Muette, de Eric Pessan, aux éditions Albin Michel : tout sauf l’indifférence

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Muette, de Eric Pessan

Editions Albin Michel, août 2013

     Muette a préparé sa fugue minutieusement. Enfant déjà, elle expliquait qu’un jour elle partirait au bout du monde, là où elle pourrait venir en aide aux autres, là où elle ne serait plus transparente dans le regard d’autrui. Car comment rester insensible à la détresse du monde? Famine, maladie, violence, la souffrance est partout. Et Muette, véritable éponge, d’absorber tous ces maux, de ressentir dans son corps et dans son âme la douleur des autres. A vif. Que personne ne lui soit venu en aide, que personne ne la juge aimable au sens digne d’être aimée a exacerbé son désir d’aider autrui, d’éviter aux autres le sort qui est sien.

     TOUT SAUF L’INDIFFERENCE.

     Alors Muette étouffe. Alors Muette s’enfuit. Oh, pas en Asie ni en Afrique, juste à quelques kilomètres de chez ses parents, dans une grange désaffectée où elle aime se réfugier souvent quelques heures en secret. A l’abri des regards, à l’abri des reproches. Au calme.

     Muette n’a pas laissé de lettre pour expliquer sa fuite, pas de mot pour ses parents ni personne. A quoi bon? On ne l’écoute pas. On ne la croit pas. On ne la voit pas. Jamais. Et puis, elle est une enfant non désirée. Elle le sait. Sa mère le lui a suffisamment martelé, lui a suffisamment reproché d’exister. Alors…

     Alors autant partir. Autant fuir. Pour de bon.

     Dans ce roman dense et profond, Eric Pessan dresse le portrait d’une adolescente écorchée vive, que l’existence n’a pas ménagée. Entre une mère aux phrases assassines et un père colérique, Muette s’est adaptée. Telle une fleur du désert, elle a grandi en recevant peu, en puisant sa force et sa beauté on ne sait où. Et en donnant beaucoup. Car l’adulte en devenir s’est construite en opposition à la dureté insondable de ses parents.

     Un roman plein de poésie et de grâce sur la mue de l’adolescence. Bouleversant.

P. 87 : il y a des histoires qui ne peuvent pas se dire. Les mots ne feraient que les affaiblir ou les banaliser. Parce que les mots n’existent pas pour les raconter. Les mots ne feraient qu’effleurer la surface de l’histoire, sans rien pouvoir atteindre de ses strates innombrables.

Serge Joncour dans votre poche! Un ENORME COUP DE COEUR!!!

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L’amour sans le faire, de Serge Joncour

Editions J’ai lu, août 2013

 

Très jeune, Franck a ressenti l’appel de la ville, la faim de l’inconnu, la soif de liberté. Prendre la relève de la ferme parentale du Lot n’était pas pour lui. Non, sa vie serait ailleurs, caméra au poing. Les terres et leur exploitation, il les laissait à son jeune frère Alexandre, quitte à ce que ce dernier ressente son départ comme une trahison. Après tout, Alexandre a tout du bon fils, un digne successeur avec la terre dans le sang. Lui, non. Au fil des années, ce monde rural qui l’a vu grandir lui est devenu étranger. Plus rien à dire aux siens. Plus rien à partager.

      Alors il espace ses visites.

      Alors il ne revient plus les voir.

      Dix ans plus tard, et des blessures en plus, il ressent pourtant le besoin viscéral de revoir les siens. Mais quand on ne s’est pas parlé depuis si longtemps, comment réamorcer le dialogue? Comment ne pas se sentir étranger chez soi? Pétri d’appréhension, Franck prend donc le train pour la propriété familiale des Bertranges.

      De son côté, depuis le décès de son mari, Louise survit. La ville se révèle ne pas lui offrir le réconfort souhaité. Elle l’avait espéré, pourtant, comptant sur l’anonymat de la foule pour prendre un nouveau départ. Mais les illusions sont vite devenues illusoires. On ne quitte pas sa souffrance en mettant une distance physique avec les lieux du drame. La douleur est en soi, comme une blessure lancinante, permanente, inscrite dans la chair, tatouée sur l’âme. Indélébile. Il n’est de pire geôle que la prison mentale. Le manque de celui qu’elle a tant aimé s’inscrit en plein dans le vide de ses journées. De chaque journée. Aussi, elle décide de retourner chez son ex-belle-famille quelques jours, dans la ferme des Bertranges, là où l’attend son petit garçon de trois ans, Alexandre. Là où se rend Franck.

     Et Louise et Franck de se rencontrer.

      Avec ce SUBLIME roman, Serge Joncour peint avec sensibilité, justesse, magnificence, la rencontre de deux êtres blessés, qui se comprennent par delà les mots, dont le regard seul réchauffe, dont la seule présence apaise de vivre. Le tableau magistral de deux renaissances.

      Je n’ai pas aimé ce livre, je l’ai adoré.

      Je ne l’ai pas lu, je l’ai dévoré.

