L’enfant du train, Ruth Druart

l'enfant du train Ruth Druart

Un roman bouleversant sous l’Occupation. Le courage de deux êtres rattrapés par leur passé. Une lecture addictive.

Sauver un enfant de la déportation

Paris, sous l’Occupation. Jean-Luc, cheminot, ne se console pas de devoir obéir aux allemands à la gare de Drancy. La nuit, à l’abri des regards, il ne peut plus ignorer les milliers de juifs qui sont déportés de cette gare vers une destination inconnue. Des personnes que l’on ne revoit jamais plus. Mais que peut-il faire à son niveau pour s’opposer à l’envahisseur ?

De son côté, Charlotte, infirmière, a le sentiment d’être une collabo en offrant ses services dans un hôpital réquisitionné par les Allemands. Mais elle a besoin d’assurer sa subsistance et celle de sa famille.  

Quand Charlotte rencontre Jean-Luc, tous deux tombent amoureux. Et d’accord sur le fait que leur passivité est intenable. Sans pour autant savoir comment agir, comment résister. Le destin leur donnera les clés quand un jour, en gare de Drancy, une femme sur le point d’être déportée confie en cachette son bébé à Jean-Luc. Sans réfléchir davantage, Charlotte et Jean-Luc prennent la fuite pour assurer la survie du bébé. Direction les Etats-Unis.

Neuf années plus tard, alors que tout les trois mènent une vie de famille heureuse, le passé les rattrape.

Liens du cœur et liens du sang

C’est un roman extrêmement intense, beau, émouvant, que nous offre Ruth Druart avec L’enfant du train. Une fresque qui commence sous l’occupation et se poursuit au début des années 50 aux Etats-Unis. Si la guerre sert de toile de fond, c’est avant tout une belle aventure humaine, ceux de parents adoptifs prêts à risquer leur vie pour sauver un bébé des griffes des nazis et des camps de la mort. Mais peut-on se substituer aux vrais parents ? Les liens du sang sont plus forts que les liens du cœur ?

Ruth Druart manie avec brio l’art du suspens, nous prend en otage dès les premières pages de son roman et nous tient en haleine jusque la toute dernière page. C’est indiciblement émouvant, poignant. Une histoire qui nous interpelle : qu’aurions-nous fait à la place de ce couple ?

Un concentré d’émotions. A lire !

Informations pratiques

L’enfant du train, Ruth Druart – City éditions, juin 2021- 476 pages – 20€

Citation du jour

 » Ce n’est qu’en entrant dans l’océan que la peur disparaîtra, parce que c’est alors seulement que la rivière saura qu’il ne s’agit pas de disparaître dans l’océan, mais de devenir océan.  » Khalih Gibran

S’adapter, Clara Dupont-Monod

Rentrée littéraire. La naissance d’un enfant handicapé, relatée par sa fratrie. Un livre poignant, viscéralement humain, d’une déchirante beauté.

Naissance d’un enfant handicapé

Quand ce petit frère est né, les deux ainés et leurs parents n’ont pas perçu tout de suite qu’il y avait un problème. Mais à l’âge de trois mois, les premiers signes apparaissent. L’enfant reste silencieux, ne manifeste aucun intérêt pour ce qui l’entoure, apathique, le regard dans le vague. Les parents consultent alors et le verdict est sans appel : le petit restera aveugle, incapable de parler ni de se mouvoir. Et son espérance de vie ne dépassera pas trois ans.

Chacun, fratrie comprise, puise alors dans son stock de courage pour vivre avec ce handicap. Entourer l’enfant. Les rôles peu à peu se redistribuent. Le fils ainé et le petit dernier deviennent fusionnels. Protecteur, prévenant, aimant, l’aîné perd son innocence, son insouciance et renonce aux moments passés avec les camarades de son âge pour s’occuper cœur et âme du petit. La cadette, jusqu’alors si complice avec l’aînée, sent gronder en elle une insondable colère matinée de haine. Ce petit lui vole son frère, aspire l’énergie de chacun telle une sangsue. Des sentiments qu’elle tait, percluse de honte.  Jusqu’au moment de bascule, où les voyant tous sombrer, elle décide d’assumer seule le sauvetage de la famille.

Quant au nouveau-né, nouveau petit dernier de la fratrie, il va devoir composer avec le fantôme du frère handicapé qu’il n’a jamais connu. Mais qui est si présent dans les esprits, dans les cœurs et dans les murs.

Le vécu des frères et sœur confrontés au handicap de leur pair. Magistral.

