L’addition est pour moi!

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Un supplément d’âme et l’addition, Tonvoisin de La Garlée

Editions Laura Mare, mars 2010

 

« Je vous ai vue vous diriger vers lui, et je vous ai haïe en vous pardonnant ». Cette femme dont il ignore tout, jusqu’au nom, passe devant lui sans le voir, tandis que lui ne peut en détacher son regard. Pour lui, c’est un coup de foudre. Une évidence. Pour elle, pas la moindre attention. La transparence. Mais comment rivaliser avec cet homme qui s’attire ses faveurs, de ces écrivains de renom dont les medias se font l’écho, lui l’auteur au succès si confidentiel ? Tout comme il se tient à l’écart de ce monde superficiel de paillettes et de strass, il se retrouve dans l’ombre de celle qu’il aime en secret. Cependant, « camusien » dans l’âme, il n’entend pas se résigner. « Sans passion, le monde serait triste et terne. Sans passion, la Terre serait en train de se balancer au bout d’une corde. »  Puisqu’il est plus facile de mourir que d’aimer, il fait le choix de vivre, par amour, pour l’amour, de l’amour. Pour Elle. Comment entrer dans sa lumière ? Comment trouver le chemin des mots à même d’apaiser ses maux ? Car l’amour est là qui le dévore, le malmène, faute de réponse,faute d’assouvissement. Faute de réciprocité. Son cœur bat, tape, cogne, saigne, souffle, s’essouffle, s’emporte, expire, soupire, désire. Il n’est plus qu’une hémorragie vivante en quête d’un seul regard, de quelques mots, d’une caresse, d’un baiser. Ces signes d’Elle qui se feraient garrot. 

Et de choisir la voie de sa voix, l’écriture, pour lui crier cet amour silencieux. Lui rédiger à l’encre du sang qui frappe ses tempes, qui pulse dans son cœur, ce roman dont elle sera l’héroïne à son insu. Elle, la cocaïne de ses jours et de ses nuits, sa drogue. Elle, son oxygène et son asphyxie, son enfer et son paradis. S’y reconnaîtra t-elle seulement?  Et à l’issue de cette parution, y répondra t-elle ? Viendra t-elle à ce rendez-vous, point de fuite des espoirs qui sont siens ou choisira t-elle la fuite, ô désespoir ? Acceptera t-elle son invitation à déjeuner, qu’il cesse de jeûner en-faim?

Il est de ces romans dont les émotions ne s’écrivent pas plus qu’elles ne s’écrivent : elles se vivent : « un supplément d’âme et l’addition » fait partie de ces très rares œuvres-là…

Tonvoisin de La Garlée est un auteur dont Cocteau eût pu dire : « Ecrire est un acte d’amour, s’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture ».  Si l’auteur définit son rapport à l’écriture comme extrême, force est de reconnaître que ce feu qui le consume nous enflamme, nous lecteurs, et ô combien !

Un morceau de bravoure. Une œuvre MAGISTRALE.

 

Citation : « Aimer ce n’est pas du troc, aimer,  Madame, ce n’est pas vouloir, ce n’est pas désirer.; aimer c’est disparaître dans l’autre sans qu’il n’en sache rien, sans jamais se plaindre, sans jamais réclamer ; aimer commence toujours par la peur de soi, la peur de sentiments si violents que l’on craint de ne faire mal à l’être aimé. On devient garde-fou, du fou que l’on devient. »

 

 

Informations pratiques :

Prix éditeur : 16€

Nombre de pages : 160

ISBN : 978 2 918047 31 5

 

Blog de l’auteur : http://tonvoisin.over-blog.fr

L’ardoise magique, de Valérie Tong Cuong : bouleversant

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L’ardoise magique, Valérie Tong Cuong
Editions Stock, mars 2010

« Ce qui ne va pas, c’est que je n’ai pas sauté. Ce qui ne va pas, c’est qu’elle, elle a sauté. » Voilà cette pensée térébrante qui hante Mina, tandis qu’elle a rompu le pacte scellé avec sa meilleure amie, Alice : se suicider ensemble en se jetant sous un train. A la dernière seconde, elle n’a pas pu…

Mina, adolescente complexée, repliée sur elle-même, transparente dans le regard des autres et surtout dans le sien. Mina, de père inconnu, de mère décédée rongée par l’alcool, élevée par des proches qui voient en elle un fardeau. Mina au passé très lourd, absente à son présent, à l’avenir bouché. Mina, qui se sent encore plus mina-ble désormais.

