveau roman, c’est la justesse de l’analyse psychologique, et ce, pour chaque personnage

J’ai rencontré chacun de mes personnages. Rencontré au sens de « laissé l’autre m’envahir ». Louise existe, c’est une infirmière en soin palliatifs que j’ai rencontrée par exemple.

Vous abordez la colère des gilets jaunes notamment. Vous êtes en plein dans l’actualité

Oui, mais ce n’est pas un roman sur les gilets jaunes, j’ai voulu écrire un roman sur la souffrance des gens. Je ne traite pas une actualité, je traite une permanence, la souffrance permanente des gens, ce qui me permet d’être dans l’immédiateté de l’époque.

Un jour viendra couleur orange
©Karine Fléjo photographie

Qu’est-ce qui vous a amené à l’écriture ?

J’ai commencé à écrire très tard, à 50 ans, parce que j’ai eu envie de dire à ces gens qu’ils ne sont pas seuls avec leur souffrance, qu’ils existent. Moi, les livres m’ont sauvé. J’ai découvert les livres, j’ai rêvé. Dans chaque livre, il y a une promesse de quelque chose de possible. A mon tour, j’ai envie d’écrire des histoires pour les gens qui souffrent.

Vous écrivez sur la souffrance mais sans verser dans le pathos

J’essaye mais c’est super dur. J’ai enlevé la musique. Je me suis dit : il ne faut pas que j’écrive la phrase de trop, le mot de trop. Les mots, il faut les retenir. J’écris puis ensuite j’enlève, c’est aussi le travail que je fais avec mon éditrice.

Delacourt Grégoire
©Karine Fléjo photographie

Comment travaillez-vous avec votre éditrice ?

J’aime bien écrire mon roman vite et le donner imparfait. Je ne suis pas du genre à passer des heures à regarder chaque phrase avant de l’adresser à l’éditrice. Puis avec l’éditrice on rentre dans la chair du texte, on enlève le gras, on modifie des choses. A partir du moment où on a une immense confiance en l’éditrice, c’est un travail merveilleux. J’adore faire cela.

Comment s’ébauche un roman ?

J’écris dans ma tête et ne commence à écrire sur le papier que quand j’ai terminé d’écrire le roman dans ma tête. Chaque jour, de 7h à 13h, du lundi au dimanche, pendant trois mois, j’écris. Je m’y consacre totalement.

Retrouvez la chronique que j’ai consacrée au roman de Grégoire Delacourt ICI

Le goût du dessin et Le goût de la sculpture

Le goût du dessin Le goût de la sculpture
©Karine Fléjo photographie

Deux nouveaux venus dans la collection « Le goût de… » aux éditions Mercure de France, consacrés à l’art : le dessin et la sculpture. Deux livres petits par le format mais grands par la richesse de leur documentation.

Dessin et sculpture

La collection « Le goût de… » s’est enrichie de deux titres, dans le domaine de la sculpture et du dessin. C’est Sandrine Filipetti qui a choisi et présenté les textes relatifs à la thématique du dessin. Philosophes, fictions, dessinateurs, l’auteure nous permet d’appréhender le dessin à travers les œuvres et les auteurs. Entre imagination foisonnante et étrangeté, elle appréhende le dessin à travers les yeux de Denis Diderot, Roland Barthes, en passant par Philippe Lançon ou encore Ray Bradbury.

Autre nouveauté : Le goût de la sculpture, sous la direction de Delphine Chaume. La sculpture, cet art qui consiste à donner vie à l’inanimé, est ici analysée à travers les œuvres de Charles Baudelaire, Yasmine Chami, Alberto Giacometti, Sade, ou Auguste Rodin, pour ne citer que ces exemples.

Deux anthologies denses, riches et passionnantes, à glisser ans toutes les poches des amoureux de l’art.