Le handicap vécu par la fratrie

Je vous avais loué le précédent roman de Clara Dupont-Monod, La révolte (chronique ICI). Cette fois, pas de plongée dans l’Histoire, mais dans une famille ébranlée par la naissance d’un enfant handicapé.  Comme nous le montre avec une infinie justesse l’auteure, la naissance d’un enfant handicapé impacte non seulement les parents, mais aussi le reste de la fratrie. Leur construction psychique, leur comportement, leur devenir, leur insertion sociale sont influencés par ce pair différent. Et il est d’autant plus délicat de percevoir le besoin de soutien des frères et sœurs, que ces derniers masquent leur ressenti, leur mal-être, pour épargner leurs parents. Des vécus qui diffèrent entre les membres de la fratrie, car chacun a une personnalité, une place dans la fratrie, un âge différent.

J’ai été saisie par la justesse de l’analyse, la pertinence des propos, la sensibilité de l’écriture. Et n’ai pas de mot pour exprimer mon admiration.

Un roman vibrant d’amour.

« Si un enfant va mal, il faut toujours avoir un œil sur les autres. Car les bien-portants ne font pas de bruit, s’adaptent aux contours cisaillants de la vie qui s’offre, épousent la forme des peines sans rien réclamer. Ils seront les gardiens du phare détestant les vagues mais tant pis, refuser serait déplacé. Un sentiment de devoir les guide. Ils se tiendront là, vigies dans la nuit noire, se débrouilleront pour n’avoir ni froid ni peur. Or, n’avoir ni froid ni peu n’est pas normal. Il faut venir vers eux. »

Informations pratiques

S’adapter, Clara Dupont-Monod – Editions Stock, août 2021 – rentrée littéraire – 171 pages

Les maths expliquées en BD!

les maths en BD c'est facile

Pour votre enfant les maths sont du chinois? Il ne comprend ni les exercices ni leur utilité dans la vie courante? Alors avec cette bande dessinée, il va non seulement aimer les maths mais les trouver désormais faciles! Si, si, c’est possible 🙂

Une bande dessinée pour expliquer les maths

Votre enfant est en classe de 6ème ou entre en 5ème et les maths sont pour lui une galaxie lointaine dont il ne comprend pas la langue. Pire, il ne voit pas l’intérêt d’essayer de comprendre, car il ne perçoit pas l’utilité des maths dans la vie courante. Grâce à cet ouvrage ingénieux, il va changer son regard et percer les secrets des opérations, de la géométrie, des nombres décimaux et autres mystères mathématiques.

C’est diablement original et redoutablement efficace comme méthode. Il fallait y penser! Scénariser les exercices de maths, mettre en scène des héros auxquels les enfants s’identifient, et, par le biais de leurs mésaventures, leur expliquer la géométrie, les opérations et autres.

Un livre pour faire aimer les maths à votre enfant, les lui faire comprendre et lui donner confiance en lui pour aborder la 5è!

Une méthode imparable pour comprendre les maths

J’ai trouvé ce procédé génial : apprendre les maths avec la bande dessinée pour lever tous les blocages. Avec Les maths c’est facile en Bd, paru aux éditions Nathan, les maths deviennent compréhensibles par tous.

Les points forts :

  • 13 BD pour comprendre : mise en scène des principales notions de maths. Et par la même occasion, cela montre aux enfants comment les maths entrent dans leur quotidien et l’utilité donc, de les étudier.
  • Des héros adolescents plein d’humour proches des enfants.
  • Des rappels de cours : concis, clairs, pour mémoriser l’essentiel.
  • Des jeux pour vérifier que l’enfant a bien compris les notions expliquées juste avant : apprendre en s’amusant, qui dit mieux?

Informations pratiques

C’est facile en BD§ Maths 6è, Carbone (scénariste), Chadia Loueslati (illustratrice) et Axelle Soto (professeure des collèges) – éditions Nathan, juin 2021 – 96 pages – 11,90€

Citation du jour

 » Il n’y a rien de plus important en amour que d’accepter la fragilité de l’autre : c’est ce que j’appelle la douceur. Et rien de plus important dans la sagesse, que d’accepter sa propre fragilité, c’est ce qu’on appelle : l’humilité.  »

André Comte-Sponville

La vie dissimulée, Marinca Villanova

La vie dissimulée

Rentrée littéraire. L’histoire émouvante d’une enfant qui prend en charge seule sa mère dépressive. Ou quand les rôles s’inversent et que l’enfant devient adulte trop tôt.