Tandis qu’Alice… Alice, son double inversé, avait en apparence tout pour être heureuse. Solaire, spirituelle, belle, intelligente, érudite, élevée dans l’aisance matérielle. Alice à qui il ne manquait rien…en apparence.

Alors pourquoi, pourquoi Alice a-t-elle pris cette décision et l’a-t-elle suivie jusqu’au bout ? Car si Mina l’a rejointe dans ce désir de mettre fin à ses jours, elle réalise l’avoir fait sans jamais comprendre les motifs de son amie. Pourquoi Alice, vivant « au pays des merveilles », éprouvait-elle ce désenchantement ? L’image inversée d’elle-même qu’elle lui offrait dans le miroir de leur ineffable amitié était-elle un faux-semblant ? Ce miroir reflétait-il ce que Mina voulait voir et non ce qui était vraiment ? Car qui était Alice réellement, profondément, au plus secret de son cœur et de son âme ? Ce reflet d’un être à qui la vie sourit n’était-il qu’une projection d’un idéal fantasmé ? Etait-ce un miroir sans tain, lequel se laisse regarder mais empêche de voir au-delà de lui ? Là se trouve la clef du mystère qu’il appartient à Mina de percer. Car en perdant Alice, elle a perdu l’Amie par excellence, celle qui comprend tout au premier regard, celle qui vous donne plus de confiance que vous n’en avez en vous-même, celle qui répond toujours présente. Celle dont la simple existence illumine votre vie.

Et d’investiguer, encouragée par un autre éclopé de la vie que le destin mettra sur sa route : Sans-Larme, un barman gothique un peu marginal, plein de bon sens, de lucidité, touchant d’altruisme et désireux de permettre à l’adolescente perdue de retrouver des balises.

Quel est le sens de la vie ? Quelles sont ses authentiques valeurs ? Où se situe l’essentiel ? Subit-on l’avenir ou le fait-on ? C’est à ces questions que Mina devra répondre pour résoudre l’énigme de la mort de son amie et …celle de sa propre survie.

 

Avec une fluidité exemplaire, une tension constante et une sensibilité à fleur de plume, Valérie Tong Cuong nous emmène sur les traces de Mina, sur son « parcours initiatique », jusqu’à la chute finale, somptueusement inattendue, vertigineusement belle. Elle nous montre brillamment que le manque peut générer deux attitudes : là où certains y puisent un surcroît de vie, une volonté farouche de le combler, d’autres s’y laissent dépérir, assis dans un fauteuil de lamentations stériles. Alors, être acteur de sa vie ou simple spectateur ? Modifier le prisme de son regard pour savoir déceler les richesses de l’existence et les faire prospérer ou ne se focaliser que sur ce qui ne va pas ?

 

Un roman poignant, véritable ode à la vie, au sujet duquel Christian Bobin aurait pu écrire « Il faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait ce qu’un peu. Il nous faut naître par la chair et ensuite par l’âme. »

Informations pratiques :

Nombre de pages : 176
Prix éditeur : 17€
ISBN : 978.234.06419-5

Bibliographie de l’auteur  :

L’ardoise magique, Editions Stock mars 2010
Providence, Editions Stock 2008
Noir dehors, Editions Grasset 2006
Ferdinand et les iconoclastes, Editions Grasset 2003
Gabriel, Editions J’ai lu 2002
Où je suis, Editions Grasset 2001
Big, Nils Editions 1999

Site de l’auteur : http://www.valerietongcuong.com/