Le MAGISTRAL roman de Ferdinand Laignier-Colonna : Marche ou rêve

Marche ou rêve, Ferdinand Laignier Colonna EHO

Un bijou de cette rentrée littéraire à ne manquer sous AUCUN PRETEXTE. Un premier roman aussi impertinent que drôle, aussi profond que brillant, d’une flamboyance hors du commun. Un ouvrage sans concession sur le handicap et sur le regard que la société porte sur lui.

Amitié, amour et maladie

Ils sont quatre copains corses inséparables : Marcos, François, Romain et le héros. En fait, ils sont en réalité cinq. Car la maladie, une myopathie dégénérescente, accompagne 24h/24 le jeune homme. « Une maladie sauvage, indomptée qui s’organisait des repas orgiaques de muscles pour, à terme, laisser sans énergie, aussi athlétique qu’un mollusque. » Mais qu’à cela ne tienne, tout problème à sa solution quand on a des amis, une volonté farouche et une énergie phénoménale. Alors le soir, porté par l’un, poussé par l’autre, il sort avec eux dans les bars. La nuit, il surfe sur les sites de rencontres, mais si lui assume sereinement son handicap, le regard que posent les autres sur lui le réduit à sa maladie et les femmes fuient. Sauf une. Sauf une certaine Laura. Et, deuxième rayon au soleil de son existence, le neurologue lui annonce qu’un nouveau traitement est testé actuellement et des protocoles thérapeutiques recrutent des profils semblables au sien. Si le traitement marche, alors lui aussi marchera peut-être, du moins devrait-il retrouver une certaine mobilité et donc une plus grande autonomie.

Mais quand la faim de vous affranchir de la maladie vous tenaille depuis si longtemps, quand le besoin irrépressible d’être libéré des douleurs et du fauteuil roulant gronde en vous, quand la peur panique que le handicap ne s’érige en obstacle dans votre couple devient térébrante, alors grande est la tentation de bruler les étapes, de vouloir aller plus vite, plus haut, plus loin. Ce qui n’est pas sans risque…

Un premier roman incontournable de cette rentrée littéraire

Il y a des livres au sujet desquels on a presque envie de se contenter de dire « Lisez-le ! Lisez-le et vous verrez ! », tant on a le sentiment que tout ce que l’on pourra en dire restera en deçà de ce que l’on aimerait exprimer. Marche ou rêve, de Ferdinand Laignier-Colonna, paru aux éditions Heloise d’Ormesson en ce mois de janvier, fait partie de ces rares livres-là. Le titre, magnifique, se voulait annonciateur d’un contenu qui le serait tout autant. Promesse plus que tenue. Dans ce premier roman, Ferdinand Laignier-Colonna réalise un véritable tour de force : évoquer le handicap du point de vue de la personne handicapée de façon totalement décomplexée, nous faire rire de sujets graves, se montrer drôle et profond à la fois, corrosif mais jamais irrévérencieux ni choquant. Avec un humour jubilatoire, l’auteur envoie paître les clichés et les contradictions d’une société qui prône le bien-vivre ensemble dans un monde uniquement conçu par et pour les valides.

Mais pas seulement. Ce roman est aussi une ode à l’amitié et à l’amour, à ces liens humains plus puissants que tous les antalgiques et autres traitements contre la douleur et la maladie, contre les coups de blues aussi.

On rit, on tremble, on applaudit, on pleure aussi parfois, tant ce roman est un concentré d’émotion dans toutes ses acceptions. Ferdinand Laignier-Colonna donne tant de consistance à ses personnages, les rend tellement vivants, que l’on a envie de prendre tout ce petit monde dans les bras et de les aider à donner corps à leurs rêves. Une invitation à aimer, à rêver, à vivre pleinement, quitte à se brûler les ailes. Une lecture galvanisante tant l’énergie de l’auteur est contagieuse.

Dire que c’est un très bon roman ? Non. C’est bien davantage. Un roman magistral, tant au niveau du fond que du style si maitrisé, si fluide, si énergique et émaillé de formules qui claquent. Un livre qui ne laisse pas indemne : vous ne regarderez plus jamais le handicap et les personnes handicapées de la même façon.