Une enfant seule face à la dépression de sa mère

Un soir, c’est la dispute de trop. De ce jour, Nina âgée de 7 ans et son frère Julien ont gardé le souvenir d’un cri inhumain, avant de voir leur maman partir en ambulance. Le couple se sépare alors.

Depuis, le temps a passé. Si au tout début, Nina et son frère passaient certains week-ends avec leur père, domicilié provisoirement dans une caravane, ce dernier n’a plus donné signe de vie depuis six ans. Les lettres et dessins de Nina sont restés sans réponse. Et du reste, personne ne semble se soucier des enfants et de leur mère. Julien, quant à lui, s’est endurci.

A la maison, Nina a assisté au naufrage de sa maman. Alitée, incapable de s’occuper de ses enfants, elle en proie à une insondable mélancolie. Ne sort plus de la maison depuis des mois, des années même. L’argent manque. La nourriture manque. Mais aussi et surtout les rires, la légèreté, l’insouciance. Car si Etienne se rebelle, fait l’école buissonnière, Nina d’une certaine façon se sacrifie. Elle devient peu à peu la maman de sa maman, prend soin d’elle, dissimule à tous son état, ses manquements. La protège. Elle sent bien que sa mère ne peut plus se passer d’elle. Un sacrifice qui fait naître en Nina des sentiments ambivalents, une forme de tendresse furieuse.

Lien mère-fille

Avec La vie dissimulée, paru aux éditions Eyrolles, Marinca Villanova s’attache à la complexité de la relation mère-fille, dans le cas d’une maman incapable de jouer son rôle. Non seulement Nina n’a plus son père à ses côtés, mais son frère quitte la maison. Echoit alors sur ses seules épaules la charge de prendre soin de sa maman. Avec beaucoup de finesse, l’auteure analyse la complexité de cette relation : l’amour de l’enfant pour sa mère qui la conduit à prendre soin d’elle et la colère qu’elle éprouve de devoir s’en charger, de manquer de tout et surtout d’insouciance et d’une maman apte à prendre soin de ses enfants.

C’est un livre émouvant, très dur à bien des passages. Juste dans l’analyse psychologique des personnages et des situations. Le portrait d’une fillette que l’on a envie de prendre dans ses bras et d’entourer d’affection. Une jeune fille que l’on aimerait délester de ses responsabilités écrasantes pour lui rendre sa part d’enfance.

Informations pratiques

La vie dissimulée, Maringa Villanova- Editions Eyrolles, collection Apparté, août 2021 – 210 pages – 16€

Les 3 prochains livres sur le blog

La semaine prochaine, retrouvez sur le blog, comme chaque semaine, des nouveautés littéraires pour adultes comme pour enfants.

Au programme de la semaine à venir

Côté littérature adulte :

  • La vie dissimulée, Maringa Villanova- Editions Eyrolles, collection Apparté : L’histoire émouvante d’une enfant qui prend en charge seule sa mère dépressive. Ou quand les rôles s’inversent et que l’enfant devient adulte trop tôt.
  • Et je vous ferai découvrir aussi un roman qui m’a bouleversée en cette rentrée littéraire. Le nouveau roman de Clara Dupont-Monod : S’adapter, aux éditions Stock. Cette fois, pas de plongée dans l’Histoire, mais dans une famille ébranlée par la naissance d’un enfant handicapé.  Comme nous le montre avec une infinie justesse l’auteure, la naissance d’un enfant handicapé impacte non seulement les parents, mais aussi le reste de la fratrie. 

Côté livre pour enfants :

  • Je vous ferai découvrir les mathématiques non pas de façon scolaire et ennuyeuse mais ludique. Si, il est possible de s’amuser avec les maths ! C’est ce que nous proposent les éditions Nathan avec Les maths expliquées en BD ! Pour votre enfant les maths sont du chinois? Il ne comprend ni les exercices ni leur utilité dans la vie courante? Alors avec cette bande dessinée, il va non seulement aimer les maths mais les trouver désormais faciles!

Bon dimanche sous le soleil du mois d’août!

Un tesson d’éternité, Valérie Tong Cuong

un tesson d'éternité

Quand un grain de sable vient enrayer la mécanique de l’existence. Quand la vie bascule. Le portrait indiciblement émouvant d’une femme combattive. Grand coup de cœur de cette rentrée littéraire !

Le jour où tout bascule

Anna Gauthier est pharmacienne. Issue d’un milieu modeste, personne n’imaginait qu’elle eût pu réussir de hautes études. Personne sauf elle. Elle le devait. Viscéralement. Mariée à Hugues, journaliste, ils forment un couple harmonieux, jouissent d’un statut social envié. Et quand leur fils Léo nait, il apporte la touche finale au tableau de leur bonheur.

