Citation du jour

Nous ne devons pas nous efforcer de retenir le passé ou de le reproduire. Il faut être capable de se métamorphoser, de vivre la nouveauté en y mettant toutes nos forces. Le sentiment de tristesse qui naît de l’attachement à ce qui est perdu n’est pas bon et ne correspond pas au véritable sens de la vie.

Hermann Hesse

©Karine Fléjo photographie

Ceux qui s’aiment finissent toujours par se retrouver, Sonia Dagotor

Ceux qui s'aiment finissent toujours par se retrouver
©Karine Fléjo photographie

Une comédie rafraichissante et légère, parfaite pour accompagner vos vacances. Le portrait de trois générations de femmes face aux tourments de l’amour.

Secrets de famille

Ce sont trois générations de femmes. Liliane, la grand-mère peu expansive et très complice avec sa petite-fille. Catherine, sa fille, embarquée dans une vie routinière depuis 20 ans avec Patrice son mari. Et enfin, Justine, la petite -fille, une jeune femme au tempérament bien marqué dont les sentiments envers son petit-ami vacillent.

Lors du repas dominical, Justine a remarqué combien sa grand-mère parait soucieuse, quand bien-même elle le nie. Mais face à l’insistance de Justine, l’aïeule finit par capituler, à condition que Justine garde le secret.

Et de lui révéler que son défunt grand-père n’était pas l’amour de sa vie mais un choix par défaut. Avant lui, elle a aimé passionnément un autre homme, musicien, que ses parents n’auraient jamais accepté. Il se prénommait Charles. Mais après s’être rendu à une audition, il n’est jamais revenu. Or ces derniers temps, après des décennies sans nouvelles de lui, elle se surprend à le voir hanter ses rêves, ce qui la perturbe énormément. Justine décide alors illico d’entreprendre des recherches pour retrouver le fameux Charles ou ses descendants.

De son côté, Catherine est tiraillée. Le moins qu’on puisse dire est que Patrice ne la fait plus rêver, frémir, exulter. Par contre, dès qu’elle entrevoit son collègue Pierre, une colonie de papillons s’agite dans son ventre. Mais elle est mariée. Mais elle ne veut pas faire souffrir Patrice. Pourra-t-elle résister? D’autant que Pierre n’est pas insensible à son charme.

Trois femmes. Trois configurations amoureuses. Et si l’union faisait la force? Et si chacune pouvait apporter son aide aux autres pour débloquer la situation? Mais pour cela, il faut commencer par la base : communiquer et non tout garder pour soi.

Un roman feel-good

Les éditions du Cherche-midi publient deux titres de Sonia Dagotor cette année : Sortez-moi de là et Les gens qui s’aiment finissent toujours par se retrouver. Deux romans feel-good, pétillants, rafraichissants, avec des personnages au caractère bien tranché. Si vous cherchez une lecture légère pour l’été, pour vous divertir sans vous prendre la tête, tout en suivant les épopées de personnages attachants, ce roman est fait pour vous!

Livre pour enfant : On va où?, Cécile Serres

©Karine Fléjo photographie

Un album sans texte , très joliment illustré, sur l’exode des hommes mais aussi des animaux.

Une double histoire d’exode

C’est une double histoire d’exode que nous offre Cécile Serres. Dans ce livre à double entrée, entièrement composé de superbes dessins crayonnés, l’enfant reconstitue le parcours d’un jeune garçon obligé de fuir son pays en guerre : déracinement, départ avec de maigres bagages sur des routes interminables, traversée en rafiot sur une mer hostile, où va-t-il?

En prenant le livre dans l’autre sens, l’enfant découvre le sort des ours blancs sous l’effet du réchauffement climatique et de la fonte de la banquise : jusqu’où les ours vont-ils dériver?

Un album sans texte

L’intérêt de l’album sans texte est de permettre à l’enfant de développer son langage, de construire des phrases à partir des images contemplées, de développer son sens de l’observation et de compréhension des enchainements. Mais aussi de partager avec l’adulte son interprétation des illustrations. Ce procédé requiert une participation plus active de l’enfant que celui des albums illustrés avec des textes.

Ici, les magnifiques illustrations entrainent l’enfant et les personnages sur le chemin de l’exode d’un ours et d’un petit garçon. Leurs chemins finiront-il par se croiser?

Un très beau livre, sur un sujet d’actualité.