La collection « Le goût de… »

Depuis 2002, les éditions Mercure de France ont lancé la collection « Le goût de... », collection au format de poche d’anthologies littéraires. Ces petits livres se déclinent en de nombreux thèmes comme le goût des musées, le goût de la mer, le goût de la sculpture, le goût du livre, le goût de la philosophie, le goût de la politique, le goût d’Odessa, pour ne citer que ces exemples sur les près de 400 titres parus. Ces petits livres sont de véritables bibles de la connaissance et regroupent des textes peu connus d’auteurs confirmés, inédits ou réputés introuvables, et des textes de référence. Ce sont de véritables bibliothèques portatives qui, embrassent l’ensemble du champ de la connaissance, ou du moins ses grandes lignes, en quelques pages, auteurs et textes judicieusement choisis.

Informations pratiques

Le goût de la sculpture/du dessin, éditions Mercure de France – 125 pages – 8,20€

Rencontre avec Philippe Besson

« Le roman n’est pas le siège de l’intelligence. Il est le siège de l’émotion »

Philippe Besson
©Karine Fléjo photographie

Ce mardi 22 septembre, les éditions Pocket ont organisé une formidable rencontre avec Philippe Besson, dans un très beau cadre, celui de la délicieuse pâtisserie Bontemps. Une rencontre animée par Christophe Mangelle.

« Arrête avec tes mensonges » a reçu le Prix de la maison de la presse en 2017. Que pensez-vous des prix littéraires ?

J’ai tendance à préférer les prix qui sont donnés par les lecteurs ou les libraires, à ceux qui sont décernés par des vieillards cacochymes. Donc j’étais content de recevoir ce prix-là, qui est un prix populaire.

Philippe Besson Pocket
©Karine Fléjo photographie

« Arrête tes mensonges » est le premier livre d’une trilogie (avec « Un certain Paul Darrigrand » et « Diner à Montréal ») dans laquelle vous parlez de vous, avec le « je ». Vous y évoquez notamment votre homosexualité. Pour quelle raison ?

Je n’avais pas de raison d’être dans la dissimulation. Ces livres racontent aussi ce que la dissimulation crée de frustration, de honte, de culpabilité. En même temps, je ne porte pas un drapeau dans mes livres, car je pense que les livres ne sont pas le siège du militantisme quel qu’il soit. Je me méfie profondément des livres qui entendent délivrer un message. Cela fait des livres lourds, démonstratifs, ostentatoires, lestés par l’intelligence des gens parfois. Le roman n’est pas le siège de l’intelligence mais le siège de l’émotion. On écrit des romans pour que les gens ressentent, pour partager quelque chose de l’ordre du sensible, du sentiment. Donc quand y met de la politique, ça devient un truc lourdingue.

Dans « Un certain Paul Darrigrand », vous évoquez comment vous tombez simultanément amoureux et malade

Oui, j’ai eu une maladie du sang, j’avais un taux très faible de plaquettes ce qui présente un risque hémorragique important. Cela crée l’idée que cela peut s’arrêter du jour au lendemain, que tout est très fragile tout d’un coup. Et surtout, on n’est pas préparé à mourir à 22 ans. Donc cette rencontre avec une mort possible est un exercice curieux.

Mangelle et Besson
©Karine Fléjo photographie

Cette trilogie, c’est votre vie et en même temps, à partir du moment où elle st publiée, elle devient celle des lecteurs

Ces livres-là m’ont valu énormément de courriers de lecteurs et ces courriers étaient frappants car souvent ces gens me disaient que c’était leur histoire, qu’il s’agisse de relations hétérosexuelles ou homosexuelles. Quand on est au plus intime, plus on touche l’universel. Ils se sont reconnus dans ces livres.

Pour ceux qui restent, pense t-on à leurs réactions quand on écrit de l’autofiction ?

Non. Il ne faut pas y penser. Après, moi, je ne fais pas de livre « règlement de comptes ». Mais je pense qu’il ne faut pas y penser sinon on est retenu par le procès que le réel veut nous faire. Si un écrivain commence à s’autocensurer c’est fini. Si vous commencez à être un garçon bien élevé qui fait attention à tout, il ne faut pas écrire des livres.

Fantaisie allemande, Philippe Claudel

Fantaisie allemande de Philippe Claudel
©Karine Fléjo photographie

L’Histoire, la guerre, la perte, trois thèmes qui dansent la ronde sur un hymne allemand.