Mais Anna reste sur ses gardes. Ce bonheur si durement arraché, est bâti sur des fondations fragiles. Elle le sait. Rien n’est acquis. Jamais. Et l’existence lui donne raison quand Léo, jeune lycéen modèle, est arrêté par la police. Le vernis des apparences se craquelle alors, et dans les fissures, ce passé qu’elle pensait dans son dos surgit. Lui fait face.

Peut-on guérir de son enfance ? Peut-on tourner le dos à son passé ou vous poursuit-il toujours, partout ? Est-on condamné par une enfance traumatique ?

Guérir de l’enfance

J’adore la plume de Valérie Tong Cuong, tant elle est vibrante de sensibilité et d’une justesse chirurgicale dans l’expression des émotions et des situations. Un tesson d’éternité ne déroge pas à la règle. Avec beaucoup de pertinence, d’intelligence dans l’analyse, Valérie Tong Cuong s’interroge sur le poids du passé dans notre existence présente. Peut-on dépasser les traumatismes de l’enfance, en guérir ? Ou est-on condamné à trainer son passé comme un boulet, à vivre avec des grenades dans la tête prêtes à exploser et à vous déchiqueter le cœur et l’âme ?

Anna avait pourtant dépensé une énergie considérable à tout verrouiller, à tout contrôler, pour que rien ne dérape, pour que rien ne la tire en arrière. On suit son combat, bouleversé, en empathie totale avec le personnage, admiratif de son courage, de sa capacité à se relever. Même si cette fois, c’est peut-être la chute de trop…

Un roman qui vous prend aux tripes et une femme dont le destin vous hante bien après avoir achevé la lecture. Un morceau de bravoure.

A lire absolument!

Informations pratiques

Un tesson d’éternité, Valérie Tong Cuong – Rentrée littéraire- Editions JC Lattès 2021 – 269 pages – 20€

Les victorieuses en album illustré!

les victorieuses

Je vous ai loué le roman de Laetitia Colombani, Les victorieuses, l’an dernier. Voici son adaptation très réussie en album pour enfant!

Le Palais de la femme

Depuis un an, Sumeya 5 ans et sa maman ont trouvé refuge au Palais de la femme, après avoir dû fuir la violence en Afrique. Un lieu de refuge pour des dizaines de femmes avec ou sans enfant, sans toit, issues de nationalités diverses. Un jour, Salma, la secrétaire de l’accueil, décide d’assouvir la curiosité de Sumeya, au sujet de l’origine du Palais de la Femme.

Et de lui raconter l’histoire de Blanche, née à la fin du XIXème siècle, femme de caractère et de conviction. Très tôt, elle a éprouvé le besoin de se sentir utile aux autres et s’est engagée dans l’armée du salut. Avec son mari Albin, elle se dépense corps et âme pour venir en aide aux plus démunis et ce, même si son état de santé requiert du repos. C’est alors qu’elle réalise qu’il y a un gros déséquilibre, une lacune à combler : toutes les maisons d’accueil sont réservées aux hommes. Pour héberger les femmes en détresse, il n’existe pas de structure.

Et Blanche de décider de créer un lieu de vie pour toutes ces femmes. C’était à priori impossible, alors elle l’a fait! Est ainsi né le Palais de la femme.

Un album pour enfant magnifique

Je vous avais loué le roman de Laetitia Colombani, Les victorieuses, comme chacun de ses romans d’ailleurs. Un roman viscéralement humain, qui donne la parole à ces femmes malmenées par la vie, combattives et généreuses, recueillies par l’Armée du salut au Palais de la femme. Vous pouvez d’ailleurs retrouver ma chronique ICI. Et quand on est à ce point admirative d’un roman, on a peur d’être déçue par son adaptation, que ce soit à l’écran, en BD ou en album jeunesse.

Or cette adaptation est une réussite. On y retrouve la puissance évocatrice du roman, des émotions intenses, la beauté des personnages et un texte parfaitement adapté à la compréhension de l’enfant. Les illustrations de Clémence Pollet explosent de couleurs, tendres et belles à la fois et renforcent la puissance évocatrice du texte. Quel beau mareiage de talents entre Laetitia Colombani et Clémence Pollet!

Un hymne à l’entraide, la solidarité et l’ouverture aux autres.

Informations pratiques

Les victorieuses, Laetitia Colombani (texte) et Clémence Pollet (illustrations) – 5′ pages illustrées et un poster – 14,90€ – pour enfant à partir de 6 ans.