Informations pratiques

On va où? Cécile Serres – éditions Cipango – 40 pages – 17€

Wanted Louise, Marion Muller-Colard

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Un roman à suspense en même temps que le portrait d’une infinie sensibilité de femmes fortes. Une écriture remarquable au service d’un sujet superbement traité : la complexité du sentiment maternel. Vous l’aurez compris, ce roman est magnifique !

Disparition inexpliquée

Chris, romancière, se retrouve du jour au lendemain sans nouvelles de sa fille, Louise. La jeune femme a en effet disparu sans explications, laissant derrière elle un conjoint désemparé et deux enfants de deux et six ans. Comment une mère peut-elle abandonner ses enfants ? Quels sont les motifs de son départ ? Tout aussi étrange, le peu d’empressement que met Chris à chercher sa fille.

Tandis que Louise disparait, une vieille femme d’origine polonaise apparait dans la vie de Chris : Ludmila. Sachant que Chris est romancière, Ludmila a tenu à lui confier son histoire, pour qu’elle la couche sur le papier. Au fil des confidences de Ludmila, laquelle a été enrôlée très jeune dans la résistance polonaise par sa mère lors de la deuxième guerre mondiale, Chris ne peut qu’être frappée par l’écho qu’elle trouve à sa propre histoire. Comme si Ludmila lui tendait un miroir. Comme si dans le reflet des mots de la vieille femme se dessinaient ses propres maux.

Et si la clef de la disparition de Louise se trouvait dans l’histoire de Ludmila ?

Une écriture magnifique

Marion Muller Colard, l’auteure du Jour de la Durance, nous offre ici un deuxième roman d’une grande beauté, tant au niveau du style, que du traitement du sujet ou de la construction. J’ai été subjuguée par la dentelle de ses mots, par cette capacité rare à exprimer au plus juste les émotions qui traversent ses personnages. Outre son talent à maintenir la tension constante, à embarquer le lecteur dans son intrigue et à ne plus le lâcher, elle analyse ici avec finesse l’ambivalence des sentiments maternels. Entre ce que la société attend d’une mère et ce qu’une mère parvient à donner, à exprimer à son enfant, il y a parfois un fossé important. Fossé dont on parle peu, par honte, par culpabilité. L’amour maternel est-il inné ou acquis ? Est-il donné à chacun d’exprimer facilement ses sentiments ? Un sujet tabou traité sans pathos ici et avec une grande sincérité.

A lire absolument !

Est-ce autre chose, de devenir mère, que de décloisonner en soi ce qui nous sépare du règne animal ou il n’est pas tant question d’amour que de contact physique? (…) Il existe des femmes qui tiennent trop fort à autre chose pour se laisser prendre par les retournements de la maternité.

Informations pratiques

Wanted Louise, Marion Muller-Colard – éditions Gallimard, collection Sygne, mars 2020 – 224 pages – 17€

Citation du jour

Les seules personnes qui s’offusqueront des limites que tu établiras sont celles qui ne pourront plus profiter de toi. N’oublie jamais que, dire « non » à quelque chose ou à quelqu’un, c’est se dire « oui » à soi-même.

Maud Ankaoua, Respire (Editions Eyrolles)

Respire! de Maud Ankaoua

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Est-ce que tu danses la nuit…, Christine Orban

Est-ce que tu danses la nuit, Christine Orban
©Karine Fléjo photographie

Un roman troublant, envoûtant, sur la passion amoureuse comme Christine Orban sait si merveilleusement l’habiller de mots.

Un amour interdit

Le temps a passé, mais les mots échangés dans leurs lettres sont restés. Tandis que Tina par en voyage avec son mari pour fêter ses 20 ans de mariage, elle se plonge dans les échanges passionnés qu’elle a eus à la sortie de l’adolescence avec Marco, son petit ami de l’époque, mais aussi Simon. Son père. Des échanges que la gouvernante a retrouvés dans la maison et qu’elle lui a remis juste avant son départ.

Marco était le premier amour de Tina. Un jeune homme possessif, jaloux, fou amoureux. Un être avec lequel elle imaginait décliner son amour à l’infini. Mais c’était sans compter avec une rencontre marquante, électrisante : celle de son père Simon.

