La geôle des innocents, Ensaf Haidar

La geole des innocents

Un roman sur la société saoudienne, sa police des mœurs, sa justice, rédigé par une femme qui a fait de la liberté d’expression et de la libération de son mari Raif Badawi ses combats : la saoudienne Ensaf Haidar.

La réalité des prisons saoudiennes

Rachwan a quitté son pays suite à la promesse d’être embauché comme chauffeur particulier en Arabie saoudite. Une rentrée financière qui ne se refuse pas. Mais il a eu le tort de tomber amoureux peu après son arrivée d’une femme divorcée, Siham. Si dans son pays, la Syrie, se promener librement dans a rue bras d’une femme est d’une grande banalité, il découvre à ses dépens qu’en Arabie saoudite, c’est strictement interdit. Seuls les couples mariés ont le droit de s’afficher ensemble, de partager le même toit. La femme qui accompagne un homme doit obligatoirement être sa femme, sa fille ou sa sœur. Sinon, ce sont des coups de bâtons voire pire, si la police des mœurs vous surprend.

Quant à Rham, écrasé par la charge de ses cinq filles dont il doit payer le mariage conformément à la tradition indienne, il a besoin d’argent. Aussi quand on lui promet un emploi bien rémunéré en Arabie saoudite, il y voit la fin de ses soucis financiers. Ne dit-on pas que là-bas, au milieu du désert, l’argent et le pétrole coulent à flots, au point qu’il reviendra au pays avec de l’argent plein les poches ? Mais à son arrivée en Arabie saoudite, ce n’est pas un emploi dans une ferme agricole modèle qui l’attend mais l’esclavage dans une distillerie clandestine d’arak.

Tous deux sont arrêtés. Tous deux se retrouvent dans la prison de Briman. Tous deux ont croisé la route et le cœur de Siham, victime elle aussi ou tentatrice? Tous deux vont connaître l’enfer de la détention, marquée par la violence, le sexe et la drogue.

Un roman glaçant sur la liberté d’expression et de mouvements en Arabie saoudite

Ensaf Haidar est l’épouse du militant saoudien Raif Badawi. Elle sillonne le globe depuis des années pour obtenir la libération de son mari, condamné à dix ans de prison et mille coups de fouet en 2012, pour avoir prôné́ sur son blog la liberté d’opinion, de culte et d’expression. Elle a reçu le prix Sakharov des droits de l’homme décerné à son mari par le Parlement européen. Présidente et cofondatrice de la Fondation Raïf Badawi pour la liberté (FRBL), elle est l’auteure de Mon combat pour sauver Raïf Badawi (L’Archipel, 2016). La Geôle des innocents est son premier roman.

C’est donc une auteure qui vit au quotidien l’histoire de ce livre, s’inspirant de sa connaissance et de son expérience de la police et de la justice en Arabie saoudite pour alimenter son roman. Les conditions carcérales déplorables, les sanctions barbares, la police des mœurs qui vous traque, la liberté d’expression bafouée, un tableau réaliste et sombre de l’Arabie saoudite. Elle souligne à cette occasion les paradoxes nombreux de cette société : on interdit l’alcool mais on se saoule dans des fêtes privées, on interdit à un homme et une femme de marcher ensemble sauf s’ils sont mariés mais on n’hésite pas à participer à des fêtes échangistes en privé, nombreux sont les exemples qui soulignent une grande hypocrisie entre ce que les dirigeants et gens aisés font et ce que la loi édictée par les religieux saoudiens adhérant au wahhabisme (doctrine officielle) est censée permettre ou non.

Un roman glaçant et édifiant.

Informations pratiques

La geôle des innocents, Ensaf Haidar , traduit de l’arabe par François Zabbal– éditions de l’Archipel, juin 2021 – 201 pages – 20€