Vous êtes encore là à me lire ? Mais vous devriez avoir déjà filé en librairie pour l’acheter !

Informations pratiques

Marche ou rêve, Ferdinand Laignier-Colonna – éditions Héloïse d’Ormesson, janvier 2023- 224 pages – 19€

Rentrée littéraire : La filature, Arnaud Sagnard

la filature Arnaud Sagnard

C’est un roman qui glace le sang. Ou quand l’humain n’est plus qu’un pion pour l’entreprise, pion que l’on manipule sans état d’âme et sacrifie sur l’autel de la rentabilité.

Refonte complète d’entreprise et coût humain

Los Angeles, 2017. Daniel Stein travaille comme conducteur de bus depuis des années dans la même compagnie, la Los Angeles County Metropolitan Transportation Authority. Employé modèle et expérimenté, il a le privilège de rouler sur la ligne la plus agréable, la ligne 2. Aussi, quand il est convoqué au bureau du DRH, il ne s’attend absolument pas au séisme qu’on lui réserve. L’entreprise entame en effet une refonte complète de son organisation et demande à Daniel Stein de passer dans l’équipe des hiboux, chauffeurs ainsi surnommés car ils travaillent de nuit.  Une rétrogradation humiliante. Car travailler de nuit, c’est côtoyer les passagers ivres, agressifs, paumés, être le témoin de bagarres. Cette décision entrera en vigueur la semaine suivante.

Un homme dans l’ombre observe la réaction du chauffeur, c’est Jonathan Harris, senior Partner pour une compagnie d’assurances. Daniel Stein va-t-il capituler, se soumettre à la décision du DRH, ou va-t-il embarquer ses collègues et les syndicats dans un mouvement de rébellion ? Cet homme est un cobaye à son insu, l’élément clé d’un stress test : si Daniel Stein, le meilleur élément de la compagnie, accepte les nouvelles conditions, alors les autres chauffeurs le suivront. S’il s’y oppose, alors les risques pour la compagnie d’assurances sont élevés et assurer la compagnie de bus n’est pas souhaitable.

En filant le conducteur, Jonathan Harris ne s’attend cependant pas à ce qu’il va découvrir à son sujet…

Se libérer de l’enfance

En cette rentrée littéraire, Arnaud Sagnard publie son deuxième roman aux éditions Stock : La filature. Un thème très actuel, celui des restructurations d’entreprise. Quand on parle de restructuration d’entreprise, on met le plus souvent l’accent sur les licenciements que cela engendre et donc sur le personnel licencié. Mais les coûts sociaux qui portent sur les salariés qui demeurent dans l’entreprise reconfigurée sont peu abordés. C’est cet angle que choisit l’auteur, qui se focalise sur un des meilleurs éléments de l’entreprise pour mesurer comment il encaisse le choc. Les pratiques managériales glacent le sang. Cet homme n’est qu’un pion, un élément témoin que l’on suit pour savoir si la mesure va bien passer avec le reste des employés ou non. Un fusible en quelque sorte. Peu importe qu’il saute, peu importe l’impact sur sa vie personnelle, on est dans une expérience déshumanisée. Mais cette fois, Daniel Stein ne va pas être mis KO. Cette humiliation de plus, de trop, va peut-être lui donner le ressort de réagir, de se libérer du fardeau qu’il traine depuis l’enfance.

Si le sujet est très intéressant, le style très lyrique et les nombreuses digressions cassent le rythme et diluent la tension narrative. La proximité nouée avec le personnage en souffre aussi. Le fond m’a séduite, la forme moins. Un sentiment mitigé donc.

Littérature jeunesse : Mes premières expériences scientifiques

Mes premières expériences scientifiques

Un livre passionnant, qui propose aux enfants d’expérimenter par eux-mêmes divers procédés scientifiques à partir de matériel très simple. Pour développer la persévérance, la concentration, l’observation et se familiariser au raisonnement scientifique.

