La souris qui voulait sauver l’ogre, Françoise Guérin

Plongez dans ce thriller psychologique captivant, et tentez d’élucider la mort mystérieuse d’une élève de classe prépa aux côtés de Maya, psychologue. Un roman impossible à lâcher et à oublier.

Le suicide d’une étudiante en classe prépa

Maya, psychologue-chercheuse, appartient à la cellule Cornellia, cellule en charge d’autopsies psychologiques. Elle est missionnée par le ministère de la Santé pour aller enquêter dans un lycée de province. Sa mission : tenter de comprendre pourquoi Pauline, brillante étudiante de classe prépa dans ce lycée privé surcoté, s’est suicidée en se jetant du toit 3 semaines plus tôt. Le troisième suicide en 2 ans. Pour Maya, il s’agit d’étudier le cheminement qui a pu conduire à ce geste fatal, le contexte, les pressions éventuelles subies, les aides psychologiques qui lui ont fait défaut et pourquoi. Il s’agit d’essayer de comprendre.

Mais, arrivée sur place, force est de constater qu’elle n’est pas la bienvenue. Pour ne pas nuire à l’image de l’établissement, on préfère étouffer l’affaire. C’est bien mal connaître l’obstination de Maya, déterminée à faire la lumière sur ce décès. Que Pauline soit issue d’un milieu modeste, contrairement à ses camarades huppés, lui a-t-il valu d’être stigmatisée de la part des élèves comme des professeurs ? N’a-t-elle pas supporté la pression de la prépa ?

Un thriller psychologique brillant, impossible à lâcher

Avec La souris qui voulait sauver l’ogre, publié par les éditions Eyrolles, Françoise Guérin nous livre un thriller psychologique aussi fascinant que brillant par le fond comme par la forme.

Un roman qui suit le travail d’une femme psychologue, dans une tâche ardue et peu connue : l’autopsie psychologique. Son principe repose sur l’analyse rétrospective du parcours psychologique, social et médical de sujets décédés par suicide. Le but est d’obtenir une meilleure connaissance des causes de décès par suicide, pour améliorer la prévention du suicide.

Ici, la jeune victime est un pur produit de la méritocratie. Issue d’une cité HLM, elle a pu intégrer grâce à ses brillants résultats, une prépa d’un lycée huppé. Mais elle n’en a pas les codes, détonne dans cet univers estudiantin bourgeois. Comment s’affranchir du regard des autres, tracer sa route sans se renier ? La psychologue interroge ceux qui l’ont connue, ses parents, amis, les enseignants, élèves… afin de tenter de reconstituer le puzzle de ce drame.

C’est une analyse très fine que Françoise Guérin, psychologue clinicienne, nous livre. Elle éclaire le lecteur sur des sujets aussi sensibles que le suicide, le harcèlement, et lui apporte de nombreuses et précieuses informations au détour des pages.

On ne peut être que profondément bouleversé par le sort réservé à Pauline, pour avoir osé embrasser l’espoir de sortir de sa condition, de s’élever socialement. Pour avoir caressé son rêve d’une vie meilleure que celle, précaire, de ses parents.

Un livre au suspense haletant, sans le moindre temps mort, passionnant par son histoire tout autant que par les réflexions plus larges et les extrapolations, qu’il suscite. A lire absolument !

Informations pratiques

La souris qui voulait sauver l’ogre, Françoise Guerin – éditions Eyrolles, janvier 2024 – 520 pages – 19,90€

Better and more, de Didier Goutman : quand le monde tourne « avide »

better and more, Didier Goutman Eyrolles

Diplomé d’HEC, consultant et coach depuis plus de 25 ans, Didier Goutman est un expert du monde de l’entreprise. Une expérience et des compétences mises au service d’un roman sarcastique et diablement réaliste sur les pratiques managériales pilotées par les objectifs chiffrés et déconnectées de l’humain. Saisissant.

