Je suis fait de leur absence, Tim Dup

Tim Dup Stock

Retournez avec Pierre dans la maison de son enfance. Un retour qui va faire ressurgir les blessures non cicatrisées, celles des drames qui s’y sont déroulés 20 ans plus tôt. Une analyse très fine des dommages collatéraux sur les proches de la violence conjugale.

Retourner sur les traces de l’enfance

Pierre revient avec sa petite amie Victoria dans la maison vide de son enfance. Une maison à laquelle il tient plus que tout. Elle renferme toute sa vie, est l’écrin de son enfance, de tous ses souvenirs. Elle est tout ce qu’il lui reste.

Il a rencontré Victoria un an plus tôt. Un amour providentiel. Une fenêtre ouverte sur une vie plus douce, plus apaisée que celle qu’il a connue jusqu’alors. Du moins l’espérait-il. Jusqu’à ce que sa cousine évoque la visite récente de son père, tout juste sorti de prison. Pierre sent alors toutes ses certitudes s’envoler, toutes ses croyances quant à la solidité de ses fondations vaciller.

Violence conjugale et dommages collatéraux

Avec son premier roman, Je suis fait de leur absence, publié par les éditions Stock, Tim Dup nous offre un livre d’une extrême délicatesse sur les traumatismes laissés par les violences intrafamiliales.

Touche par touche, comme sur une toile de Seurat, Pierre nous dévoile le portrait de ses grands-parents, de son oncle, de sa cousine, de sa défunte mère et de son père. Peu à peu le nuancier devient plus sombre, la tension devient palpable. Que s’est-il passé dans cette maison qui hante Pierre et phagocyte ses pensées ? L’amour de Victoria, sa petite amie, suffira-t-il à apporter suffisamment de couleurs joyeuses et chaudes à son quotidien, pour contrebalancer la noirceur de son enfance ? Ou vit-on avec ses fantômes jusqu’au bout ?

Tim Dup aborde le sujet de la violence intrafamiliale, de l’emprise, avec une infinie sensibilité et sous un angle nouveau : celui des dommages collatéraux des violences conjugales extrêmes sur les enfants, les proches. Comment grandir sans la colonne vertébrale qu’est l’amour maternel ? Comment museler la violence et la haine que vous inspire votre géniteur, assassin de votre mère ? Comment se débarrasser de la culpabilité de n’avoir pas su protéger la défunte de la violence de son mari ?

Peut-on dépasser son passé ? C’est la question en filigrane de ce premier roman tout en nuances.

Informations pratiques

Je suis fait de leur absence, Tim Dup – éditions Stock, janvier 2024 – 20,50€- 240 pages

Thomas Misrachi, Le dernier soir

le dernier soir Misrachi

Découvrez ce témoignage indiciblement fort de Thomas Misrachi, qui a accompagné son amie, militante pour le droit à mourir dans la dignité, lors de son suicide assisté. Un livre qui interpelle le lecteur, le bouscule, le conduit à s’interroger sur ses propres choix de fin de vie. Une ode à la liberté, incarnée par une femme libre jusqu’à son dernier souffle.

Le droit à mourir dans la dignité

Thomas Misrachi était un proche ami de Jacqueline Jencquel, fervente militante de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD). Une femme qui s’est battue pour faire passer une loi sur l’euthanasie en France, afin que chacun puisse choisir en toute liberté, le moment de sa mort. Une conception de la fin de vie totalement partagée par Thomas Misrachi, lui-même membre de l’ADMD. « Cette idée de départ anticipé mais contrôlé, cette idée de disparition maitrisée et volontaire, je n’y avais jamais renoncé. Bien au contraire, la vie avait renforcé mes convictions en la matière. (…). Elle était la première personne avec qui je partageais cela librement. »

Quelque temps auparavant, Thomas Misrachi avait fait la promesse à cette amie d’être présent lors de son suicide assisté. Être pour elle un partenaire de départ. Un témoin passif de son courage. Elle désirait mourir chez elle, entourée de ses livres et de ses photos, avant que la décrépitude, la maladie ne fassent leur œuvre, avant que la solitude ne la ronge, avant que ses finances ne lui permettent plus d’assurer son grand train de vie. « A mon âge (77 ans), on ne vit plus, on est juste vivant. C’est une forme de survie. » Le jour J est arrivé et Thomas Misrachi a tenu à honorer sa promesse. Il l’a rejointe dans son luxueux appartement parisien et partage avec nous ces dernières heures, les réflexions qui les ont émaillées, les convictions qui sont leurs.

