La grenade, Emmanuelle Hutin

la grenade

Un récit magistral, tant par la profondeur du propos que par la beauté de l’écriture. Le combat d’une femme pour éclore à elle-même, malgré les épreuves traversées ou en partie grâce à elles.

Une vie bien lisse et sous contrôle

Sa vie semble une réussite sur tous les plans. Un mari aimé et aimant, deux enfants, un poste de cadre dans le luxe, un joli lieu de vie. Tout semble sous contrôle, lisse parfait. Elle coche toutes les cases de la réussite telle que la société le définit.

Pourtant, elle a le sentiment de ne vivre qu’en surface. Ses choix de vie sont ils de réels choix ou s’est elle inconsciemment conformée à ce que la société, sa famille, attendaient elle? Que désire t-elle vraiment? Quels sont ses besoins, ses désirs profonds? Elle se sent heureuse mais pas pleinement, comme spectatrice et non actrice de ce tableau idyllique. Et est de plus en plus lasse de ne se définir que par rapport à ses fonctions : mère de, femme de, employée de. La vie d‘adulte en laquelle elle plaçait tant d’espoir ne remplit pas ses promesses. Elle sent qu’elle doit réagir, aller chercher ce qui lui manque. 

«  Mais le pire, ce qui l’enfonce, c’est qu’elle a honte. Honte d’avoir échoué dans une vie ou tout lui réussit, dans une société où tout est performance. » Une honte qui l’isole. 

Alors elle initie depuis plusieurs années un changement en douceur vers plus d’écoute d’elle même, plus d’authenticité. Mais l’éveil est long.

Elle prend alors une décision radicale. Partir. Elle quitte son mari et la panoplie de mère parfaite.

Un départ qui se révèle bénéfique. Tandis qu’elle commence à s’épanouir dans cette nouvelle vie, un imprévu de taille vient bouleverser la donne. Son fils Solal, âgé de 8 ans, fait des crises d’épilepsie. Crises qui s’intensifient dans la fréquence et la violence des manifestations. Et deviennent gravissimes. Elle doit alors lâcher prise, accepter de ne plus pouvoir tout contrôler et revoir ses priorités.

Un drame familial qui, loin de lui faire renoncer à sa métamorphose en tant que femme, va jouer le rôle d ‘accélérateur.

Un roman lumineux, sur les enseignements tirés des épreuves traversées

Ne soyez surtout pas effrayé par la gravité du sujet de La grenade, paru aux éditions Stock. Ce n’est pas un livre sur la maladie, même si elle est presque un personnage à part entière du livre. Ce n’est pas non plus un livre sur le deuil. Ce n’est pas davantage un livre sombre. C’est le  témoignage vibrant d’une mère et femme face à la maladie de son fils. C’est le chemin magnifique d’une femme, mue par le besoin viscéral de se réaliser pleinement. L’auteure évite avec brio l’écueil du pathos. Ce n’est pas de la pitié ni de l’accablement que ressent le lecteur de La grenade. Mais de l’empathie pour la famille, de l’admiration pour le cheminement de la femme et de la gratitude pour le message d’espoir véhiculé par la romancière.

Emmanuelle Hutin nous montre qu’une épreuve, aussi terrible soit-elle, ne s’arrête pas à n’être que douleur, difficultés. Elle se révèle riche en enseignements, permet de s’élever, de se recentrer sur l’essentiel, de mieux se connaitre. De vivre plus pleinement chaque bonheur à sa portée. Plus intensément chaque minute. C’est par conséquent un  récit très lumineux, positif, porté par un formidable élan vital que nous livre l’auteure. Un hymne à l’amour de soi, des autres, de la vie.

On a envie de remercier Emmanuelle Hutin pour les indicibles émotions dont elle est la passeuse, pour le message vibrant d’espoir qu’elle nous porte. Et quand de surcroit on se penche sur la remarquable  beauté de son écriture, sur la maitrise de son style, on se dit que passer à côté de La grenade aurait été vraiment une erreur.

Je pourrais vous en parler longtemps. Je vous en ai déjà peut-être trop dit, quand j’aurais pu me contenter d’un seul conseil : « Lisez-le! Vraiment. »

Informations pratiques 

La grenade, Emmanuelle Hutin – éditions Stock, Mai 2021 – 286 pages- 19,90€