Rachat d’entreprise et nouvelle stratégie managériale

Le groupe de restauration Broissard vient d’être racheté par des actionnaires anglais. Ce modèle vieillissant de restauration de chaine, géré par son fondateur depuis 3 décennies, est relativement stable mais peu rentable. Les actionnaires anglais ont investi dans l’entreprise dans le but de la dynamiser et d’en faire un placement lucratif. Dans cette optique, un nouveau président, Mac Dermott, a été nommé. Pour lui, il s’agit d’un défi de taille : faire ses preuves rapidement, donner le ton et très vite aux équipes, les nouvelles recrues comme les anciennes, pour atteindre les objectifs de rentabilité exigés par les actionnaires. Le mot d’ordre : Better and more. Il s’agit de produire toujours plus, toujours mieux, rapidement et à moindres coûts financiers. Car le coût humain n’est visiblement pas un paramètre pris en compte. « Licenciements plutôt que recrutements, avertissements froids et raisonnés plutôt que primes affectives et promotions récompenses », telle est la ligne de conduite…

Une vison grinçante et réaliste des pratiques managériales

Plongez dans l’univers captivant de « Better and more« , le nouveau livre de Didier Goutman publié par les éditions Eyrolles, et laissez-vous emporter par une intrigue contemporaine qui vous tiendra en haleine. Suite à l’acquisition de l’entreprise par les actionnaires anglais, c’est l’effervescence totale. Nouveaux et anciens employés se côtoient dans une valse étourdissante, cherchant chacun à trouver sa place sans se faire écraser, à donner du sens à son travail. Des recrues ambitieuses, regorgeant d’idées et d’énergie pour rentabiliser chaque restaurant, cohabitant avec des vétérans désorientés par les nouvelles directives, mais désireux de ne pas être exclus de la danse. Chacun lutte pour survivre, avec des résultats plus ou moins probants : stress intense, grèves, suicide, alcoolisme, burn-out, vie privée et santé sacrifiées sur l’autel du travail, même les plus convaincus ont d’humaines limites. Heureusement, pour certains, partir peut ne pas être synonyme d’échec, mais de rebond, plus fort, plus loin.

Un style incisif et rythmé

Pas de temps mort dans ce roman qui se lit fébrilement. A l’image des directives qui parviennent du siège de la société, il ne faut pas perdre de temps, s’encombrer de propos inutiles ni de fioritures. Time is money. Les phrases claquent, les mots cognent avec une précision chirurgicale. Les chapitres courts impulsent le rythme. Le lecteur est pris dans le tourbillon de l’histoire, impatient de voir jusqu’où les pratiques managériales seront capables de nier l’humain. Et à quel moment les illusions des nouvelles recrues deviendront illusoires.

Un roman fascinant et brillant, chirurgicalement écrit, sur le monde impitoyable de l’entreprise.

Informations pratiques

Better and more, Didier Goutman – éditions Eyrolles, juin 2023 – 256 pages – 16,90€

Je ne suis pas un robot, Hugo Jauffret

Je ne suis pas

Une immersion fascinante dans les coulisses de l’intelligence artificielle, au plus près des travailleurs du clic, ces nouveaux esclaves de la société moderne. Une enquête captivante et édifiante.

La face cachée de l’intelligence artificielle

Yacine, fils d’immigré, aspirait à un avenir meilleur que celui de son père. Mais aujourd’hui, il se retrouve seul à s’occuper de sa mère psychologiquement instable et en perte d’autonomie, contraint de travailler de la maison. Et le seul boulot qu’il a trouvé est celui de « taskers » chez Hémisphère, une société qui propose aux entreprises du web d’automatiser nombre de leurs tâches. Modération de contenu, relecture, transcription audio, recherche en ligne, ces micro-tâches sans réelles compétences requises, effectuées de chez soi à horaires flexibles, avaient de quoi séduire. Mais les apparences sont trompeuses…