Faire ses premières expériences scientifiques

Votre enfant aime comprendre ce qui l’entoure, a l’esprit curieux, pose mille et une questions sur ce qu’il observe? Alors non seulement cet ouvrage se propose d’apporter des réponses à près de 60 phénomènes scientifiques, mais ces réponses seront trouvées par l’enfant lui-même au moyen d’expériences drôles et enrichissantes. Qu’est-ce que l’électricité statique? En quoi consistent les illusions d’optique? Comment voir à l’intérieur de la main? Ce sont quelques unes des questions que l’enfant pourra élucider en se référant aux expériences scientifiques illustrées pas à pas, expériences qu’il devra reproduire. Et nul besoin de matériel complexe, les objets du quotidien suffisent!

Développer l’esprit scientifique chez l’enfant

Avec Mes premières expériences scientifiques, paru aux éditions Usborne, l’enfant va apprendre en s’amusant. C’est un ouvrage illustré, clair, avec des explications concises et accessibles, très instructif. Non seulement l’enfant va réaliser lui-même les expériences et intégrer les notions scientifiques que l’expérience met en avant, mais il va aussi apprendre à développer d’autres qualités. En effet, les scientifiques font de nombreux essais avant d’obtenir le résultat recherché : si l’enfant échoue lors des premiers essais, il devra recommencer, ne pas se décourager et apprendre la persévérance. Il sera tellement fier quand il obtiendra le résultat attendu! Et puis, faire des expériences nécessite de l’organisation, de la précision, de la patience, de la concentration, de la réflexion. Des qualités que cet ouvrage se propose de développer chez l’enfant.

Site des éditions Usborne : https://usborne.com/fr/

Informations pratiques

Mes premières expériences scientifiques, James Maclaine, Lizzie Cope, Rachel Firth, Darran Stobbart (texte) et Diego Funck, Petra Baan (illustrations)- éditions Usborne -65 pages – 13,95€

Glissez Barbara Abel dans votre poche!

Les felures barbara abel pocket éditions

Qui est le meurtrier d’un être qui se suicide ? Lui seul, ou aussi ceux qui l’ont conduit à ce désespoir fou ? Un thriller psychologique brillant, impossible à lâcher.

Suicide : à qui la faute ?

Quand Roxane se réveille dans son lit, c’est la stupeur. Martin est à ses côtés, mort. Et elle devrait l’être aussi. Sur leurs tables de chevet respectives, des lettres expliquant leur geste. Un suicide par injection de substance toxique à haute dose. Mais leur plan n’a pas fonctionné. Seule survivante, elle va devoir répondre pour eux deux de leur acte, fournir des explications à sa famille, à sa belle-famille, aux enquêteurs.

Qu’est-ce qui a pu pousser un jeune couple si fusionnel, si aimant, à commettre pareil geste ? Pour Garance, la sœur de Roxane, c’est la sidération. Comme pour la riche famille de Martin.

Prostrée, Roxane donne peu d’éléments pour comprendre. Et si ce suicide commun n’en était pas un, contrairement aux apparences ? Roxane, élevée par une mère alcoolique, tyrannique et violente, a un lourd passé derrière elle. Et des secrets tout aussi lourds. A-t-elle vraiment voulu mourir ? En tant qu’élève en médecine, elle sait pratiquer des injections. Aurait-elle pu souhaiter la mort de Martin et avoir sciemment injecté des doses différentes à chacun d’entre eux ?

Garance veut croire à l’innocence de sa sœur. La famille de Martin à sa culpabilité. Où se situe la vérité ?

Un thriller psychologique brillant

Avec Les fêlures, paru aux éditions PocketBarbara Abel nous livre un thriller psychologique impossible à lâcher. Une forme de Roméo et Juliette revisité avec brio. Tout part sur la découverte de deux corps, dans ce qui semble être un suicide collectif. Une femme issue d’une famille modeste, belle et intelligente et un jeune homme au physique ingrat, appartenant à une famille bourgeoise.