Fantaisie allemande

A la fin de la guerre, un soldat allemand qui a officié dans les camps de concentration fuit à travers la forêt. Ces dernières années, l’armée allemande lui a offert la reconnaissance qui lui manquait. Il avait saisi cette chance sans se poser de questions. Aujourd’hui, il est assailli par elles : même s’il s’est toujours tenu en retrait des prisonniers et du sort qui leur était réservé, contrairement à son camarade Viktor, est-il coupable d’avoir toujours obéi? D’avoir toujours fermé les yeux?

Puis nous retrouvons un vieil homme infirme, le père de Viktor (le même Viktor que précédemment? A vous de juger). Il rêvasse régulièrement d’une jeune femme brune rencontrée quand il était adolescent, ressasse sans fin son passé. Qui est son fils?

La valse continue avec cette fois une nouvelle venue dans la danse : Irma Grese, jeune femme sans diplôme à laquelle le maire, un certain Viktor, a trouvé un petit boulot dans la maison de retraite. Elle doit tout particulièrement s’occuper du père du maire, un vieil homme qui a le don de l’énerver tant il est désespérément lent. Et de ne plus prendre de gants avec lui. Et de le malmener. Est-elle à blâmer? Car le vieux n’est pas sans cruauté : il jubile à entonner devant elle l’hymne nazi.

Un tourbillon plus tard, nous nous retrouvons avec Franz Marc, un peintre et graveur défunt dont les œuvres inédites, détenues par un prénommé Viktor, ont atteint des ventes record. Le décès de cet artiste, hospitalisé à plusieurs reprises pour des troubles psychiatriques, est auréolé de mystère : a-t-il fait l’objet d’une élimination en 1940 par l’Aktion, chargée de se débarrasser des handicapés mentaux comme physiques, ou est-il décédé en 1916 à Verdun?

Enfin, dernière venue dans la ronde, une fillette qui a échappé à la fosse commune, après une rafle à laquelle a participé un soldat, un certain…Viktor .

Des textes qui se font écho

Dans Fantaisie allemande, Philippe Claudel réunit cinq textes qui se font écho, avec pour décor commun l’Allemagne de l’après-guerre. Une Allemagne « à l’haleine de gouffre ».

Philippe Claudel nous offre un livre qui oscille entre roman et nouvelles, des nouvelles dont le fil rouge serait un prénom : Viktor. Le lecteur est en effet libre d’imaginer qu’il s’agit du même Viktor ou non, si les personnages de ces pages ont tous un lien avec lui ou pas. « Un roman décomposé évoquant l’histoire, la guerre et la perte à travers les destins de personnages qui reviennent, comme dans une ronde ». On retrouve ici la beauté de l’écriture de Philippe Claudel, la puissance évocatrice de ses textes, la dentelle de ses mots.

A noter que l’auteur reverse ses droits d’auteurs à une association d’aide aux libraires, l’ADELC

Informations pratiques

Fantaisie allemande, Philippe Claudel – éditions Stock, septembre 2020 – 170 pages – 18€

Livre pour enfant : Fioul, Vincent Faurie

Fioul de Vincent Faurie
©Karine Fléjo photographie

Un roman touchant pour jeunes adolescents, qui emprunte leurs codes et leur langage. Harcèlement scolaire, premiers émois, les tourments d’un ado dans un collège mal famé.

Harcèlement scolaire

Tom s’évade de sa vie sans reliefs par le dessin. Entre son père dépressif et sa maman qui peine à faire bouillir la marmite avec les ménages qu’elle fait dans le quartier, le quotidien n’est pas toujours rose. Quant à son collège, il a une sale réputation. Pour éviter les embrouilles avec ses camarades, il se met à dessiner pour détourner l’attention de lui au dessin, art pour lequel il a un réel talent.

Heureusement, dans ce collège, il y a aussi Camille, une fille avec un sourire aussi timide que doux. Cette fille remarquable fait battre le cœur de Tom, bien que ce dernier ne se fasse guère d’illusion sur la réciprocité de ses sentiments.

Mais un jour, Camille est victime de harcèlement par ses camarades de classe. Tom vole alors aussitôt à son secours. Son acte d’héroïsme va-t-il le faire sortir de la transparence dans le regard de Camille?

