Quand Dieu boxait en amateur, Guy Boley (Grasset)

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Quand Dieu boxait en amateur, Guy Boley

Editions Grasset, août 2018

Rentrée littéraire

Après la mort de son père, Guy Boley  décide de prendre la plume pour lui rendre sa couronne de gloire, tressée de phrases splendides, en lui écrivant le grand roman qu’il mérite.

« J’en eus les larmes aux yeux. Je venais de réaliser que mon père n’était pas qu’un artiste amateur, avec tout ce que ce terme comporte fréquemment de mépris, de suffisance et de ricanements. C’était un véritable artiste. La vie l’avait taillé pour ça mais pas son destin. » En effet, dans cette France ouvrière provinciale, rêver de scène, de littérature, est inconcevable, sauf dans l’esprit du père de l’auteur, René, dont il dresse un portrait émouvant ici.

Orphelin de père, élevé par une mère très dure, René ressent très tôt des aspirations artistiques. Ce qui n’est pas du goût de sa mère. A Besançon, on forge, on travaille comme cheminot dans le dépôt voisin, on répare, les mains abimées par le travail. « Les livres, ça zigouille les méninges et ça abime les yeux. Les histoires inventées, elle les nomme des romances de gonzesses. » Pour que son fils devienne un homme et non une « gonzesse », elle l’oriente vers des cours de boxe à l’âge de 14 ans. Et c’est la révélation. Il deviendra même champion de France de boxe amateur, en parallèle de son métier de forgeron. Et jamais ne délaissera les lettres qu’il aime tant, plongé dès qu’il le peut dans les définitions du dictionnaire, rédigeant des poèmes, cherchant en vain à obtenir la fierté de sa mère, à être davantage qu’une esquisse d’homme à ses yeux.

Heureusement, faute d’une mère aimante, sur le plan humain il a une âme sœur en la personne de Pierrot. Un ami. Un frère. Tous deux partagent la même passion pour les lettres.

C’est un hommage très touchant que Guy Boley fait à son défunt père. « Il ne sait pas que ce sera son fils qui, plus tard, arrachera au Petit Larousse des mots d’or, et de jade, de porphyre et de marbre, pour le glorifier. Le déifier. Et sanctifier son nom sur cet autel païen qu’on nomme littérature. » Un portrait plein d’amour, de reconnaissance, avec des mots simples et purs, à l’image de ce père disparu.

Citation du jour

Vivre est une occupation de tous les instants. Une expérience du plus vif intérêt. Une aventure unique. Le plus réussi des romans. Souvent un emmerdement. Trop souvent une souffrance. Parfois, pourquoi pas ? Une chance et une grâce. Toujours une surprise et un étonnement à qui il arrive de se changer en stupeur.

Jean d’Ormesson – Un hosanna sans fin (EHO, novembre 2018)

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Thriller : Incontrôlable, James Patterson et David Ellis

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Incontrôlable, James Patterson et David Ellis

Traduit de l’anglais par Philippe Reilly

Editions de l’Archipel, août 2018

Thriller

Le cadavre d’une très belle femme retrouvé au bas de son immeuble peut-il mettre la Maison Blanche en danger ?

Ben Casper sort à peine de l’appartement de son amie Diana, agente de la CIA, quand il est témoin de sa défenestration. Les autorités concluent à un suicide. Une version officielle qui ne satisfait pas Ben. A sa connaissance, Diana n’avait aucune raison de mettre fin à ses jours. Mais connaissait-il réellement la jeune femme, dont il était secrètement amoureux ? Que sait-il vraiment d’elle, hormis qu’elle travaillait pour la CIA ? Se sentait-elle en danger ? Sinon pourquoi lui avoir demandé de truffer son appartement de caméras et d’appareils d’espionnage ?

Ben, journaliste d’investigation, entend bien tirer cette affaire au clair, quand soudain, un détail lui explose à la figure : la photo du cadavre de la jeune femme ne fait apparaître aucun tatouage sur la cheville, contrairement à la cheville de Diana qui arborait un papillon. Mais alors, s’il ne s’agit pas de Diana, de qui s’agit-il ? Et où est Diana ?

Et s’il s’agissait d’un meurtre déguisé en suicide ? Tandis qu’il se lance dans cette enquête, des souvenirs affleurent. Comme une saveur de déjà vu. De déjà vécu. Enfant, Ben a déjà vu un corps pareillement étendu sur le sol, suite à un suicide aux circonstances floues. Celui de sa mère.

