« Ma psy, mon amant » de Brigitte Kernel : autopsie d’un psy

Kernel

Ma psy, mon amant, de Brigitte Kernel

Éditions Léo Scheer, juin 2011

 

Autopsie d’une psy 

      Voilà quatre ans qu’Annie suit une psychothérapie. Plus de deux cents consultations au cours desquelles elle s’épanche sur sa vie, devant la thérapeute par définition totalement neutre dans l’abord des situations et des problèmes. Et pourtant, ce jour-là, tandis qu’elle lui avoue vivre une relation adultérine, sa psy perd sa bienveillante neutralité. Gestes auto-centrés, tremblements, lunettes triturées entre ses mains, un trouble perceptible fend son armure de thérapeute.

      Et Annie de s’interroger. Pourquoi et en quoi ses propos la déstabilisent? Elle décide alors de creuser le sujet, d’entrer un peu plus loin à chaque entretien dans les détails de sa vie intime avec son amant et d’épier les réactions de la psy. Une violation de l’asymétrie des échanges qu’elle trouve jubilatoire. Celle censée l’aider est mise en position de fragilité. Plus elle évoque ses rencontres avec son amant, plus elle génère un mal-être palpable chez l’autre. Un pouvoir excitant, presque machiavélique. Et mystérieux. La psy connaît-elle son amant? A t-elle déjà elle-même eu une relation adultérine ou rêvé d’en avoir? Ce qui est certain, c’est que ce sujet la perturbe. Fortement. Et si rien de personnel de la part de la psy ne doit interférer dans le travail thérapeutique, Annie entend bien dynamiter ce principe de base.

      Jusqu’où ira t-elle pour y parvenir ?

      Cette histoire en trois actes – qui se prête à merveille à une adaptation au théâtre- tient le lecteur en haleine de bout en bout. Une analyse d’une justesse chirurgicale des rapports patient-thérapeute, des projections, fantasmes, transferts, de ces moments fragiles où la vie peut basculer et mener aux frontières de la folie, menée au scalpel de la brillante plume de Brigitte Kernel.

 

p. 16 : « J’avoue, je me réjouissais «  Elle aimerait avoir un amant et elle n’y arrive pas! Tout ce que je lui raconte la ramène à son incapacité à se lancer dans une double vie. C’est vrai, souriais-je en moi-même, que je dois être agaçante à être aussi heureuse dans une situation qu’on juge généralement bancale. »

 

Informations pratiques:

Prix éditeur: 18€

Nombre de pages: 222

ISBN: 9782756 103150

Le fils, de Michel Rostain : prix Goncourt du premier roman 2011

 

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Le fils, récit de Michel Rostain

 

Editions Oh ! 2011

 

Ce récit a reçu le prix Goncourt du premier roman 2011.

 

 

 

On n’a jamais eu un enfant, on l’a toujours (Marina Tsvetaïeva) 

 

Le soir même du drame, un ami l’appelle. « Je ne sais pas si un tel jour tu peux entendre ce que je voudrais te dire, mais j’ai vécu cette horreur il y a quelques années, ce désespoir absolu. Je veux te dire qu’on peut vivre avec ça ». ‘Ça’, c’est l’impensable, l’intolérable, le cauchemar éveillé : la mort de son fils Lion, foudroyé à l’âge de 20 ans par une méningite.

 

Pour mettre à distance sa douleur, l’auteur et père emprunte la voix de son fils. Lion parle ici au papa endeuillé. Il se permet de plaisanter, de le railler, d’évoquer de même son intolérable chagrin. Lion nous décrit avec une ineffable émotion, une infinie pudeur mais aussi beaucoup d’humour et d’ironie comment s’est déroulé le drame, mais aussi les jours précédents, puis la vie sans lui désormais. Du marketing des obsèques à son odeur conservée dans ses effets personnels, en passant par la répartition de ses cendres sur le volcan islandais, le lecteur passe du rire aux larmes, tandis que le sujet, grave s’il en est un,  eût facilement pu verser dans le pathos. Et d’évoquer ces regrets propres à tout deuil, le passage en revue de tout ce que l’on aurait pu ou dû faire, dire, savoir, montrer.

 

 Loin d’être un récit où l’auteur s’asseoit dans un fauteuil de lamentations et pleure sur son sort, ce récit bouleversant est une magnifique ode à la vie. « Chaque jour de vie est pour papa comme une décision de vivre. (…). Maintenant que je suis mort il crie à tout bout de champ « Vive la vie ! » avec un volontarisme fou. Il lui faut crier cela, «  Fiat lux ! ».

 

  Un récit qui fait trembler, car cette mort qui touche un proche peut nous concerner tous, mais aussi et surtout, un livre qui est un cri d’amour d’un père à son fils, nous montrant combien les moments partagés, dussent-ils avoir été trop courts, ont laissé une empreinte indélébile dans le cœur et l’âme de ceux qui restent…

 

  P. 9 : un poème qui illustre parfaitement le propos :

 

Chercher encore des mots

 

Qui disent quelque chose

 

Là où l’on cherche les gens

 

Qui ne disent plus rien

 

 

 

Trouver encore des mots

 

Qui savent dire quelque chose

 

Là où l’on trouve des gens

 

Qui ne peuvent plus rien dire

 

 

 

Erich Fried

 

 

 

Informations pratiques :

 

 

 

Prix éditeur : 15.90€

 

Nombre de pages : 174

 

ISBN : 9782361 070 175

 

 

 

Le Karinotron avec… Marine Bramly !

bramly

Marine Bramly est née en 1969 à Dakar. Fille d’ethnologue, elle a beaucoup voyagé, du Sénégal au pays de Galles, confrontée très jeune à la diversité des milieux, des niveaux sociaux, des coutumes. Elle a été journaliste, notamment au magazine Elleet se consacre aujourd’hui à l’écriture.Son premier roman, Festin de Miettes,paru aux éditions JC Lattès en 2008, a reçu le Prix de l’Héroïne Madame Figaro et le Prix René Fallet.Quant àMon Petit Bunker,son deuxième roman paru en 2011 chez JC Lattès, il évoque un double voyage, destination l’Afrique et le Pays de l’Enfance. Ou comment ce qui peut apparaître comme une enfance merveilleuse peut s’avérer être un handicap à l’âge adulte.

       Merci à Marine Bramly de s’être prêtée avec tant de gentillesse au Karinotron, l’interview en cinq questions :

 

1- Votre livre de chevet : 

Pas vraiment de livre de chevet, juste des lectures qui m’ont marquées. Par exemple : Les Enfants de Sanchez.

 

2- Vos lectures: 

Electrico W, d’Hervé Le Tellier, chez Lattès. Très différent de son épatant Assez Parlé d’amour mais formidable aussi.

3- Votre façon d’écrire : 

J’écris comme on fait une « Barbapapa » : en y revenant sans cesse jusqu’à bien étoffer le bâton.

 

4. Votre rapport aux lecteurs

Autant de lectures différentes d’un même roman que de lecteurs, alors c’est un peu eux aussi qui écrivent les livres. Donc double respect.


5. Votre prochain livre : 

Mon prochain livre ? Pas encore de sujet arrêté.