L’auteure joue alors avec les nerfs du lecteur, sème des indices pour lui faire croire à une thèse, afin de mieux le faire douter ensuite. On s’engage sur un chemin et soudain, les soupçons vous gagnent, de même qu’une grande fébrilité : les apparences sont trompeuses, les coupables ne sont pas ceux auxquels nous pensions, et il faut alors explorer une autre piste, vite lire la suite le regard aimanté aux pages. Les rebondissements se multiplient, les pièces du puzzle se mettent en place, et le tableau final nous offre une chute vertigineuse…

Barbara Abel excelle dans la construction de son histoire, dans la finesse de l’analyse psychologique de ses personnages, dans sa capacité à maintenir une tension narrative constante. En fil rouge, elle nous interroge : quel est le véritable meurtrier d’un être qui se suicide ? Lui-même ? Certes. Mais pas seulement. Il y a aussi celles et ceux qui par leur attitude, leurs propos, ont conduit à ce geste irrémédiable. Il y a le poids de la société, celui des ambitions démesurées. Rien n’est aussi simple qu’il n’y parait.

Un roman fascinant.

Informations pratiques

Les fêlures, Barbara Abel – éditions Pocket, janvier 2023 – 475 pages – 9,20€

Pierre Lemaitre : Le silence et la colère

Le silence et la colère

Après Le grand monde, premier tome de sa tétralogie consacrée à la période des Trente Glorieuses, Pierre Lemaitre poursuit la fascinante saga de la famille Pelletier avec Le silence et la colère. Un roman social aussi captivant que brillant.

Les trente Glorieuses

Nous sommes en 1952, aux côtés de la famille Pelletier. Les parents sont restés à Beyrouth, tandis que les trois enfants, Hélène, François et Jean, sont venus s’installer à Paris. Les descendants n’ont pas voulu reprendre l’entreprise familiale de savonnerie libanaise et chacun tente de percer dans la voie qu’il a choisie. En cette période des Trente Glorieuses, chaque enfant est à un tournant de sa vie personnelle et professionnelle. François est journaliste à la rubrique faits divers du Journal du soir mais aspire à être affecté aux enquêtes sociales. Il est tourmenté par sa compagne dont il découvre qu’elle lui ment sur ses origines. Sa jeune sœur Hélène se consacre au reportage photo au sein de la même rédaction. A 23 ans, contrairement à nombre de ses amies, elle ne rêve pas de maternité. Mais se retrouve enceinte d’un homme marié. Que faire de cet enfant non désiré dans une société qui refuse le droit à disposer de son corps ? Quant à l’ainé, Jean, alias Bouboule, qui s’est illustré par de retentissants échecs professionnels comme personnels, marié à l’acariâtre Geneviève, c’est l’heure de saisir enfin sa chance. Il va ouvrir un magasin de vêtements d’un nouveau genre : une grande surface proposant des vêtements en quantités impressionnantes et à bas prix. Un investissement lourd pour lequel il joue quitte ou double. Encore faut-il qu’il ne soit pas rattrapé par ses crimes passés…

La famille pelletier va-t-elle bien négocier les virages que le destin place sur sa route ?

Un coup de (Le)maître

Lire Pierre Lemaitre est un enchantement. Un envol romanesque dans la lignée de Dumas, de Zola, de ces auteurs qui dépeignent avec talent la société à travers des feuilletons captivants. Avec ce nouvel opus, paru aux éditions Calmann-Lévy et intitulé Le silence et la colère, Pierre Lemaître nous transporte 70 ans en arrière, aux côtés d’une galerie de personnages tous plus truculents et attachants (ou détestables pour certains comme Geneviève) les uns que les autres. Chacun ressent un mélange de silence et de colère : colère de devoir se soumettre en silence aux diktats de la société, de la famille, du couple.  Le silence et la colère, c’est l’histoire d’une famille qui s’inscrit dans l’Histoire. Celle de l’interdiction d’avorter pour les femmes, sous peine de poursuites pénales. Celle de l’avènement de la grande distribution aux dépens des petits commerces de proximité. Celle de la revendication de meilleures conditions de travail et du droit de grève. Celle des grandes constructions comme les barrages, au détriment des petits villages. Pierre Lemaitre a l’exceptionnel talent de nous faire vivre au diapason de ses personnages, de trembler, de rire, de râler, de pleurer avec eux. Une immersion possible tant l’auteur sait donner de la chair à chaque personnage, maintenir le lecteur en haleine, attiser ses attentes, le garder captif dans le lasso de ses mots. Magistral.