Le portrait d’une femme libre

Avec Le dernier soir, publié par les éditions Grasset, Thomas Mirsrachi s’attaque à un sujet d’une brûlante actualité : celui de l’euthanasie. Selon un sondage IFOP (février 2022), 94% des Françaises et des Français approuvent le recours à l’euthanasie et 89% sont favorables à l’autorisation du suicide assisté. Mais la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie permet au mieux une sédation profonde, et encore, encadrée de façon très stricte, limitée aux patients dont la souffrance est intolérable.

Une loi à laquelle l’amie de Thomas Mirashi n’entendait pas se plier, elle qui a toujours vécu comme une femme libre. Subir la vie ? Jamais ! Avec une plume très vive, Thomas Mirashi évoque les échanges que cette décision a suscité entre lui et son amie au crépuscule de sa vie, ses propres convictions, le sens d’une vie en sursis quand tout ce qui en fait le suc a disparu. Des réflexions qui interpellent fortement le lecteur, ouvrent le champ de la réflexion, font vaciller les certitudes. Une invitation à faire évoluer la société, afin que la mort soit « l’affaire de tous et le choix de chacun ».

Un livre puissant, un témoignage choc, celui d’une femme libre jusqu’au dernier souffle.

Informations pratiques

Le dernier soir, Thomas Misrachi- éditions Grasset, 24 janvier 2024- 16€- 135 pages

Un soir d’été, Philippe Besson

Un soir d'été Besson

Rejoignez Philippe Besson et sa bande de copains en vacances sur l’île de Ré et partagez leur légèreté, leurs rires, leurs fêtes, jusqu’à ce soir d’été qui vire au drame. Une autofiction d’une sensibilité à fleur de plume, qui traduit l’irréparable.

La fin de l’insouciance

Comme chaque été, Philippe Besson rejoint l’île de Ré pour y passer ses vacances avec ses parents. Il y retrouve sa bande de copains. Les locaux, François et Christophe, deux parisiens Alice et Marc, et un petit nouveau sur l’île, un certain Nicolas. Des inséparables. Tout ce petit monde profite de la douceur estivale, entre séances de bronzette sur la plage, baignades, parties de baby-foot, sorties en boite de nuit et grasses matinées. Tout juste majeurs, ils donnent libre cours à leurs émois, flirtent, s’aiment, dansent, rient, bien décidés à profiter pleinement de leur jeunesse.

Aucun d’entre eux n’imagine alors que le feu d’artifice du 14 juillet va sonner le glas de leur insouciance et de leur innocence

Une autofiction d’une grande sensibilité

Près de 40 ans après les faits, Philippe Besson revient sur cet été 1985, où un drame a fait basculer sa vie et celle de sa bande d’amis dans l’angoisse et la culpabilité. Des vacances où tous les six ont été violemment catapultés du monde de l’adolescence, avec son insouciance, sa légèreté, ses premiers émois, au monde des adultes et son cortège de gravité, de responsabilités. Une histoire qui lui colle encore aujourd’hui à la peau, mélange de mélancolie quant à leur insouciante jeunesse, de culpabilité de n’avoir rien su anticiper et de vide amical laissé par ce garçon disparu.

Avec Un soir d’été, publié par les éditions Julliard, Philippe Besson nous offre une autofiction d’une grande sensibilité, qui nous renvoie à la fragilité de nos existences. Avec ce talent si particulier pour créer une atmosphère, saisir le lecteur par le cœur et l’âme, il retrace avec nous l’été de ses 18 ans. Connait-on vraiment ses amis ? Plus exactement, fait-on vraiment l’effort de les connaître ou se contente-t-on des apparences par paresse ?

« Je songe à ce que parfois les gens nous disent entre les mots et qu’on ne relève pas, à ce qu’ils nous montrent d’eux et qu’on ne regarde pas, parce qu’on est affairés ailleurs ou simplement distrait, parce que la vie d’autrui au fond ne nous intéresse pas tant que ça, ou parce qu’on ne sait pas que celui qui, de loin semble nager, peut en réalité être en train de se noyer. »

Si l’adolescence est l’âge de tous les possibles, elle est aussi celle des plus grands bouleversements et donc des plus grandes fragilités. C’est ce qu’illustre ici Philippe Besson avec une écriture qui allie sobriété et élégance. Un livre qui émeut par sa bouleversante sincérité, ses personnages indiciblement attachants et la finesse de son analyse.