      A moins que ce ne soit lui qui ne m’ait dévoré…

      Vous l’aurez compris, L’amour sans le faire, de Serge Joncour, est un morceau de bravoure. Une écriture intense et belle, portée par un élan vital merveilleux. Un livre qui donne envie d’aimer la vie. D’aimer tout court.

      De ces livres, rares, qui vous marquent à jamais…

Informations pratiques : 

Prix: 6,95€

ISBN978-2290072264

 

Une histoire d’hommes, de Zep : une partition réaliste et ô combien émouvante.

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Une histoire d’hommes, de Zep

Editions Rue de Sèvres, septembre 2013

Avec Une histoire d’hommes, Zep se réinvente avec talent. Nous sommes bien loin de l’univers de Titeuf, personnage humoristique aux 20 millions d’albums vendus. Cette fois Zep s’adresse aux ado-adultes avec une histoire plus intimiste et une palette graphique nouvelle. Une volonté de l’auteur d’aborder des sujets plus sérieux : «  J’assume toujours ma part d’enfance. Mais à 45 ans, j’ai aussi envie de parler de ma vie d’adulte. D’aborder des sujets plus matures certes, mais pas forcément lugubres! » Zep.

Guitariste et fan de rock, l’auteur place l’intrigue dans un univers qu’il connaît bien : celui de la musique. Une partition réussie!!!

Il y a près de vingt ans, quatre copains décident de monter un groupe de rock. Hélas, difficile de faire cohabiter durablement des personnalités aussi différentes. Les risques d’implosion sont grands. Suite à un enregistrement radiophonique, une dispute éclate. Le groupe se dissout. Seul le chanteur et leader charismatique, Sandro, poursuit une carrière artistique avec succès. Les autres se contentent d’assister à son ascension à travers la presse « people » et les medias. Aujourd’hui installé à Londres, Sandro propose de réunir les quatre amis. Tous acceptent sans hésiter. Mais ces retrouvailles entre amis ne seront pas seulement l’occasion d’évoquer les jours heureux. Au fil des pages, une autre partition se dessine, celle d’un secret bouleversant qui unit certains de ces êtres aussi fortement que la musique…

Des dialogues ciselés et émouvants, un récit d’une sensibilité à fleur de traits et de mots, un graphisme épuré et réaliste, pari relevé et ô combien réussi pour Zep!

Un très GROS coup de coeur!!!

Inventions complètement inventées : un concentré d’humour!

 

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Inventions complètement inventées, de Pierre-Dominique Burgaud

Illustrations de Laure Solus Babinet

 

Editions Gautier-Languereau, septembre 2013

 

 

 

Ce petit livre est un concentré d’humour qui ravira les petits et grands. L’auteur du soldat rose nous revient en effet avec des devinettes décapantes.

 

Vous pensiez tout savoir sur les fantômes, les indiens, le poisson pané, les rimes, les escargots et consorts? Que nenni, les VRAIES réponses, les seules qui vaillent une bonne crise de rire, sont à l’intérieur de ces pages colorées!

 

Vous apprendrez ainsi comment les fantômes ont évité un outrage aux bonnes moeurs…

Les idées zarbi du Cafard Felu : assistez au concert du Blatte Magic Orchestra!

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Les idées zarbi du Cafard Felu

Une histoire de Lakik’, illustrée par Foogy et Zanapa

Editions Snow Moon 2013

Un petit coup de cafard en ces temps de rentrée? Un seul remède au spleen : adoptez le Cafard Felu et sa famille! Vous ne les connaissez pas? Pas encore? Demandez à Swing, le chien, de vous mener jusqu’à eux en échange de quelques caresses. Oh, ils ne sont pas bien loin, juste là, « dans un splendide appart’ en contreplaqué sous l’évier, avec vue imprenable sur le siphon qui goutte et accès direct à la poubelle où ils prennent leur goûter ». Attention, ne les écrasez pas! Car ces cafards-là ne sont pas comme les autres. Les connaître, c’est les aimer.

En chef de bande, vous trouverez le Cafard Felu, le plus facétieux et le plus intrépide de tous. Avec ses soeurs Cafard à joue et Cafard à paupière, son frère Cafard Naüm et ses complices, il envisage de reformer l’orchestre dans lequel jouait son grand-père : Le Blatte Magic Orchestra. Un magnifique orchestre qui a fait les beaux jours de l’immeuble, avec des airs de blues, de jazz et même de rock’n roll. Il ne reste plus qu’à fabriquer les instruments et à recruter les musiciens. Quant au concert, il a lieu sous l’évier de la cuisine, au dernier étage du 3bis rue cachée, accès direct par l’ascenseur ou le vide-ordures c’est selon. Alors, vous venez? Une seule certitude : vous passerez un délicieux moment !

Une histoire savoureuse, une écriture interactive, des illustrations somptueuses, la partition de cet orchestre de cafards est une succession d’excellentes notes. Un énorme coup de coeur pour Lakik’ et son Cafard Felu!