C’est un roman foisonnant, fascinant, brillant, indiciblement vivant, riche en rebondissements, avec un twist final jouissif. Qu’il va être long d’attendre le tome suivant !

Pour information, les lecteurs qui n’ont pas lu Le grand monde peuvent tout à fait lire ce roman, sans être perdus. Tout est conçu pour permettre la compréhension de l’intrigue indépendamment du premier tome. Mais il est certain que ce roman terminé, vous vous jetterez sur le premier !

Informations pratiques

Le silence et la colère, Pierre Lemaitre- Editions Calmann-Lévy, janvier 2023 – 582 pages -23,90€

30 héros qui changent le monde

30 héros qui changent le monde

Un ouvrage fascinant, qui dresse le portrait de 30 hommes et femmes passionnés, qui ont chacun dans leur domaine fait avancer la recherche, les sciences.

30 héros qui ont changé le monde

Ils sont 30 hommes et femmes, à avoir révolutionné le monde à leur manière. Des passionnés qui ont investi toute leur énergie, leurs compétences et leurs connaissances, pour faire avancer les choses dans tous les domaines de l’existence. Que ce soit Isabelle Fromantin, qui a permis que des chiens soient éduqués à détecter l’odeur du cancer chez les humains pour un dépistage plus précoce, Suzanne Noël la première chirurgienne réparatrice des gueules cassées à l’heure où la médecine était une affaire exclusivement d’hommes, ou encore Juan Vucetich et le développement des empreintes digitales pour la police scientifique, tous sont sortis de leur zone de confort et se sont acharnés à faire avancer la science, à monter qu’il était possible de faire avancer le monde au delà des limites jusqu’alors connues.

Un superbe et passionnant ouvrage

C’est un livre inspirant pour les filles et garçons qui rêvent d’inventer l’avenir, de participer à la grande marche du monde. Avec 30 héros qui changent le monde, paru aux éditions Paulsen en novembre 2022, Claire le Bestour et Emmanuelle Halgand nous entrainent sur les traces de 30 brillantes personnes. Les textes sont très accessibles, concis, vivants et retracent les progrès permis grâce aux travaux de ces êtres acharnés, tout en replaçant ces derniers dans leur contexte économique, historique, politique et social. De très beaux exemples pour la jeune génération, prouvant si besoin était, que le courage, la persévérance, l’exigence et l’intelligence réunis permettent de faire de grandes choses.

A lire absolument !

Informations pratiques

30 héros qui changent le monde, Claire le Nestour (textes) et Emmanuelle Halgand (illustrations) – éditions Paulsen, novembre 2022- 19,90€- 135 pages

Christine Orban, Soumise

Christine Orban Soumise

Tout le monde connait le brillant Blaise Pascal. Mais sa sœur Jacqueline, dont l’intelligence n’avait rien à envier à celle de son frère, est demeurée méconnue. Christine Orban la sort de l’ombre dans ce portrait d’une femme hors du commun.

La sœur de Blaise Pascal

Il n’est pas facile de perdre sa mère quelques mois après sa naissance, cinquième enfant d’une fratrie qui compte déjà deux défunts. Il n’est pas facile non plus d’être la sœur d’un génie, aussi grand soit leur amour l’un pour l’autre et l’admiration qu’ils se vouent. C’est dans ce contexte que Jacqueline Pascal vient au monde, en 1623. Elevée par son père, instruite par ce dernier et par sa sœur ainée Gilberte, elle montre très vite des dispositions exceptionnelles pour la langue française et plus particulièrement poésie. La famille Pascal a ainsi deux prodiges : Blaise, mathématicien, physicien et inventeur de génie et Jacqueline, sa cadette, aussi douée pour les lettres que Blaise l’est pour les chiffres. Jacqueline, un fort tempérament, est bien décidée à égaler son frère par ses propres moyens, dans son domaine de prédilection. Elle se bat pour ne pas rester dans son ombre, dans un siècle où les femmes sont reléguées au second plan. Elles est d’ailleurs très vite remarquée, invitée à déclamer des vers devant la reine Anne d’Autriche.