Dans ce thriller, le lecteur est tenu en haleine de la première à la dernière page, tandis que le duo d’auteurs s’amuse à l’entraîner sur de fausses pistes, à jouer avec ses nerfs. Les rebondissements s’enchaînent alors que Ben, à trop s’approcher de la vérité, flirte avec la mort. Un bémol pour moi cependant : le personnage fait d’incessantes digressions (allusions cinématographiques, références à des acteurs, à des présidents américains, etc) et non seulement n’apporte rien au texte, mais ça l’alourdit, voire irrite la lectrice que je suis. Un sentiment mitigé donc.

Cargo, un conte d’Adèle Tariel (texte) et Jérôme Peyrat (illustrations)

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Cargo, Adèle Tariel (texte) et Jérome Peyrat (illustrations)

Editions du Père Fouettard, novembre 2018

Un conte poétique et tendre. De très belles illustrations. Pour voyager au pays des rêves et s’abandonner sans crainte à la nuit.

Tandis qu’il s’endort, le petit garçon rêve qu’il se transforme en goéland. Un goéland qui a pour mission secrète de veiller sur le capitaine d’un gros cargo. Qu’importe les moqueries des fous de Bassan, notre goéland ne déroge pas au but qu’il s’est fixé. Il vole au dessus du cargo, affronte les embruns, le vent, la tempête, tremble pour le capitaine quand ils croisent une baleine, s’éloigne des côtes mais pas de ce capitaine aux épaulettes dorées.

Quand le jour se lève, le goéland, rassuré, peut regagner la maison . Les yeux de l’enfant ne vont pas tarder à s’ouvrir et le rêve à devenir réalité.

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C’est un beau voyage au pays des rêves que nous offrent l’auteur et l’illustrateur. Une invitation à s’abandonner en toute confiance au sommeil, lequel réserve le plus beau des voyages et surtout, la réassurance que l’on ne sera pas seul au réveil.

Rentrée littéraire : Federica Ber, Mark Greene (Grasset)

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Federica Ber, Mark Greene

Editions Grasset, août 2018

Rentrée littéraire

Un matin, alors qu’il lit distraitement le journal en mangeant un croissant, le narrateur est interpellé par un fait divers : en Italie, un jeune couple, architectes connus et reconnus par leurs pairs, a été retrouvé mort au pied d’une falaise. Point étrange : ils étaient ligotés l’un à l’autre. Meurtre ? Suicide en duo ? Ce qui frappe le narrateur, c’est l’évocation d’une troisième personne, laquelle aurait été aperçue en compagnie du couple les heures précédentes mais demeure introuvable depuis. Il s’agit d’une certaine Federica Bersaglieri.

Il demeure interdit. Federica Bersaglieri, il en est intimement convaincu, est la jeune femme fascinante qu’il a rencontrée 20 ans plus tôt sur les grands boulevards. Une personnalité étrange, si particulière, si sauvage, si libre et mystérieuse. Une femme qui l’avait arraché à sa solitude et l’avait entrainé dans son sillage léger. Et de se remémorer la sublime semaine qu’ils avaient passé tous les deux, s’amusant à mimer les passants, à tester la literie des magasins, à escalader les toits de Paris pour passer la nuit sous les étoiles. Jusqu’à sa volatilisation aussi brutale que son arrivée dans sa vie.

Il tente alors d’imaginer la rencontre entre Federica et ce couple, la fascination que cette dernière a exercée sur eux comme celle qu’elle exerça sur lui autrefois.

C’est un roman à l’atmosphère très particulière. Une forme d’éloge de la lenteur, de l’étrangeté, du mystère. Une histoire d’amour d’un autre genre, qui a survécu au temps et à l’éloignement, réunissant deux solitudes sans rogner sur leurs libertés. Un amour aussi atypique que la personnalité de Federica.

Citation du jour

La seule chose qui me permet parfois de respirer est d’écrire. Quand j’écris je vais mieux, presque bien, mais dès que je repose la plume, cette sensation disparaît. Souvent je hais mes propres mots. Tout aussi souvent je les trouve banals, insignifiants. Mais parfois, parfois seulement, c’est comme si tout prenait sens. Je ressens alors de l’espoir, une sorte de satisfaction, comme si je commençais à me comprendre moi-même.

Eric Axl Sund – Les corps de verre

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