Informations pratiques

Un soir d’été, Philippe Besson – éditions Julliard, janvier 2024 – 208 pages – 20€

Service après-mort, Christophe Wojcik

service après-mort Wojcik

Laissez-vous transporter par cette lecture absolument jubilatoire ! Un roman noir, dans lequel humour, amour et mort forment un trio de choc. Un bonheur de lecture.

Un roman irrésistiblement drôle et plein de verve sur un sujet grave

Avec Service après-mort, Christophe Wojcik signe aux éditions Héloïse d’Ormesson un roman absolument jubilatoire. À la base de cette histoire se trouve une idée brillante : l’invention d’une nouvelle profession, celle de rédacteur professionnel d’éloges funèbres. En matière de compétences rédactionnelles, le narrateur, Antoine, n’a plus rien à prouver. Après avoir travaillé pendant de nombreuses années au service de hauts responsables politiques, rédigeant pour eux des discours, il excelle à trouver la formulation juste et l’angle d’attaque adéquat, constituant ainsi un véritable antidote contre les malheureuses formulations auxquelles tant de personnalités sont exposées dans les médias.

Antoine contacte alors un ancien ami, directeur d’une entreprise de pompes funèbres de premier plan, et lui propose une collaboration novatrice. Son idée est de fournir un service sans précédent aux personnes endeuillées : la rédaction personnalisée de l’éloge funèbre du défunt, après avoir recueilli des informations à son sujet. Un éloge prêt à être lu, conçu sur mesure.

Un jour, Antoine croise la route d’une infirmière en soins palliatifs, une certaine Mélina. Leurs cœurs et leurs professions se marient, se complètent. Tandis que l’une œuvre pour accompagner la fin de vie, l’autre prend le relais pour accompagner le début de la mort.

Cependant, Mélina détient un secret qui pourrait bien ébranler leur bonheur. L’amour qu’ils ont construit survivra-t-il à cette révélation ?

Un regard décalé sur l’euthanasie et le droit de mourir dans la dignité

Avec Service après-mort, Christophe Wojcik réalise un tour de force : faire rire avec un sujet aussi grave que la mort, nous offrir un roman envoutant et plein d’entrain sur le thème délicat de l’euthanasie et du droit à mourir dans la dignité.

Avec un art avéré de la formule, un humour décapant, une plume alerte, Christophe Wojcik nous entraine sur les pas d’un couple attachant, véritables funambules en équilibre précaire sur le fil de la légalité. Qu’est-on prêt à accepter par amour ? Où s’arrêtent les soins et où commence l’acharnement thérapeutique ? Entre compassion et transgression, la tentation de franchir le seuil peut être irrésistible.

Un roman plein d’amour, d’humour, où la légèreté du ton côtoie la profondeur de la réflexion. Un bonheur de lecture en ce début d’année!

Informations pratiques

Service après-Mort, Christophe Wojcik- éditions Héloïse d’Ormesson, janvier 2024 – 154 pages – 17€

David Foenkinos, La vie heureuse ou le changement salutaire de vie

La vie heureuse David Foenkinos

Avez-vous déjà eu envie de changer de vie ? Eric, le personnage principal, en a non seulement eu envie mais l’a fait. Plusieurs fois. Et sa reconversion est peu banale. Plongez dans ce roman de David Foenkinos pour une lecture en apnée !

Oser changer de vie

Lorsqu’une ancienne camarade de lycée, dont le souvenir demeure à peine ébauché dans l’esprit d’Eric, prend contact avec lui, ce quadragénaire désabusé se trouve profondément étonné. Son étonnement atteint son apogée lorsque cette femme, nommée Amélie, désormais en service au sein des hautes sphères gouvernementales, lui soumet avec insistance son désir de l’embaucher dans son équipe.

Évoluant au sein de l’entreprise Decathlon, Eric a graduellement gravi les échelons. Mais récemment, il s’est trouvé dans une phase stagnante, ressentant une lassitude profonde et une démotivation généralisée. Cette fatigue s’est infiltrée dans tous les aspects de son existence, une langueur existentielle que certains attribuent à tort à un burn-out. Le mal qui le ronge va bien au-delà.