Mais, soumise à son père, à son frère à la santé si fragile qu’elle doit jouer à l’infirmière jour et nuit, elle se détourne peu à peu de la cour, du monde du paraître, de la flatterie et de la fête, pour se consacrer à sa foi. Pour se soumettre à Dieu. Pour Jacqueline, Blaise doit se détourner de sa science pour la suivre sur la voie de la foi. Pour Blaise, la foi n’a pas à être exclusive, et peut très bien cohabiter avec a recherche scientifique. Entre le frère et la sœur, si fusionnels, c’est le déchirement…

Une femme soumise à son père, à son frère et à la religion

C’est une mise en lumière très intéressante que nous offre Christine Orban avec Soumise, aux éditions Albin Michel. Elle nous brosse le portrait d’une femme paradoxalement forte de caractère, déterminée, brillante, à contre-courant de la place de second plan réservée aux femmes à cette époque, mais soumise au désir de son père, soumise au devoir de porter assistance à son frère, soumise à sa pratique extrémiste de la foi. Une femme à qui la célébrité tendait les bras, dont la présence était recherchée par les plus grands, mais qui a choisi l’effacement et le renoncement avec cette vie de religieuse janséniste.

C’est un livre très documenté sur la famille Pascal, et plus largement, sur le contexte historique et social de ce XVIIème siècle. L’occasion de découvrir une femme hors du commun, celle que Blaise Pascal aimait le plus au monde.

Informations pratiques

Christine Orban, Soumise – éditions Albin Michel, janvier 2023 – 292 pages – 20,90€

Citation du jour

LE CREDO DE L’OPTIMISME.

« Je suis optimiste parce que je trouve le monde féroce, injuste, indifférent.

Je suis optimiste parce que j’estime la vie trop courte, limitée, douloureuse.

Je suis optimiste parce que j’ai accompli le deuil de la connaissance et que je sais désormais que je ne saurai jamais.

Je suis optimiste parce que je remarque que tout équilibre est fragile, provisoire.

Je suis optimiste parce que je ne crois pas au progrès, plus exactement, je ne crois pas qu’il y ait un progrès automatique, nécessaire, inéluctable,un progrès sans moi, sans nous, sans notre

volonté et notre sueur.

Je suis optimiste parce que je crains que le pire n’arrive et que je ferai tout pour l’éviter.

Je suis optimiste parce que c’est la seule proposition intelligente que l’absurde m’inspire.

Je suis optimiste parce que c’est l’unique action cohérente que le désespoir me souffle.

Oui, je suis optimiste parce que c’est un pari avantageux : si le destin me prouve que j’ai eu raison d’avoir confiance, j’aurai gagné ; et si le destin révèle mon erreur, je n’aurai rien perdu mais j’aurai eu une meilleure vie, plus utile, plus généreuse. »

Eric Emmanuel Schmidt

Ariane Bois : Ce pays qu’on appelle vivre

Ce pays qu'on appelle vivre ariane bois

Un roman d’amour et de guerre, de lumière et de ténèbres. Ariane Bois revient sur un lieu mal connu de l’Histoire : le camp d’internement des Milles, près d’Aix en Provence, seul camp important d’internement et de déportation français.

L’amour en temps de guerre

Opposé au gouvernement du Reich, Léonard Stein, juif allemand, talentueux caricaturiste de presse, a trouvé refuge dans le sud de la France en 1937. Mais en ce printemps 1940, il n’est guère tranquille quand il voit la tournure que prend la guerre. Et il a raison : le gouvernement français a décidé de faire arrêter et interner les ressortissants du Reich, sans aucun discernement. Et donc y compris ceux qui sont profondément antifascistes et ont fui le nazisme. Arrêté par les gendarmes français, il est envoyé à la Tuilerie des Milles, un bâtiment industriel désaffecté près d’Aix en Provence, transformé en camp d’internement. Les détenus sont parqués comme des bêtes dans la boue et la fange, cernés par la vermine et les maladies, immergés dans une odeur pestilentielle. Dans ce lieu cauchemardesque, les prisonniers, au nombre desquels de nombreux intellectuels comme Max Ernst, Max Schlesinger et Franz Hessel, trouvent néanmoins le ressort de s’évader par la création artistique.