Les places chez Hémisphère, le géant du numérique sont chères. Aussi quand Ludovic, qui a postulé sans grande conviction au poste de cadre dans l’analyse des données (data analyst) a été sélectionné, il n’a pas pu refuser. Mais plus le temps passe, plus il déchante. Le petit théâtre « corporate » de l’entreprise, où chacun doit tenir son rôle, les tâches répétitives à remplir jusqu’à la nausée des tableurs Excel, la pression permanente, le management intraitable, l’absence de sens à tout cela, rien ne correspond à ses aspirations. Il sent qu’il doit agir…

Emilie est journaliste. En découvrant les coulisses des montres du numérique comme Hémisphère, les conditions de travail tant au niveau des cadres que des petites mains en bas de l’échelle, elle sent qu’elle tient là un sujet explosif. Et de décider d’investiguer pour alimenter son livre-enquête.

Un roman fascinant sur l’esclavagisme moderne

Les algorithmes ont envahi notre quotidien, de façon insidieuse mais bien réelle. Mais quel est le coût humain de cette modernité ? C’est ce que Hugo Jauffret nous propose de découvrir avec son roman édifiant, sous la forme d’une enquête impossible à lâcher : Je ne suis pas un robot (éditions Eyrolles).

L’auteur nous immerge dans le quotidien des travailleurs de l’ombre, ces travailleurs du clic, payés une misère, sans protection sociale ni contrat de travail. Ces individus localisés en Inde, en Afrique mais aussi en France, qui réalisent des microtâches de façon quasi instantanée, notés pour chacune et menacés en cas de mauvaise note d’être limogés. Ces microtâches permettent d’entrainer les algorithmes à effectuer à terme ces tâches seuls, sans ces esclaves du clic. Car l’intelligence artificielle n’est pas qu’une question de machines, de robots, elle a d’abord besoin de copier le comportement des humains pour gagner en autonomie. Elle a besoin du sacrifice d’hommes et de femmes, véritables esclaves modernes. Et de cadres qui ferment les yeux sur ce qui se passe aux échelons inférieurs et acceptent une pression inhumaine.

Un roman passionnant, instructif, qui éveille les consciences et pousse à réfléchir sur l’évolution de la société, sur l’inhumanité du monde du travail. Et sur le sens que nous voulons donner à notre travail, à notre existence et plus largement, au monde dans lequel nous vivons. A lire !

Informations pratiques

Je ne suis pas un robot, Hugo Jauffret- Editions Eyrolles, mai 2023- 256 pages – 16,90€

Le millième jour de la marmotte, Fanny Gayral

Le millième jour de la marmotte Fanny Gayral

Comment savoir si la vie que nous menons est celle qui nous convient le mieux ? Les accidents de la vie sont parfois la meilleure occasion de remise en question et de sortie de sa zone de confort. Un roman tendre, pétillant et inspirant.

Remise en question

Eléonore est une jeune femme comblée. Jeune cadre bancaire, elle excelle en gestion de patrimoine et a de bonnes chances de remporter le concours de meilleur gestionnaire de patrimoine de France. Un métier qu’elle aime et dans lequel elle s’épanouit. Et, pour parfaire le tableau, elle est très amoureuse de Mathias, dont elle partage la vie et qui en cette journée anniversaire s’apprête à la demander en mariage.

Mais contre toute attente, non seulement son compagnon a complètement oublié son anniversaire, mais surtout, il ne lui a pas donné rendez-vous pour lui demander sa main mais…pour faire un break d’un mois. Elle se retrouve à la porte de chez eux et à la porte de son cœur, dévastée. Une de ses clientes, une femme âgée très aisée et indiciblement chaleureuse, lui propose de l’héberger. Cette femme n’est autre que la grand-mère d’un célèbre coach, Florian, dont Eléonore suit assidument les podcasts de développement personnel. Ce dernier traverse lui aussi une tempête dans son couple et est loin d’afficher la positivité qu’il revendique dans ses vidéos. Eléonore décide de voler à son secours. Mais saura-t-elle s’aider elle-même ? Parviendra-t-elle à sortir de sa zone de confort, à oser faire et dire ce dont elle a besoin, envie ? Ouvrira-t-elle les yeux sur la réalité de sa vie, sur son apparent bonheur avec Mathias comme dans son travail ?