La proposition de changement de vie d’Amélie surgit ainsi dans l’existence d’Eric tel un messie providentiel. Sans hésitation, il accepte. Reste à savoir si l’épanouissement tant espéré se trouve au bout de ce nouveau chemin ou s’il lui faudra encore une fois réorienter sa trajectoire.

Revoir ses priorités

En ce moment propice de l’année, marqué par l’abondance des bonnes résolutions et la clarification des aspirations et des priorités, David Foenkinos présente un roman lumineux, dont le simple titre constitue une invitation au bonheur : « La vie heureuse« .

Ce roman s’empare d’un phénomène authentique, en vigueur en Corée du Sud : des entreprises proposent aux Sud-Coréens d’organiser de fausses funérailles pour leur redonner goût à la vie. Portrait funéraire, photographie, cercueil, lettre d’adieu, tout est fait pour que le participant vive « l’expérience de la mort ». L’idée sous-jacente réside dans le fait de goûter à la mortalité afin de prendre conscience de la fragilité et de la préciosité de l’existence, et ainsi émerger de cette expérience transfiguré, prêt à vivre de manière plus épanouissante.

Ce roman, captivant dès les premières pages, soulève des questionnements profonds sur le sens de la vie, sur les contraintes que nous nous imposons en contradiction avec nos besoins fondamentaux, ainsi que sur la distinction cruciale entre la simple conscience de la mort et la quasi-expérience de celle-ci. Avec une écriture d’une grande fluidité, un sens aigu de la formule et un personnage attachant, David Foenkinos s’approprie ce phénomène social pour nous inciter à réfléchir sur la justesse de nos choix, sur la possibilité souvent ignorée de modifier la trajectoire de nos existences.

Informations pratiques

La vie heureuse, David Foenkinos – éditions Gallimard, janvier 2024 – 19€-205 pages

Autres romans de David Foenkinos sur ce site

Une journée de chien, Sander Kollaard

une journée de chien Sander Kollaard

Et si vous vous laissiez tenter par la littérature néerlandaise ? C’est un auteur couronné par plusieurs prix qui vous donne rendez-vous en cette rentrée littéraire aux éditions Héloïse d’Ormesson : Sander Kollaard, avec Une journée de chien.

Des paillettes dans le quotidien

Henk von Doorn est un infirmier en soins intensifs, qui mène une existence paisible auprès de son chien Canaille. Ce quinquagénaire divorcé est un homme réfléchi, plein de sagesse, passionné de philosophie en général et de Nietzsche en particulier. Quant à son chien, débordant de tendresse et de vie, c’est un quadrupède mélomane.

Cette journée de canicule s’annonçait ordinaire, hormis les températures. Or Canaille, victime d’un coup de chaleur, s’effondre au cours de sa traditionnelle balade avec Henk. Une situation qui aurait pu être dramatique si une femme secourable n’avait pas tendu au chien une gamelle d’eau salvatrice. Une femme que Henk trouve infiniment séduisante, avec un physique rappelant celui de Patti Smith.

Et si cette rencontre furtive, ces quelques mots échangés, bouleversaient sa vie ?

Un auteur néerlandais récompensé par de nombreux prix

En cette rentrée littéraire aux éditions Héloïse d’Ormesson, c’est un écrivain néerlandais, Sander Kollaard, que nous découvrons, avec son roman « Une journée de chien ». Un roman qui a été lauréat du Prix Libris Literature, l’équivalent du Goncourt aux Pays-Bas.

C’est un roman plein de sagesse, de tendresse. Une invitation à réfléchir sur le sens de l’existence, sur notre nécessaire part active dans l’émergence de petits et grands bonheurs. Un roman sur l’essence même de la vie, du bonheur. Une histoire sur l’émerveillement d’un amour naissant.

Un livre qui fait la part belle à nos amis les animaux aussi, ces êtres qui vivent naturellement dans l’instant présent, apprécient chaque petite joie à leur portée.

« C’est pas le fait de manger et de boire qui nous maintient en vie, mais la faim et la soif de vivre, la conviction morale que cela vaut la peine, que la vie elle-même recèle du beau et du vrai, toujours et partout, mais que c’est à nous qu’il revient de chercher cette vérité et cette beauté, de les exhumer, à l’instar de chercheurs de fortune, fortune au sens de bonheur. »

Un roman touchant et inspirant.