Léo n’a qu’une obsession : fuir ce camp, fuir la France, peu importe où et comment. Quand il croise le chemin de Margot Keller, une jeune femme juive, bénévole d’un réseau de sauvetage, qui apporte quelques vivres aux prisonniers du camp des Milles, il trouve en elle une alliée. Et l’amour. Margot va prendre des risques incroyables, mobiliser toute son énergie pour faire évacuer Léo. Se laissent-ils bercer d’illusions ? Comment échapper à un enfer pareil, alors que l’été 42 se révèle plus cruel que jamais, Vichy ayant accepté de livrer les juifs de la zone libre à l’Allemagne ?

Le camp français des Milles

Avec Ce pays qu’on appelle vivre, paru aux éditions Plon, Ariane Bois revient sur le camp d’internement et de déportation français des Milles, sous commandement militaire français. Un camp peu connu. Sur fond de guerre, de xénophobie et d’histoire d’amour, elle nous fait revivre cette macabre page de l’Histoire, évoque les Milles qui ont abrité 10 000 détenus dont 2000 d’entre eux, y compris des femmes et des enfants, furent déportés à Auschwitz. Au milieu de ce chaos, Ariane Bois souligne l’indicible courage des prisonniers, lesquels laissent libre cours à la création artistique : théâtre, peinture, dessin, chant, musique, ce sont plus de 400 œuvres artistiques qui ont été retrouvées à la libération du camp. Une façon qu’ont trouvé ces hommes et ces femmes pour résister à la déshumanisation et à la persécution. L’histoire d’amour entre Léo et Margot apporte une bouffée d’oxygène salutaire à l’enfer de ce lieu, aide le lecteur à ne pas être complètement accablé par l’indicible cruauté dont les juifs furent victimes dans ce camp.

Un roman nécessaire. Un devoir de mémoire.

Informations pratiques

Ariane Bois, Ce pays qu’on appelle vivre – éditions Plon, janvier 2023- 20,90€- 286 pages

Femmes militantes : 23 portraits qui nous inspirent

Femmes militantes éditions Fleurus

Voilà un livre aussi passionnant par son contenu que beau par la qualité de sa mise en page et de ses illustrations. Un ouvrage inspirant, qui rend hommage à 23 femmes qui se sont battues pour plus de justice et d’égalité.

23 portraits de femmes engagées

Elles se sont battues pour défendre une cause qu’elles estimaient juste, dans tous les domaines, à travers le monde. Ce sont ainsi 23 portraits de femmes combattives, persévérantes, courageuses, qui sont exposés ici. Louise Michel , la militante anarchiste, Bertha von Suttner, la pionnière du mouvement pacifiste et première femme Prix Nobel de la paix. Ou encore Rosa Parks, mère du mouvement des droits civiques ou Gisèle Halimi, avocate investie dans la défense du droit des femmes, pour ne citer que ces exemples. Des femmes inspirantes, qui ont fait évoluer la société dans le sens d’une plus grande justice et d’une plus grande égalité.

Un livre passionnant

Avec ce superbe livre grand format Femmes militantes, paru aux éditions Fleurus en novembre 2022, Anne Lanoë et Alice Dussutour nous offrent un ouvrage passionnant, aussi bien pour les enfants que pour les adultes. On découvre et on redécouvre les combats des femmes dans tous les domaines, par le biais de portraits concis et clairs, d’illustrations joyeuses, qui replacent chaque femme dans le contexte économique, politique et social de ses actions. Ce livre est très vivant, instructif et peut servir de base à des échanges parents/enfants sur les droits obtenus grâce à ces femmes, sur les avancées rendues possibles grâce à leur pugnacité.

Greta Thunberg, voix de la jeunesse, pour la protection du climat, Malala pour la défense du droit des filles à aller à l’école, Samsat Pal pour la défense du droit des femmes en Inde, sur chaque continent des femmes se sont engagées, ont pris des risques, pour faire évoluer les mentalités et la législation.

Un splendide livre à lire absolument!

Informations pratiques

Femmes militantes, Anne Lanoë (texte) et Alice Dutour (illustrations) – éditions Fleurus, novembre 2022-78 pages – 19,95€