Amitié et entraide

Fioul, de Vincent Faurie, aux éditions Fleurus, est un roman très touchant, destiné aux jeunes adolescents. Une histoire entre collégiens qui parlera à beaucoup d’ados, qui emprunte leur langage parfois cru et très direct, leurs codes, leurs attitudes.

Dans ce roman, l’auteur évoque la précarité, cette absence du minimum pour se nourrir et rester propre. Avec beaucoup de sensibilité, il montre combien le sort des autres est l’affaire de tous, combien la solidarité et l’amitié peuvent permettre d’embellir le quotidien de chacun. Un roman porteur d‘espoir, qui montre que même les situations qui paraissent les plus désespérées peuvent trouver une embellie..

Informations pratiques

Fioul, Vincent Faurie – Editions Fleurus, août 2020 – 120 pages – 12,90€ – Pour enfants de 9-13 ans

Rentrée littéraire : Quitter Madrid, Sarah Manigne

Quitter Madrid
©Karine Fléjo photographie

Les pires blessures ne sont pas toujours physiques. Sarah Manigne s’intéresse au choc post-traumatique à l’issue d’un attentat, comme ceux qui ont ensanglanté Madrid.

Victime d’attentat

Au printemps 2004, cela fait sept mois qu’Alice, conservateur-restaurateur, a accepté sa nouvelle mission : elle est venue s’installer quelques mois à Madrid, le temps de restaurer une œuvre de Zurbaran. Depuis quelques années, elle est en effet spécialisée dans les tableaux de Saintes de Zurbaran, peintre du siècle d’or espagnol. Une vie sans attache pour cette parisienne, vie qui lui convient très bien. Dans la capitale espagnole, elle a fait la rencontre d’un colombien au charme fou, Angel. Et, bien qu’elle ait pour principe de juste flirter afin de ne pas souffrir d’un attachement, avec Angel, elle accepte de s’ouvrir un peu plus, de partager un peu plus de son intimité.

Mais ce 11 mars 2004 fait tout basculer. Des attentats éclatent dans plusieurs gares de Madrid et Alice se trouve dans l’une d’elle lorsqu’elle entend les déflagrations. Cris, corps blessés, décombres, Alice s’extrait de là sans blessure physique. Mais ses blessures, aussi invisibles soient-elles à l’oeil nu, n’en sont pas moins sérieuses et handicapantes.

Dès lors, faute de parvenir à mettre des mots sur ce dont elle a été témoin, faute de parvenir à museler cette culpabilité éprouvée par les survivants, elle se mure dans un silence total. Y compris avec Angel. L’art l’aidera-t-il à panser ses blessures?

Le rôle de l’art

Il y a deux ans, je vous avais présenté L’atelier, de Sarah Manigne. En cette rentrée littéraire, elle nous revient avec un livre où l’art demeure très présent : Quitter Madrid. Cette fois, Sarah Manigne s’interroge sur le pouvoir de l’art. Jusqu’à quel point l’art peut-il consoler, aider à panser ses blessures intimes?

En partant de faits réels, à savoir les attentats de 2004 à Madrid, qui ont fait plus de 1700 blessés (physiques) et 190 morts, la romancière s’attache à la reconstruction psychologique d’une victime. Comment survivre à ce cauchemar? Comment partager ce que l’on a vécu avec ceux qui n’y étaient pas et ne peuvent donc malheureusement pas vraiment comprendre? Comment accepter ensuite d’abandonner ce statut de victime, lequel offre une forme de reconnaissance, suscite l’empathie, l’attention, et de redevenir une citoyenne lambda? Comment faisaient ces Saintes des tableaux de Zurbaran, qui ne laissaient rien transparaitre de leurs souffrances? Souhaite-telle vivre comme elles, en intériorisant tout, ou ce poids du silence devient-il un fardeau?

J’ai été très intéressée par le thème abordé ici et ai apprécié que la romancière ait évité avec brio l’écueil du pathos sur un tel sujet. Par contre, je suis restée un peu sur ma faim quant à la reconstruction de l’héroïne, ai eu le sentiment que les nombreux inserts sur l’art cassaient le rythme de l’intrigue. Un sentiment mitigé donc.