Rentrée littéraire : La fièvre, Sébastien Spitzer

La fièvre Sébastien Spitzer
©Karine Fléjo photographie

Memphis gagné par la fièvre jaune

Nous sommes à la fin du 19ème siècle à Memphis. Même si la loi du Nord octroie désormais aux noirs de choisir leur lieu de vie, leur champ, leur employeur, dans le Sud les esclavagistes ont la vie dure. Et les tortures et exécutions sommaires par le Klu Klux Klan font rage. Parmi leurs adeptes, le chef du journal local, un certain Keathing. Quand ce dernier apprend que l’homme qui s’est écroulé dans le centre ville, terrassé par une mystérieuse maladie, serait atteint de la fièvre jaune, que d’autres villes alentour ont déjà observé de nombreux cas similaires, il décide de publier le scoop, semant la panique chez les habitants de Memphis qui décident de fuir.

Alors que la ville se vide, Raphael T. Brown, un ancien esclave à la stature imposante, décide de former une brigade pour défendre la ville contre les pillards. Celui qui se bat depuis des années pour faire accepter son statut d’homme libre aux sudistes racistes, ne va pas hésiter un instant à se battre pour préserver les biens de tous, y compris ceux des blancs.

Madame Cook est une autre figure locale à ne pas avoir fui. Directrice du célèbre et luxueux bordel du coin, elle avait eu comme client quelques heures avant sa mort, la première victime de la fièvre jaune.

Trois êtres, trois destins qui vont se croiser. Pour le meilleur ou pour le pire?

Un roman inspiré de faits réels

La fièvre est le troisième roman du talentueux Sébastien Spitzer. Et quel roman! Bien davantage qu’un livre, c’est une immersion totale dans le Memphis de la fin du 19eme siècle que nous offre l’auteur, avec force de parfums, de sons, d’images, de sensations. Le lecteur a peur, a faim, a froid, vibre au diapason des personnages. La plume de Sébastien Spitzer est si alerte, ses personnages ont tant de chair, la puissance évocatrice de son texte est si grande, que l’on n’est plus un simple lecteur mais le témoin de cette épidémie, des drames qui se jouent, de la solidarité qui se crée aussi. Car cette épidémie, qui fait étrangement écho à ce que nous vivons cette année avec le COVID, est révélatrice du vrai visage des êtres. Les masques tombent et les plus altruistes, les plus forts, ne sont pas toujours ceux que l’on pensait. Courage, lâcheté, égoïsme, altruisme, racisme , le meilleur et le pire se côtoient. Naît-on foncièrement bon ou mauvais, superficiel ou profond, altruiste ou égoïste? Les crises peuvent-elles opérer une prise de conscience et un changement en profondeur chez l’homme?

Un roman dense, inspiré de faits réels, qui marque une empreinte durable dans l’esprit du lecteur. Ou quand les crises, les catastrophes, les épidémies qui secouent nos sociétés, jouent le rôle de révélateur des êtres. MAGNIFIQUE.

Informations pratiques

La fièvre, Sébastien Spitzer – éditions Albin Michel, août 2020 – 315 pages – 19 €

4 réflexions sur “Rentrée littéraire : La fièvre, Sébastien Spitzer

    • Je te comprends. J’adore cette chair que l’auteur sait donner à ses personnages, le contexte historique riche qu’il dépeint , la façon dontil sonde la nature humaine. C’est le seul roman que j’ai lu sur l’épidémie et je m’en serais voulu de le manquer. ❤️

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