Le cerf-volant, Laetitia Colombani

le cerf volant

Vous aviez aimé La tresse ? Vous allez adorer Le cerf-volant de Laetitia Colombani. Le destin croisé d’une française, d’une jeune fille révoltée et d’une enfant exploitée en Inde. Une immersion bouleversante et édifiante dans un pays où naître femme est une malédiction.

S’exiler pour se reconstruire

Terrassée par un drame personnel, Léna décide de tout plaquer en France et de venir panser ses blessures au bout du monde, en Inde. Mais elle réalise son erreur une fois là-bas : où que l’on aille, on emporte ses blessures, son chagrin en soi. La distance physique ne met pas de distance mentale. Jusqu’à ce jour où elle frôle la noyade et est sauvée par la red brigade qu’une fillette témoin du drame a alertée. Désireuse de prouver sa gratitude à la fillette prénommée Lalita, elle se met à sa recherche à la sortie de l’hôpital. Et découvre avec stupeur que la gamine d’une dizaine d’années est exploitée dans le restaurant de son oncle et ne sait ni lire ni écrire vu qu’il ne la laisse pas fréquenter l’école. Une condition hélas souvent réservée aux fillettes en Inde, où naître femme est une véritable malédiction. Esclave de leurs parents, bonnes à tout faire, les femmes sont victimes de mariages arrangés dès l’âge de 10 ans et deviennent l’esclave de leur mari et de leur belle-famille. Traitées en sous-êtres humains.

Or Lalita manifeste une soif d’apprendre et une intelligence peu communes. Léna, qui a enseigné avec passion pendant 20 ans en France, décide alors de lui apprendre à lire et à écrire. Et lui offre ce-faisant bien plus que l’instruction : l’accès à la liberté, à l’indépendance financière, à un travail plus tard. Mais l’oncle de Lalita va-t-il accepter de perdre une main d’œuvre aussi bon marché ? Peut-elle changer le monde, aussi bien intentionnée soit-elle, et balayer des siècles de traditions ? Et Léna, que fuit-elle? Trouvera-t-elle l’apaisement?

La condition des femmes en Inde

C’est avec bonheur que je suis Laetitia Colombani de roman en roman. J’ai adoré La tresse (Chronique ICI), mais aussi Les victorieuses (chronique ) pour la profonde humanité des personnages, la sensibilité et la fluidité de l’écriture. Alors forcément, en apprenant la sortie chez Grasset de son nouveau roman, Le cerf-volant, je me suis précipitée dessus.

Et c’est un ENORME coup de cœur !

Dans ce roman, Laetitia Colombani revient (comme dans La tresse) sur le sort des Intouchables (ou Dalits) en Inde. Une caste d’êtres victimes d’incessantes discriminations, jugés impurs et rejetés. Naitre femme et membre de cette caste est par conséquent une double peine.

L’institutrice française espère changer le destin des fillettes du village, consciente qu’elle va devoir combattre des siècles de traditions, les réticences des familles. Mais consciente aussi « que l’éducation est leur seule chance de s’affranchir du sort auquel leur naissance les a condamnées. » Même s’il est illusoire de penser que vouloir changer les mentalités suffira à y parvenir, sortir ne serait-ce qu’une enfant de l’esclavage auquel elle était promise justifie à lui seul d’agir. L’inde est le plus grand marché de main d’œuvre enfantine au monde. Des petites mains quasiment gratuites, particulièrement dans la caste des Intouchables.

Le combat de cette française, venue se reconstruire au bout du monde, est magnifique. Indiciblement émouvant. Et ce roman rappelle si besoin, combien la condition des femmes en Inde est problématique, mais aussi que l’esclavage n’est pas aboli, comme le prouvent ces enfants contraints de travailler dès leur plus jeune âge dans des conditions inhumaines.

Un roman édifiant, dont la gravité du sujet n’empêche pas Laetitia COLOMBANI d’en avoir fait un livre lumineux et porteur d’espoir.

Informations pratiques

Le cerf-volant, Laetitia Colombani – éditions Grasset, juin 2021 – 205 pages -18,50€

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