Informations pratiques

Une journée de chien, Sander Kollarrd – éditions Héloïse d’Ormesson, aout 2023 – 192 pages – 19€

Rentrée littéraire : dans un lycée du 93 avec Thomas B. Reverdy

Le grand secours

Immergez-vous dans le quotidien d’un lycée d’une banlieue parisienne populaire. Un roman choral d’une justesse saisissante, sur le manque de moyens de l’Education nationale dans les zones difficiles, sur la ghettoïsation des banlieues et les premiers émois adolescents.

Dans le quotidien d’un lycée de banlieue défavorisée

Paul, écrivain, se rend dans un dans un lycée d’une banlieue parisienne populaire sur l’invitation de Candice, une professeure de théâtre. A Bondy. Elle lui a proposé d’animer un atelier d’écriture. Domicilié dans le 13ème arrondissement de Paris, Paul ne s’est encore jamais aventuré dans ces quartiers difficiles. Ils ne les connait qu’à travers des faits divers aux informations. En chemin, sous le pont de Bondy, une altercation se produit entre un policier qui n’est pas en service et un jeune. Mo, étudiant brillant, amoureux de littérature et d’une certaine Sara au lycée, est témoin de la scène. Il la  filme alors sur son téléphone portable, zoomant sur le policier auteur des coups.

Mo n’imagine pas à quel point ce qu’il a filmé est explosif. Sa vidéo, relayée sur les réseaux sociaux, fait le buzz. Tout au long de la journée, les tensions montent. Sur le net, dans le quartier, au lycée, dans toute la ville.

Un tableau saisissant de la ghettoïsation des banlieues

Avec Le grand secours, publié en cette rentrée littéraire par les éditions Flammarion, Thomas B. Reverdy nous offre une peinture saisissante d’une banlieue au bord de l’explosion. Avec ce roman choral, l’auteur multiplie les points de vue : ceux de l’enseignante motivée à aider ses élèves à en sortir coûte que coûte, celui d’un élève et enfin, celui d’un auteur un brin candide et totalement extérieur à ce milieu.

L’éducation nationale peine à recruter dans ces lycées défavorisés. Des lycées ceints de grilles anti-intrusions, avec des préfabriqués en guise de locaux, des équipements et salles de classe vétustes. Il manque des professeurs, alors on recrute des vacataires qui n’ont pas toujours les compétences pour le poste. Un pansement sur la plaie. Quant aux élèves, ils sont essentiellement voire exclusivement arabes ou noirs, signe d’un échec politique et social total. Les élèves blancs sont partis étudier un peu plus loin, dans un lycée mieux coté. Une véritable ghettoïsation.

 « Les problèmes ici, on en parle toujours en termes de cultures qui s’intègrent pas, de religions incompatibles avec la République, de communautarisme, de sécession. Mais en les assignant à leur race, à leur couleur, à leur religion ou à leurs coutumes, c’est la société française qui en a fait des citoyens de seconde zone. Des citoyens inégaux. »

Heureusement, l’espoir demeure, tant que des adultes leur montrent qu’il est possible de s’élever, d’avancer, de voir plus loin que le périphérique. Et c’est ce que font les enseignants dans ces lycées, la vocation chevillée au corps. Des encouragements qui trouvent un bel écho auprès de certains jeunes, passionnés de lecture, d’écriture de poésie, de slam.

Au sein de ces banlieues poudrières, comment s’étonner qu’une étincelle suffise à tout embraser, à créer une émeute ?

Un roman saisissant de justesse dans l’analyse de la situation des banlieues, de l’état de l’enseignement, de l’espoir qui perdure grâce à des enseignants motivés. Une peinture sociétale remarquable de justesse.

Informations pratiques

Le grand secours, Thomas B. Reverdy – éditions Flammarion, août 2023 – 21,50€- 318 pages

La nuit des pères, Gaelle Josse

La nuit des pères Gaelle Josse J'ai Lu

Partez au cœur des montagnes et laissez-vous bercer par cette histoire qui fait frissonner l’âme par son humanité, sa beauté et sa sensibilité. L’histoire d’une famille aux liens complexes, à l’heure de la vérité. Magnifique.

Un père colérique

A la suite de l’appel de son frère Olivier, Isabelle retourne au village où elle a grandi, au cœur des Alpes. Dans la maison de son enfance, qu’elle a fuie il y a plusieurs années, elle retrouve ce père dont les colères terribles et les propos blessants résonnent encore si fort dans sa tête. Elle y retrouve aussi son frère Olivier. Depuis le décès de leur mère dix ans plus tôt, Olivier est en effet revenu vivre au village. Isabelle non, bien décidée à se construire loin de ce lieu de souffrances, de brimades. Loin de ce père qui semait la terreur dans la famille et ne s’épanouissait que sans eux, dans les hauteurs de la montagne.