Alors que le père souhaite le meilleur pour son fils, que depuis le décès de sa femme il a observé une abstinence stricte, se refusant à toute nouvelle vie amoureuse,   il se surprend à souhaiter la fin de la liaison entre Marco et Tina. Pour avoir le champ libre. Pour se laisser aller à vivre cette passion proscrite par la morale et la bien-pensance. Parce que le désir qui s’empare de lui est plus fort que la raison. Plus fort que le qu’en-dira-t-on. Plus fort que les obstacles qui s’érigent entre Tina et lui, comme ce très grand écart d’âge. Irrésistible.

Tina, de son côté, est déstabilisée. A la lumière du feu qui brûle dans le regard de Simon, ses certitudes quant à la profondeur de son amour pour Marco vacillent. Comment peut-elle être sensible à Simon, si elle aime éperdument Marco ? Le père peut-il annuler le fils ?

Pour chacun des trois protagonistes, cette passion est un véritable cataclysme. Que va faire Tina ? Rompre avec Marco ou repousser l’impatience du père ?

Quand la morale s’incline devant le désir

« Ils avaient été embarqués dans une sorte d’avalanche, oui, ils avaient été ces corps déraisonnables, emportés, impuissants face à la passion, anéantis par le désir. »

Avec Est-ce que tu danses la nuit…Christine Orban confirme, si besoin était, son talent rare pour parler de la passion et des émotions qui traversent les femmes. A l’image des protagonistes, irrésistiblement attirés l’un vers l’autre, le lecteur tombe immédiatement sous le charme des personnages, de l’atmosphère du roman, de l’écriture si sensible de l’auteure, et , séduit, tourne fébrilement les pages pour connaître la suite.

Pas de jugement ni de bien-pensance ici, mais le souci de comprendre comment un homme bien sous tous rapports, responsable, aimant envers son fils, peut soudain envoyer tout balader, morale, raison, pour vivre une passion interdite, sulfureuse. Simon, bien que charmant, n’est pas un séducteur en série. Depuis le décès de sa femme, il a observé un deuil strict, a noyé son chagrin dans le travail, sans désir de refaire sa vie. Tina, de même, n’est pas une pauvre victime mais une jeune fille libre, qui sait fixer des limites à ce qu’elle peut accepter ou non d’un homme.

La seule liberté que n’ont pas ces trois êtres, c’est de faire taire leur désir, ce tsunami intérieur qui dévaste tout sur son passage. Un roman littéralement envoutant.

Informations pratiques

Est-ce que tu danses la nuit…, Christine Orban – éditions Albin Michel, mars 2020- 281 pages – 19,90€

Amour, Matt de la Pena et Loren Long

Les éditions D’Eux nous offrent un livre magnifique, empli de poésie et d’émotions, véritable hymne à l’amour dans toutes ses acceptions.

Une célébration poétique de l’amour

J’ai déjà plébiscité la qualité de la ligne éditoriale des éditions  D’eux. Une maison d’édition qui considère la lecture comme un élément de transformation pour l’enfant. Des histoires fortes, des illustrations percutantes et le noble objectif de créer des lecteurs, telle est la mission que se sont donné les éditions D’Eux.

Amour, livre issu de leur collection de printemps, ne fait pas exception. C’est un superbe ouvrage dont la beauté du texte rivalise avec celle des illustrations.

L’amour prend différentes formes et nous accompagne au quotidien. Il se niche aussi bien dans la voix des parents s’adressant à leur enfant, que dans la beauté de la nature, dans la joie  des jolies rencontres, ou dans les attentions que se portent les êtres. Du jour de la naissance au jour où l’enfant quitte le nid parental pour voler de ses propres ailes, l’amour continue à le bercer, à le nourrir, à le porter.

Un livre poétique, profond, avec lequel les illustrations de Loren Long Fond forment une partition magique, lumineuse, harmonieuse.

Un livre splendide

D’emblée, le lecteur est attiré par la beauté des illustrations en couverture, par la lumière qui en émane. Il ouvre le livre et est alors émerveillé par la poésie du texte, sa sensibilité et par les dessins extraordinaires qui l’accompagnent. Il referme la lecture apaisé, nourri par ce sentiment universel qu’est l’amour, et dont une des déclinaisons possibles est l’amour de la lecture.

A offrir absolument!

Informations pratiques 

Amour, Matt de la Pena ( texte) et Loren Long ( illustrations) – éditions D’eux, mars 2020 – 36 pages – 16€

Site de la maison d’édition québécoise D’Eux : https://editionsdeux.com/

Amour, copyright photo Karine Fléjo