Sortir de sa zone de confort

J’aime beaucoup la plume de Fanny Gayral, dont vous trouverez ici la chronique de ses deux précédents livres Le début des haricots et Plus que tout autre chose. Avec Le millième jour de la marmotte, paru aux éditions Eyrolles, Fanny Gayral nous offre un roman de développement personnel à la fois inspirant, chaleureux et pétillant. Pas à pas, le lecteur suit l’héroïne dans son combat pour récupérer l’homme qu’elle aime, pour faire face dans son travail, combats qui vont opérer une prise de conscience salvatrice : et si cette énergie n’était pas investie dans les bonnes causes ? Cet homme est-il vraiment le compagnon dont elle rêve ? Ce travail est-il sa vocation, aussi compétente soit-elle dans son poste ? Quel sens a pris sa vie, orientée par les décisions des autres, les attentes des autres, les jugements des autres ? Eléonore, qui a grandi élevée par son père et entourée de frères, s’est jusqu’ici toujours contentée de la place qu’on lui a laissée, s’est toujours conformée à remplir les attentes que chacun a formulé à son endroit, a toujours encaissé les remarques misogynes des hommes de la maison sans broncher. Et s’est complètement oubliée.

Le temps est venu de réorienter pas à pas ses choix, d’être à l’écoute de ses besoins essentiels et de ses envies, de placer son énergie dans ce qui lui tient à cœur. Et de réaliser qu’il n’est jamais trop tard pour faire du reste de son existence la plus belle partie de sa vie.

Le roman inspirant d’une renaissance !

Informations pratiques

Le millième jour de la marmotte, Fanny Gayral- éditions Eyrolles, juin 2022- 249 pages – 18€

Ferme les yeux et tu verras, Marilyse Trécourt

Ferme les yeux et tu verras

Imaginez qu’en touchant une personne, vous puissiez lire dans ses pensées ? Est-ce un atout ou un problème? Mais avant d’apprendre tout des autres, ne devrait-on pas apprendre à mieux se connaitre soi-même?

Pouvoir ou malédiction ?

Emma, professeur d’anglais et mère de famille, est sidérée par ce constat : quand elle touche une personne désormais, elle peut immédiatement lire dans ses pensées. Jamais cela ne lui était arrivé auparavant. Est-elle en train de devenir folle ? Est-elle réellement dotée d’un super pouvoir ? Partagée entre gêne et curiosité, déstabilisée, elle exhume les secrets de son entourage par un simple contact physique.

Super pouvoir ou malédiction ? Car elle réalise que découvrir la vérité, réaliser que ceux qui nous sont si proches se révèlent être en réalité des étrangers, peut faire mal. Sa fille, son fils, son mari lui ont caché des éléments essentiels de leur vie. Pourquoi ? Est-ce l’expression d’un manque de confiance ? D’un manque d’amour ?  En découvrant tour à tour leurs secrets, Emma sent le sol s’ouvrir sous ses pieds. Mais ne risque-t-elle pas de mal interpréter ces découvertes, d’extrapoler à tort ?

Elle croise alors la route d’une vieille femme à l’allure assez fantasque, prénommée Sidonie, qui se révèle être d’une grande sagesse. Elle aussi n’a pas été épargnée par la vie, par les blessures. Et pourtant, elle ne se départit pas de son sourire, apprécie chaque moment de son quotidien. Une rencontre qui va opérer une prise de conscience essentielle chez Emma, l’encourager à faire la paix avec son passé, à s’accepter, pour pouvoir avancer.