Informations pratiques :

ISBN : 979-10-91596-00-8

Nombre de pages : 64. Illustrations couleur.

Prix : 7,50€

Site des éditions Snow Moon : http://www.snow-moon.biz

Echange petit frère contre poisson rouge, de Sophie Laroche, aux éditions Snow Moon : jubilatoire!

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Echange petit frère contre poisson rouge, de Sophie Laroche

Illustrations de Anne Kervella

Editions Snow Moon 2013

Louison a un gros problème. Enfin un petit problème. Encore qu’il soit grand par ses conséquences. Enfin, vous comprenez! Non? Alors je vous explique. Imaginez une vie paisible, une maisonnée calme, des parents rien que pour vous, des jouets sans partage, des attentions exclusives et puis soudain… Soudain, vos parents ont une lumineuse idée, arrivent avec un sourire jusqu’aux oreilles comme s’ils avaient gagné au Loto. Sauf qu’ils ne jouent jamais au Loto. A se faire des câlins, si. Et bingo, vous allez avoir un petit frère! Le paradis? L’enfer, oui! Et vive les pleurs, les jouets cassés, les crises de nerfs, les poupées démantibulées, les parents qui passent tout au petit justement parce qu’il est petit! Alors Louison, elle en a assez. Certes, elle aime bien ce petit frère, mais à petite dose. Et là, elle sature. Il lui faut trouver une solution. Et si elle l’échangeait contre…un poisson rouge?  » Un poisson rouge, ça ne parle pas, ça ne dérange rien, ça ne prend presque pas de place. Il faut juste lui changer son eau de temps en temps et ne pas oublier de le nourrir. »

Avec une infinie tendresse et un humour désopilant, Sophie Laroche entraine petits et grands dans le sillage de la facétieuse Louison, nouvellement promue au statut de grande soeur. Un récit jubilatoire plein de rebondissements, des dessins craquants de Anne Kervella, tous les ingrédients sont réunis pour que vous passiez un délicieux moment au coeur de ces pages. Un gros gros coup de coeur de la rentrée!

Cet ouvrage est publié aux éditions Snow Moon, nouvelle maison d’édition très prometteuse ! Pour commander ce livre (non, je ne vous échangerai pas le mien, même contre des milliers de poissons rouges!), c’est ici : http://www.snow-moon.biz.

Informations pratiques :

Nombre de pages : 56

ISBN : 979 10 91596 01 5

Prix : 6.50€

Juste avant le bonheur, de Agnès Ledig : bouleversant…

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Juste avant le bonheur, de Agnès Ledig

Editions Albin Michel 2013

Prix 2013 de la Maison de la Presse

Cela fait deux ans que Julie occupe ce poste de caissière. Un travail mal considéré sous la houlette d’un patron odieux, mais elle n’a pas le choix. Il lui faut bien subvenir aux besoins de la prunelle de ses yeux, son fils Lulu, trois ans. Alors la caissière encaisse. Sans broncher.

Un jour pourtant, sa route croise celle de Paul, un sexagénaire client du magasin. Il se montre touché par cette jeune femme de vingt ans aux allures d’adolescente. Dans son regard, elle n’est plus cette femme transparente, ce robot suscitant l’indifférence voire le mépris, mais une femme à part entière, dense, respectable et respectée. Et de lui proposer de sortir de sa routine : il part le lendemain pour la Bretagne avec son fils médecin, Jérôme, et propose de les emmener son fils et elle découvrir la mer avec eux. Un avant-goût du bonheur? Méfiante, si souvent trahie par les hommes, Julie finit toutefois par accepter.

Tous les quatre embarquent à bord de la voiture de Paul. Ce dernier, récemment quitté par sa femme, Jérôme, jeune veuf, Julie et Lulu, sont tous à un carrefour de leur existence. Parviendront-ils à négocier ce virage de la vie, à prendre la corde du bonheur et à laisser sur le bas-côté blessures et chagrin? Ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus. Je ne voudrais en aucun cas vous ravir le bonheur qu’éprouve tout lecteur de ce roman au fil des pages emplies de tendresse, d’authenticité et d’humour.

Ce roman, sublime ode à l’espoir, est l’histoire d’une «coalescence», un terme scientifique que l’auteur redéfinit comme «un rapprochement de personnes sensibles et meurtries, dont le contact entraîne une reconstruction solide de chaque élément à travers le tout qu’ils forment».

Un concentré d’émotions dans un écrin de talent. Magnifique…

A lire, à relire, à offrir!

P.20 « Parfois, dans la vie, on a le sentiment de croiser des gens du même univers que nous… Des extra-humains, différents des autres, qui vivent sur la même longueur d’onde, ou dans la même illusion. »

P.115 : Ce soir il m’a dit « Je t’aime ». Je lui ai dit « Je t’aime » en retour. Puis il a ajouté : « Alors, on se t’aime tous les deux maman. » Oui mon Lulu, on se t’aime tous les deux…