La chienne, Pilar Quintana

La chienne, Pilar Quintana

Une immersion dans la jungle colombienne, où une femme extrêmement pauvre reporte l’amour qu’elle ne peut pas donner à un enfant sur un chiot qu’elle a adopté. Une analyse choc et bouleversante de l’instinct maternel.

Désir d’enfant contrarié

Damalis et Romelio vivent dans une cabane de fortune, sur une falaise entre jungle et océan pacifique, sur la côte colombienne. Ils n’avaient que 18 ans quand ils se sont rencontrés. Et, alors qu’ils vivaient dans le village, après deux ans de vie commune les gens commencèrent à jaser : comment se faisait-il qu’ils n’avaient pas d’enfant ? Damaris consulta une chamane, essaya des potions censées favoriser la grossesse à base d’herbes de la brousse. En vain. Une blessure jamais refermée.

Quand vingt ans plus tard Damalis voit un chiot au village, elle n’hésite pas une seconde et l’adopte sans même en parler à Romelio. Et de donner à sa petite chienne le prénom qu’elle aurait donné à sa fille si elle en avait eu une : Chirli. Et de la glisser entre ses seins pour la promener. Et de l’entourer d’attentions, comme elle l’aurait fait pour ce bébé qui n’est hélas jamais venu. Une relation fusionnelle.

Mais un jour, alors que la chienne a grandi, Romelio lui fait remarquer qu’elle attend une portée. Dans l’esprit de Damalis, c’est le point de bascule : comment sa chienne peut-elle se voir accorder le bonheur d’être mère, bonheur que la vie lui a refusé ?

De l’amour à la haine

C’est un roman extrêmement dense, d’une grande puissance évocatrice que nous offre Pilar Quintana, auteure colombienne, avec La chienne, aux éditions J’ai lu. La chienne ici se substitue à l’enfant tant désiré et permet à la romancière d’explorer le lien filial qui lie Damaris à l’animal. Un amour fusionnel, exclusif. Aussi, quand la chienne commence à fuguer, à trouver du bonheur ailleurs que dans les jupes de Damalis, cette dernière le vit comme une trahison. D’abord sujette à une angoisse paroxystique lors de sa première fugue, convaincue que la chienne ne saura jamais retrouver son chemin jusqu’au cabanon, elle sent poindre en elle au fil des récidives de la chienne une colère terrible, colère qui se mue en haine. L’atmosphère devient alors lourde, oppressante comme la jungle qui envahit tout alentour. Pilar Quintana nous entraine jusqu’aux confins du désir maternel inassouvi : jusqu’où peut conduire le désir d’enfant contrarié ?

Un roman qui secoue, émeut et ne laisse pas le lecteur indemne.

Informations pratiques

La chienne, Pilar Quintana- éditions J’ai lu janvier 2022-153 pages – 6,70€

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