Un roman initiatique

Avec Ferme les yeux et tu verras, paru en ce mois de mars aux éditions Eyrolles, Marilyse Trécourt, coach et conférencière, se sert de ses outils de coaching pour accompagner Emma sur la voie du mieux-être et de l’épanouissement personnel. Pour pouvoir regarder devant soi, il faut affronter les zones d’ombre du passé, cicatriser de ses blessures abandonniques, au risque sinon, de les trainer comme des boulets toute sa vie et d’en faire aussi porter le poids aux autres. Il s’agit de parvenir à se libérer de ses schémas inconscients, pour pouvoir faire ses choix en fonction de ses envies et besoins profonds et non pour se conformer aux attentes des autres.

Une lecture plaisante, qui m’a moins embarquée que les précédents ouvrages de l’auteure. J’ai trouvé le côté développement personnel moins riche, moins approfondi et ai eu un peu de mal avec la crédibilité de l’intrigue. Mais cela reste un roman divertissant.

Informations pratiques

Ferme les yeux et tu verras, Marilyse Trécourt – éditions Eyrolles, mars 2022 – 304 pages

La vie dissimulée, Marinca Villanova

La vie dissimulée

Rentrée littéraire. L’histoire émouvante d’une enfant qui prend en charge seule sa mère dépressive. Ou quand les rôles s’inversent et que l’enfant devient adulte trop tôt.

Une enfant seule face à la dépression de sa mère

Un soir, c’est la dispute de trop. De ce jour, Nina âgée de 7 ans et son frère Julien ont gardé le souvenir d’un cri inhumain, avant de voir leur maman partir en ambulance. Le couple se sépare alors.

Depuis, le temps a passé. Si au tout début, Nina et son frère passaient certains week-ends avec leur père, domicilié provisoirement dans une caravane, ce dernier n’a plus donné signe de vie depuis six ans. Les lettres et dessins de Nina sont restés sans réponse. Et du reste, personne ne semble se soucier des enfants et de leur mère. Julien, quant à lui, s’est endurci.

A la maison, Nina a assisté au naufrage de sa maman. Alitée, incapable de s’occuper de ses enfants, elle en proie à une insondable mélancolie. Ne sort plus de la maison depuis des mois, des années même. L’argent manque. La nourriture manque. Mais aussi et surtout les rires, la légèreté, l’insouciance. Car si Etienne se rebelle, fait l’école buissonnière, Nina d’une certaine façon se sacrifie. Elle devient peu à peu la maman de sa maman, prend soin d’elle, dissimule à tous son état, ses manquements. La protège. Elle sent bien que sa mère ne peut plus se passer d’elle. Un sacrifice qui fait naître en Nina des sentiments ambivalents, une forme de tendresse furieuse.

Lien mère-fille

Avec La vie dissimulée, paru aux éditions Eyrolles, Marinca Villanova s’attache à la complexité de la relation mère-fille, dans le cas d’une maman incapable de jouer son rôle. Non seulement Nina n’a plus son père à ses côtés, mais son frère quitte la maison. Echoit alors sur ses seules épaules la charge de prendre soin de sa maman. Avec beaucoup de finesse, l’auteure analyse la complexité de cette relation : l’amour de l’enfant pour sa mère qui la conduit à prendre soin d’elle et la colère qu’elle éprouve de devoir s’en charger, de manquer de tout et surtout d’insouciance et d’une maman apte à prendre soin de ses enfants.

C’est un livre émouvant, très dur à bien des passages. Juste dans l’analyse psychologique des personnages et des situations. Le portrait d’une fillette que l’on a envie de prendre dans ses bras et d’entourer d’affection. Une jeune fille que l’on aimerait délester de ses responsabilités écrasantes pour lui rendre sa part d’enfance.