Ces retrouvailles, rares, dans ce lieu chargé de souvenirs, vont-elles devenir le terreau de confidences ?  Isabelle va-t-elle enfin comprendre l’irascibilité de son père, le pourquoi de ses terreurs nocturnes ? Va-t-elle percer le secret de son comportement si peu aimant envers elle ?

Un roman d’amour puissant

Les éditions J’ai lu publient le roman de Gaelle Josse, La nuit des pères en cette rentrée littéraire. Un roman aussi beau par l’écriture ciselée et poétique de l’auteure, que par la profondeur de l’histoire ou encore par la justesse de l’analyse psychologique des personnages.

En l’espace quelques lignes, le lecteur est immergé dans ce village de montagne, bercé par les bruits de la nature environnante, par la beauté de la montagne qui tranche avec les ténèbres de ce père craint de tous. Avec beaucoup de subtilité, Gaelle Josse passe au crible l’ambivalence des sentiments filiaux. Ce désir d’être aimée par ce père et cette colère de subir gratuitement ses foudres parfois, son indifférence souvent.

Quand un homme arrive au crépuscule de sa vie, vient l’heure des bilans. Est-il possible de pardonner à son père, à la lumière des blessures qu’il révèle ? Comprendre son comportement permettra-il à Isabelle d’avancer, de dépasser enfin ses blessures d’enfance ? Pour celle qui s’est construite contre lui, qui est parvenue à se prouver et à lui prouver qu’elle était forte, brillante, est aussi venu le temps de déposer les armes.

Un roman d’amour puissant, dans toutes ses acceptions. Amour filial, amour conjugal, amour de la vie, amour de la nature. Des personnages impossible à oublier. Emouvant. Profond. Juste magnifique.

Informations pratiques

La nuit des pères, Gaelle Josse – éditions J’ai lu, août 2023 – 192 pages – 7,40€

Rentrée littéraire : Le grand feu, Léonor de Récondo

Le grand feu léonor de récondo

Partez en voyage à Venise, au début du 18ème siècle, et laissez-vous bercer par le violon d’Ilaria, une jeune fille confiée dès sa naissance à une institution pour enfants abandonnés. Le grand feu, c’est un roman passionné et passionnant. Un roman aussi déchirant que flamboyant. Une écriture virtuose.

Sans la musique, la vie serait une erreur

Venise, printemps 1699. Quand Ilaria nait en ce début de printemps, sixième enfant de la fratrie, elle est aussitôt séparée des siens. Et envoyée à la Pietà, une institution austère consacrée à l’accueil des enfants abandonnés et illégitimes. À l’intérieur de ces murs inhospitaliers, l’enseignement de la musique et du chant est leur unique éducation, leur seule lueur d’espoir. Le monde extérieur leur demeure quasiment inaccessible, leur rare incursion hors de ces murs étant réservée aux occasions exceptionnelles. Pour Ilaria, il s’agit de la réunion annuelle de Noël avec sa famille. Des retrouvailles hantées par de térébrantes questions. Pourquoi ses sœurs restent-elles au sein de leur foyer tandis qu’elle est condamnée à cette existence en exil au sein de l’institution ? Pourquoi cet ostracisme apparent ?

Heureusement, Ilaria peut trouver du réconfort dans l’amitié de Prudenzia, son amie fidèle, qui apporte un peu de chaleur et de magie à son quotidien morose. Cependant, le véritable baume à son âme s’avère être le violon. Sous la direction du tout nouveau maestro de violon, Antonio Vivaldi, Ilaria révèle un talent inné pour cet instrument, suscitant en elle une passion irrépressible. « Sans l’instrument, je n’existerais pas« , confie-t-elle, percevant un univers infini s’ouvrir devant elle.

Mais le violon détient-il le pouvoir d’ouvrir également les portes du monde extérieur, où l’attend Paolo, un jeune homme épris de l’amie de sa sœur, Prudenzia ? Est-ce que la musique suffira à guérir les blessures profondes qu’Ilaria porte en elle ?

