Tais-toi et meurs, de Alain Mabanckou, aux éditions La Branche : un bouc émissaire tout trouvé.

 

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Tais-toi et meurs, de Alain Mabanckou

Éditions La Branche, collection Vendredi 13, septembre 2012

 

     La France, une terre riche en promesses, le sol d’un futur possible pour Julien Makambo et ses frères. Du moins est-ce leur perception depuis le Congo. Muni de faux papiers, il décide donc de tenter sa chance. Et de débarquer sous l’identité de José Montfort à Roissy, où l’attend Pedro, figure de proue du milieu congolais, l’homme qui incarne la réussite entre tous à Paris. « Les jeunes rêvaient de lui ressembler, c’est à dire venir en France, porter de beaux vêtements et descendre au pays pendant la saison sèche pour impressionner la population. »

     Pedro le prend sous son aile, tel un grand-frère. Un abri rue du Paradis où ils s’entassent à sept dans un petit logement, des combines souterraines avec des vols de chéquiers, une nouvelle identité, José Montfort devient le bras droit de son mentor, lui est redevable. Mais cette économie parallèle ne leur permet plus de vivre, crise oblige. Il emboîte alors le pas à Pedro pour une mission mystérieuse censée leur rapporter gros. Mais en ce vendredi 13, rue du Canada, l’affaire tourne mal. Sous ses yeux, le contact de Pedro, une jeune femme blonde, est défenestrée. Les témoins de la chute repèrent Julien. Un homme de race noire dans les parages, c’est forcément suspect. Coupable facile?

     La chasse à l’homme commence. Les esprits s’échauffent. La question de l’immigration en France revient au coeur de l’actualité. Makambo, dont la signification du nom en lingala est « les ennuis » est arrêté. Dans sa cellule, il écrit son histoire.

     Pedro viendra t-il à son secours? Les siens agiront-ils en frères protecteurs? Est-il le bouc émissaire des seuls locaux à l’égard des étrangers ou l’est-il aussi de ceux du milieu congolais? Quelles sont les règles? Quelles sont ses chances d’en sortir?

     Dans ce roman noir, Alain Mabanckou nous dresse un portrait édifiant de ces immigrés à Paris, des moyens à leur disposition pour subsister à travers une économie parallèle, de leur quotidien bien éloigné du rêve qu’ils en avaient . L’occasion de dénoncer les préjugés racistes auxquels ils doivent faire face, de pointer cette facilité avec laquelle on juge, sans savoir, sans vouloir savoir, sans comprendre…

     Un thriller haletant doublé d’une étude sociologique saisissante.

« Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul? »,de Pierre Szalowski, aux éditions Héloïse d’Ormesson : un antidote à la morosité!

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Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul?, de Pierre Szalowski

Éditions Héloïse d’Ormesson, aout 2012

 

     24 décembre. Veille de Noël. Martin Ladouceur semble avoir tout pour être heureux. Star de hockey, adulé des patinoires, récemment transféré dans la grande équipe des Canadiens de Montréal, il lui a toujours suffi de désirer pour obtenir, de murmurer pour être écouté, de vouloir pour avoir. Et pourtant. Pourtant, en ce jour de réveillon, Martin n’a pour seule compagne qu’une redoutable solitude. « Tu verras, Ladouce, tu finiras seul, tout seul ». Ce qu’on lui avait prédit est arrivé.

     Ses troisièmes mi-temps avec des femmes d’un soir et ses fêtes sulfureuses imbibées d’alcool, sont devenues presque plus célèbres que lui. Sur le déclin, ce milieu de requins qui l’a tant loué ne lui fait aucun cadeau. « C’est de plus en plus dur. Il faut être toujours le plus fort. Surtout qu’arrivé tout en haut, ceux qui t’admirent d’en bas n’ont pour seule ambition que de te faire trébucher pour prendre ta place. »

     Et s’il s’était trompé dans sa quête de bonheur? Pas de compagne à ses côtés, pas d’enfant, pas d’ami véritable, il réalise n’avoir été aimé que pour ses prouesses sportives. Un amour conditionné au nombre de buts marqués et donc révocable.

     Mais tandis que ce réveillon s’annonce pour le moins désenchanté, l’irruption d’un petit garçon de 7 ans dans sa chambre d’hôtel va tout bouleverser. Le coeur de la terreur des patinoires ne reste pas de glace. Et de se poser la question de la paternité, de son désir d’enfant. Naît-on père ou le devient-on? Peut-on parler d’instinct paternel? Et si le bonheur véritable se trouvait dans la capacité à aimer et à être aimé pour ce que l’on est et non pour ce que l’on paraît?

 

     Dans ce roman délicieusement tendre, Pierre Szalowski, joliment qualifié de « bonheuraturge », nous offre un concentré de douceur, de sensibilité et de drôlerie. Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul?  est une petite philosophie du bonheur à lire sans modération, à relire, à offrir.

     Un coup de coeur!

 

P.155 : « L’innocence de l’enfance, c’est cette faculté de se persuader que rien n’est impossible, de croire à la magie sans qu’intervienne la raison » .

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Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, de Marianne Rubinstein, aux Editions Albin Michel

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Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, de Marianne Rubinstein

Editions Albin Michel, aout 2012 

     Trois septembre. Le sol s’ouvre sous les pieds de Yaël. Son mari la quitte. Pour une autre femme. Une de ses amies de surcroît. Comme les feuilles au dehors, elle tombe. Une chute vertigineuse dans le chagrin, le repli sur soi, la douleur de la trahison. Seule la présence de son fils Simon, trois ans, en garde alternée, rythme encore sa vie. A la quarantaine à peine passée, Yaël s’interroge sur cet âge charnière : « C’est quoi pour toi la quarantaine? » demande t-elle inlassablement à ses amies.