Informations pratiques

La vie dissimulée, Maringa Villanova- Editions Eyrolles, collection Apparté, août 2021 – 210 pages – 16€

Du chaos naissent les étoiles, Marilyse Trécourt

Du chaos naissent les étoiles

Imaginez que vous ayez 15 jours pour échapper à votre mort. Trois missions à accomplir dans ce délai pour rester en vie. C’est ce qui arrive à Juliette, l’héroïne du nouveau roman de Marilyse Trécourt.

Deux semaines pour échapper à la mort

Juliette est libraire. Elle n’a pas son pareil pour conseiller les clients, sentir intuitivement quel est le livre dont ils ont réellement besoin à ce moment précis. Un métier dans lequel elle s’épanouit. Pourtant, un nuage vient obscurcir son ciel quand une inconnue l’aborde et, le plus sérieusement du monde, l’informe qu’elle va mourir dans 15 jours. Une mort programmée, sauf, si dans ce laps de temps, Juliette parvient à sauver la vie de trois inconnus. Alors elle aura la vie sauve.

Croyant à une mauvaise blague, Juliette tente dans un premier temps d’ignorer cette annonce morbide. Mais bientôt, elle reçoit un premier appel à l’aide d’une inconnue. Sa grand-mère est mourante et semble s’accrocher à la vie, mue par le désir d’exaucer un mystérieux souhait avant de fermer définitivement les yeux. Suit Julien, jeune étudiant en musicologie qui veut mettre fin à ses jours faute de parvenir à retrouver la femme qu’il aime, disparue il y a deux mois.

Et de réaliser que chacune de ces histoires fait écho à la sienne… Et si sauver les autres revenait à se sauver elle-même ?

Un roman sur la force transcendante de l’amour

Le titre du nouveau roman de Marilyse Trécourt, Du chaos naissent les étoiles, donne le ton. Ce roman n’est pas sombre, même si l’épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête de Juliette dès le début du roman peut faire penser le contraire. L’auteure nous montre ici que les épreuves ne s’arrêtent pas à n’être que des épreuves : de leur chaos naissent des étoiles, car les difficultés nous permettent de grandir. De nous dépasser. De mieux nous connaitre et de mieux connaitre les autres. Les épreuves ne sont pas des échecs sur notre parcours mais des enseignements. Un roman qui célèbre aussi la puissance extraordinaire de l’amour et les bienfaits indéniables du pardon.

Informations pratiques

Du chaos naissent les étoiles, Marilyse Trécourt -éditions Eyrolles, mars 2021 – 240 pages – 16€

Je ne te pensais pas si fragile, Kikka

L’auteure s’est inspirée de sa propre expérience à la direction marketing de diverses PME pour écrire ce roman saisissant sur le harcèlement en entreprise. Glaçant par la cruauté du manager. Lumineux par la combativité de la victime.

Harcèlement en entreprise et burn-out

Clothilde est une quadra hyperactive passionnée. Elle mène de front sa vie de maman, de femme et de cadre supérieure dans le marketing, jongle avec les plannings et les contraintes, toujours à 100 à l’heure. Quand on lui offre une nouvelle opportunité professionnelle au sein d’une entreprise néerlandaise, notre fonceuse accepte. Le patron de l’entreprise lui confie le développement de l’activité de sa société en France. Une opportunité et un défi à relever qui ne se refusent pas. Et l’ambiance chaleureuse, presque familiale de l’entreprise, a tout pour la séduire. Les résultats ne tardent pas : en un an, Clothilde a fait de cette branche à l’abandon un secteur florissant.

Clothilde se sent bénie des dieux. Elle éprouve un sentiment de gratitude, d’accomplissement :  un mari parfait, des enfants parfaits, un job parfait et une maison parfaite. La parfaite équation du bonheur.

