Les corps inutiles, de Delphine Bertholon (JC Lattès) : à lire!

Les corps inutiles, de Delphine Bertholon
Editions JC Lattès, janvier 2015

Le corps, arme et armure.
Portrait intime de l’adolescence, drame psychologique aux accents de roman policier, Les corps inutiles déroule le fil d’une vie tourmentée par les démons du passé.

La soirée s’annonçait légère pour Clémence. A titre exceptionnel, du haut de ses quinze ans, elle avait en effet obtenu l’autorisation de se rendre à la fête de fin d’année donnée par sa copine de classe.
La rencontre qu’elle fit au détour de la rue avec « l’homme blond » en décida autrement.

Et sa vie de basculer.

La banalisation de l’agression par son camarade de classe Virgile, seule personne à laquelle elle se confia du bout des lèvres ce soir-là, scella sa détermination à n’en parler à personne d’autre. Jamais. « Parce qu’en vérité, personne ne pouvait comprendre ce qui s’était passé, ce soir-là, dans cette rue-là. Personne n’avait senti ce qu’elle avait senti. Vécu ce qu’elle avait vécu. » Et de se répéter les propos de Virgile, tel un mantra : « Allons Clémence, ce n’est pas si grave ! »
Mais son corps refuse d’oublier le traumatisme, se rebelle, se fait le porte-parole de ses cris et de sa peur enfouis. Qui n’a entendu la révolte de son corps, quand la violence des maux n’est que le reflet du silence des mots ? Ce dernier devient comme anesthésié, fermé à toute sensation, douleur comme douceur. Une armure. Mais aussi une arme, celle de Clémence devenue vengeresse. Chaque 29 du mois, date anniversaire maudite de son agression, elle offre en effet ce corps à des inconnus de passage, pour tenter de conjurer le sort, de reprendre le pouvoir: « Ils ne me prendront rien : je me donnerai d’abord. » Question de survie.

Avec ce nouveau roman, Delphine Bertholon nous prouve une fois encore, si besoin était, sa capacité extraordinaire à véhiculer les émotions, à disséquer avec intelligence et sensibilité les âmes au scalpel de sa plume. Le lecteur suit avec une vive émotion Clémence à 15 et 30 ans, le poids des traumatismes engendrés par les mots autant que par l’agression elle-même, la geôle invisible du silence dans laquelle elle s’enferme, la honte et la culpabilité qui grandissent en elle. Mais aussi, sa capacité extraordinaire à s’en sortir. Car la vie resurgit. Plus forte que tout.
Une réussite.
A lire !