Le pouvoir extraordinaire de la musique

Avec Le grand feu, publié en cette rentrée littéraire par les éditions Grasset, Léonor de Récondo embrase ses lecteurs dès les premières lignes. C’est un roman bouleversant, flamboyant, sur l’extraordinaire pourvoir de la musique. Et sur le destin émouvant d’une jeune fille abandonnée par sa famille.

Alors que ses parents l’ont confiée à une institution, que sa tante l’a rejetée, Ilaria réalise combien la musique, elle, lui apporte un indéfectible amour, une présence unique. Le sentiment d’être vivante avec une intensité inégalable.

« Parfois, en répétitions, quand son corps parfaitement sans aucune tension, dans une joie profonde, parvient à jouer, quand l’onde circule lentement aligné avec son âme, elle se dit, j’y suis. Je deviens la respiration du monde. »

La musique devient sa colonne vertébrale, son oxygène, sa raison de vivre. Impossible pour le lecteur de ne pas être touché par le destin de cette enfant, de ne pas vibrer au diapason d’Ilaria. De ne pas se laisser envouter par la partition délicate et belle de l’histoire, par l’enchainement fluide de notes tantôt tristes, tantôt légères, par le tempo allegro impulsé par la tension narrative.

Un roman magnifique, tant par l’histoire que par le style. De ces romans, qui font frissonner l’âme.

Informations pratiques

Le grand feu, Léonor de Récondo- éditions Grasset, août 2023 – 22 pages – 19,50€

Le récit autobiographique de Panayotis Pascot

Panayotis Pascot éditions Stock

Découvrez le récit autobiographique du comédien et humoriste Panayotis Pascot. Un témoignage qui s’articule autour de trois thématiques : la relation père-fils, l’acceptation de son homosexualité et la dépression.

Relations père-fils et relations amoureuses

Lorsque le père de Panayotis Pascot lui révèle qu’il va bientôt mourir, une multitude d’interrogations germent dans l’esprit de l’auteur. Celui qui a dédié toute sa vie à son père, cherchant à lui démontrer quelque chose, prend soudain conscience qu’il ignore même la nature de cette quête qu’il a toujours poursuivie. Des réflexions qui en suscitent d’autres et engendrent le besoin impérieux de mettre des mots sur ses pensées.

En fil rouge, l’auteur explore la complexité de sa relation avec son père, cet individu qu’il tente inconsciemment d’anéantir en lui-même, tellement il se sent dévoré par son regard inquisiteur. Tout au long de son récit, Panayotis Pascot évoque ses expériences sentimentales, le long chemin vers l’acceptation de sa propre homosexualité, sa difficulté non seulement à exprimer ses émotions, mais aussi à se laisser imprégner par elles, quelles qu’elles soient. Une armure dont il aspire à se défaire, tout en reconnaissant que si le désir de changement est nécessaire, il est parfois insuffisant. Il explore également la profonde dépression qu’il a traversée et sa résilience pour remonter vers la lumière.

Un récit autobiographique touchant

Dans ce récit autobiographique intitulé La prochaine fois que tu mordras la poussière, publié par les éditions Stock en cette rentrée littéraire, l’humoriste et comédien Panayotis Pascot met son âme à nu. Avec beaucoup de lucidité, il aborde les thématiques de la relation au père, de la dépression et de l’homosexualité.

Dépourvu de tout artifice ou complaisance, l’auteur scrute avec une acuité chirurgicale ses émotions, ses incertitudes, ses souffrances, et les difficultés qui le hantent, tout en maniant sa plume comme un scalpel. Comment parvenir à l’authenticité, à la fois envers soi-même et envers les autres, une fois que l’on a pris conscience de son attirance pour des individus du même sexe ? Comment peut-on bâtir son identité sans être en opposition ou en conformité totale avec le modèle paternel, mais plutôt en se forgeant différemment ? Comment peut-on trouver un point d’ancrage dans cette existence lorsque l’on se trouve incapable de ressentir, d’expérimenter et d’affronter les émotions sous toutes leurs facettes, qui ponctuent notre parcours de vie ?

Le récit qu’il nous livre est indéniablement touchant, cependant il peut également être perçu comme excessivement centré sur lui-même, voire, pour certains, comme étant quelque peu décousu dans son style. Cependant, il demeure un témoignage sincère du cheminement vers la sérénité : une quête de paix intérieure, et une recherche de l’harmonie dans ses rapports avec autrui.

Informations pratiques

La prochaine fois que tu mordras la poussière, Panayotis Pascot – éditions Stock, août 2023- 232 pages