Mais ce travail pour lequel elle se démène sans compter, vire au cauchemar quand un changement de personnel est décidé à la direction. Commence avec le nouveau manager une descente aux enfers. Remise en cause de ses méthodes de travail, retrait des tâches les plus intéressantes, humiliations quotidiennes, désaveu devant ses équipes, sollicitations incessantes, injonctions contradictoires. Quoi qu’elle fasse, la perversion de ce chef est telle, qu’il parvient toujours à la déstabiliser. A la rabaisser. A la désavouer. A rogner chaque jour davantage sa confiance en elle. Mais Clothilde n’est pas du genre à baisser les bras. Alors elle travaille encore plus, rogne sur le temps passé avec les siens, sur son repos, sur son sommeil, sur ses week-ends. Sur tout.

Jusqu’au point de rupture. Un burn-out qui la conduit à une hospitalisation en service fermé, loin des siens.

Pour autant, Clothilde n’a pas dit son dernier mot. Ni la crainte de représailles, ni le découragement ne sont de nature à l’empêcher de défendre son honneur face à cette criante injustice. Commence alors un long combat.

Le combat d’une femme contre l’injustice

Avec Je ne te pensais pas si fragile, Kikka analyse de l’intérieur, les mécanismes du harcèlement en entreprise. Harcèlement qui peut conduire au burn-out voire au suicide. Si ces dernières années, ce sujet de société trouve un peu plus d’écho médiatique, on pense à tort que désormais, un harcelé dispose de tous les moyens juridiques pour se défendre et obtenir gain de cause. Les cas sont hélas encore nombreux, où les personnes se taisent par peur des représailles, par peur de perdre leur emploi. Ou tout simplement parce qu’elles n’ont plus la force de s’opposer à leur harceleur, tant ce dernier a pulvérisé leur énergie et leur estime d’elles-mêmes.

C’est pourquoi ce livre est important. Il contribue à sa façon à dénoncer ces comportements abusifs en entreprise, à faire sortir de l’ombre ces agissements inhumains et destructeurs.

C’est donc à la fois un roman sur la cruauté de certains milieux du travail, mais aussi sur le lumineux combat d’une femme, certes touchée mais pas coulée.

Informations pratiques

Je ne te pensais pas si fragile, Kikka – éditions Eyrolles, janvier 2021 – 272 pages – 16€

Des gens irréprochables, Zoe Whittall

Des gens irréprochables
Copyright photo Karine Fléjo

Séisme dans la ville d’Avalon : George Woodbury, enseignant respecté, est accusé d’agressions sexuelles envers certaines élèves. Comment soutenir son mari, son père, tout en envisageant sa possible culpabilité? Un roman passionnant.

Agressions sexuelles ou mensonges?

Dans la petite ville calme d’Avalon aux Etats-Unis, George Woodbury n’est pas juste un enseignant apprécié et respecté parmi les autres. Il est l’enseignant qui a désarmé un tueur à l’école il y a quelques années, l’empêchant ainsi de passer à l’acte. Un héros décoré de la médaille de la ville. Aussi, quand l’accusation pour comportement indécent sur trois élèves de 13 à 17 ans et tentative de viol sur une quatrième tombe, c’est la sidération. les médias se déchainent. La ville se divise. La famille, encline spontanément à le défendre, ne sait plus qui croire. Perdue.

Pour sa femme Joan, son fils Andrew et sa fille Saddie, c’est la douche glacée. Leur mari et père, cette personne si proche, si aimante et aimée, cet être qu’ils pensaient connaître mieux que personne, est-il en réalité un étranger, un autre? Connaît-on vraiment ses proches? S’agit-il de quelqu’un qui veut la peau de George et a monté ce scandale de toutes pièces? Comment envisager qu’on puisse s’être totalement trompé sur un proche, surmonter la trahison? L’amour résistera-t-il? Auraient-ils pu soupçonner la double vie de George, s’il s’avère coupable? N’ont-ils rien vu ou rien voulu voir?