     Qu’est-ce que la quarantaine en effet, pour Yaël? L’âge de l’effondrement de son couple, le mi-parcours de son chemin de vie, ou l’aube d’une nouvelle existence?

     Au fil des saisons, Yaël consigne dans son journal la couleur des sentiments qui l’animent. Automne, hiver, printemps, été, ce n’est pas la vie qui continue, c’est une nouvelle vie qui commence. Peu à peu, la jeune femme s’ouvre aux autres, trouve des écho à son ressenti dans la littérature, étend le cercle de ses relations, élargit la palette de ses sentiments. Et découvre la saveur de cette liberté toute neuve, le bonheur de vivre pleinement l’instant présent. Comme une sève nouvelle qui la parcourt.

     Un roman plutôt agréable, mais qui a suscité en moi un enthousiasme automnal plus que printanier…

P. 40 : La colère protège aussi, elle préserve de la souffrance si aigüe qu’elle en tue, elle en diffère l’effet, elle permet au poison de s’infiltrer dans le sang de manière moins brutale.

Le Karinotron avec…René Manzor!

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René Manzor (photo de Pascale Lourmande)

 

     René Manzor était jusqu’alors connu des seuls cinéphiles. Il faudra désormais compter avec lui aussi dans la cour des romanciers.

     Réalisateur et scénariste, on lui doit tout d’abord Le Passage et 3615 Code Père Noël, lesquels retiennent l’attention de Kathleen Kennedy, la productrice de Steven Spielberg. Et Hollywood de lui tendre les bras. A la télévision américaine, il signe la réalisation de plusieurs épisodes de série tels Le voyageur, Highlander, Band of brothers, Les aventures du jeune Indiana Jones. Dix ans plus tard, il renouera avec le cinéma français (Dédales, Un amour de sorcière, Blackout, Monsieur N, …). Et c’est en cette année 2012 qu’il nous offre son premier roman : Les âmes rivales, aux éditions Kéro. Un thriller fantastique époustouflant, qui d’emblée caracole en tête des ventes. Vous pouvez à ce titre retrouver la chronique consacrée à ce coup de coeur en suivant ce lien : Les âmes rivales, de René Manzor : Un règne sans état d’âme.


Avec une extrême gentillesse, René Manzor a accepté de répondre au Karinotron.

Le Karinotron de René Manzor : 

 

1. Votre livre de chevet

Prince of Tides” de Pat Conroy. J’aime la profonde humanité qui transpire de chaque page de Conroy. Les contradictions de ses personnages. La musique de ses phrases, l’odeur de ses mots. Sa façon unique de manier l’humour dans un drame humain. J’aime l’arrière-goût d’enfance sacrifiée mais victorieuse que la lecture de ses ouvrages procure.

 

2- Vos lectures ( en général)

J’aime la littérature populaire, celle d’hier et celle d’aujourd’hui. J’ai toujours préféré Hugo à Balzac. Mais je ne m’interdis rien : chronique, biographie, document, poésie, essai, recueil de nouvelles. Le pouvoir des mots me fascine.

 

3- Votre façon d’écrire

Je ne crois pas à l’idée qui voudrait que l’inspiration soit une sorte de manne créative qui tomberait sur un auteur qui en serait le scribe. Il faut aller chercher l’inspiration au plus profond de soi, comme un mineur qui extrait un minerai précieux. Et dans cet exercice, il y a souvent plus de transpiration que d’inspiration. Il y a aussi des coups de grisou. On n’en sort pas indemne. On en sort le plus souvent bredouille. Il y a tous ces kilomètres que l’on fait en tournant autour de sa table de travail sans rien pouvoir écrire. Dehors, il fait beau. On est tenté de rompre son isolement stérile pour rejoindre les siens. C’est à ce moment-là qu’il faut replonger plus profond et sans bouteille. Comme un derviche tourneur qui cherche le vertige pour que la raison lâche et qu’il puisse enfin accéder à ses visions, j’essaie de me transporter au cœur de l’action que j’imagine et de me servir de mes cinq sens pour en rapporter le témoignage émotionnel le plus exact au lecteur. Le reste n’est qu’une technique d’écriture qui varie selon les auteurs. Je demande à la mienne de structurer mes idées car, chez moi, le plan précède toujours la rédaction proprement dite.

 

4- Votre rapport aux lecteurs

Je le découvre. Et je le trouve singulier. Au sens propre du terme. Je ne m’imagine pas “des” lecteurs mais “un” lecteur. Je raconte mon histoire à une personne. Je lui chuchote à l’oreille. Le rapport entre romancier et lecteur est, à mes yeux, beaucoup plus intime que celui qu’un cinéaste entretient avec son public. Un film, c’est une histoire que l’on raconte à un groupe de personnes. Et, même s’il nous est donné de les rencontrer lors de tournées ou dans les festivals, le rapport reste pluriel. À la sortie d’un roman, les témoignages que l’on reçoit lors des “signatures” chez les libraires, sur les sites de vente en ligne, sur les blogs littéraires, ou sur Facebook, vous apportent enfin la preuve que cette communion singulière par les mots est à double sens.

 

5- Votre prochain livre

Mystère…  

                                                      Site de l’auteur :www.renemanzor.com