Amour et trahison

Avec Des gens irréprochables, Zoe Whittall nous propulse au cœur d’une famille à un point de basculement de leur vie. Une famille ordinaire, aimante, laquelle pourrait être la vôtre, celle de vos voisins. Une famille à laquelle on n’avait jamais imaginé qu’il pût arriver un tel drame. Et c’est là le tour de force de la romancière : nous rendre ces gens familiers, proches, nous faire nous identifier à eux, ne faire plus qu’un avec leurs angoisses, leurs doutes, leur culpabilité, leurs douleurs, leurs questionnements. Dans ce page-turner, le lecteur se demande ce qu’il aurait fait en pareil cas : peut-on continuer à aimer aussi intensément un être, quand ce dernier se révèle potentiellement coupable d’agressions sexuelles? Le bénéfice du doute et l’amour l’emportent-t-ils sur le sentiment de trahison?

La tension narrative est permanente, à l’image de la tension extrême que subit la famille. Un roman intense, captivant, qui analyse brillamment le chaos d’une famille. A lire!

Informations pratiques

Des gens irréprochables, Zoé Whittall – éditions Eyrolles, octobre 2020 – 422 pages – 19,50€

Le bonheur est un papillon, Marilyse Trécourt

Le bonheur est un papillon

Et si l’on vous donnait la possibilité de tout recommencer, de revenir 20 ans en arrière et de modifier le cours de votre vie?

Changer de vie

Thomas, quadragénaire, est revenu dans la propriété familiale qui a bercé son enfance. C’est alors qu’il se retrouve face à face avec une apparition, celle de sa grand-mère défunte. Cette dernière lui fait une proposition incroyable : revenir 20 ans en arrière, pour recommencer à zéro, réparer ses erreurs, modifier les décisions qu’il regrette. Et, si cette vie lui parait meilleure que l’actuelle, il pourra même choisir de rester dans cette existence revisitée.

Thomas accepte. Cette existence qu’il va pouvoir orienter en se souvenant de ses erreurs, de ses regrets, sera-t-elle forcément plus agréable? Voire parfaite? Qu’est-ce qui, dans son existence actuelle, génère en lui tant de culpabilité et de souffrance? Que cherche-t-il a fuir, à réparer?

Modifier ses choix va avoir des conséquences qu’il ne maitrise pas forcément, sur lui comme sur les autres…

Etre heureux de ce que l’on a

Je vous ai déjà parlé de Marylise Trécourt avec son roman de développement personnel Vise la lune et même au delà (chronique ici), ou encore Pas besoin d’être un super héros pour réaliser mes rêves (chronique là). Dans son nouveau roman, Le bonheur est un papillon, elle pose une question très intéressante, à laquelle répondre se révèle être plus complexe qu’on ne le croit : que feriez-vous si vous aviez la possibilité de recommencer votre vie, de revenir 20 ans en arrière?

On serait tenté de répondre aussitôt : « Génial, je reviens en arrière et modifie toutes les décisions, tous les choix que je regrette »! Et de s’imaginer mener alors une vie parfaite. Mais c’est aller bien vite. En effet, changer une décision va non seulement impacter notre vie mais aussi celle de ceux avec lesquels nous sommes en lien. C’est le fameux « Effet papillon », théorie développée par Edward Lorenz au début des années 70. Ainsi, si une décision différente peut améliorer notre vie à court terme ou du moins la rendre plus conforme à nos attentes, elle peut influencer défavorablement la vie des personnes proches, avoir des conséquences en chaine non désirées, ce qui rend le bilan très mitigé.

Alors, faut-il vivre avec le regret de ne pas pouvoir revenir sur nos erreurs passées, ou faut-il se réjouir de la vie que l’on a, célébrer chaque bonheur, même le plus infime, à notre portée? Un livre passionnant qui pourrait être illustré par cette si juste citation d’Alexandre Jollien : « Trouver la beauté, la joie, là où elles se donnent : dans ce corps, dans cet être, dans cette vie, et non dans une vie idéalisée. C’est dans le quotidien, dans le banal, que la joie réside. »

Informations pratiques

Le bonheur est un papillon, Marilyse Trécourt – éditions Eyrolles, septembre 2020 – 16€ – 300 pages